Anniversaire

6 minutes de lecture

Bonjour à tous, je me lance pour la 1ère fois dans un texte d'horreur, alors j'espère que mon histoire sera prenante, et effrayante si possible ;)

Je vous propose un morceau pour accompagner la lecture, qui met bien dans l'ambiance si vous ça amuse ! https://www.youtube.com/watch?v=PfNwR7Qwp4E

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Enzo souffla les sept bougies de son anniversaire avec force dans un silence religieux, laissant ensuite place à un tonnerre d’applaudissements. Il se sentait admiré par sa famille, et très fier de lui, il ôta une à une les bougies consumées, avant que sa mère ne se décide à trancher le gâteau aux trois chocolats en fines parts.

Son père et son grand frère Charles se prélassaient dans les chaises longues du vaste jardin, tandis que leur chien Ramzy, un joli border-collie bondissant d’énergie, slalomait joyeusement entre les membres de la famille, espérant glaner une part du dessert. Seule sa grand-mère n’y mettait pas un enthousiaste débordant ; cependant Enzo l’avait toujours connue ainsi. Elle se contenta de marquer un rictus de dégoût en marmonnant un « Va-t’en, sale bête ! ». Son grand-père Étienne, qu’il appréciait plus largement, notamment pour les fantastiques cadeaux de Noël qu’il recevait de sa part, savourait avec précaution un digestif dont Enzo ne connaissait pas le nom. « Il a quand même du courage, Pépé ! Je n’aimerais pas vivre avec elle ! » pensa-t-il en même temps.

Le soleil généreux du mois de mai chauffait déjà bien fort, et Étienne proposa de faire un petit tour dans les bois largement ombragés avant de s’octroyer une sieste méritée aux alentours de seize heures. Son épouse s’y refusa malgré des encouragements unanimes, enfin presque ; car Enzo n’avait jamais aimé sa grand-mère. Elle lui inspirait une peur sourde, machiavélique, un peu comme dans les histoires de sorcières qu’on lui lisait parfois le soir, sauf que cette fois, c’était horriblement réel. Il gardait en particulier un souvenir glaçant des quelques nuits qu’il avait passées en vacances chez elles. Le matin, il s’enfuyait dès qu’il le pouvait à la piscine municipale, après s’être réveillé plusieurs fois en sursaut la nuit, entendant des grincements lugubres qui faisaient battre la chamade à son coeur. Ses parents avaient eu beau lui expliquer que l’obscurité et le silence mettent en valeur les moindres bruits, faisant délirer son imaginaire, il eut une nuit la preuve que ses soi-disants psychoses étaient réellement fondées. Il s’était trompé de porte en allant aux toilettes et avait débouché sur l’escalier de la cave. Intrigué par de lourds bruits de fracas aléatoires, il était descendu prudemment les marches une à une, avançant à pas de loup vers la buanderie, et lorsqu’il avait franchi l’angle y menant, il avait trouvé sa grand-mère à quatre pattes, la tête dans le congélateur, en train de frapper violemment par à-coups la paroi de celui-ci avec une énorme louche métallique. Elle était agitée de soubresauts soudains, et avait poussé un beuglement terrifiant lorsque, passablement choqué, il avait fait grincer une marche de l’escalier en remontant. Autant dire qu’il n’avait plus fermé l’œil, même s’il n'avait plus entendu aucun bruit jusqu’à l’aube. Il l'avait retrouvée le lendemain matin dans la salle à manger, occupée à sa couture, affichant un sourire dont il était impossible de déterminer s’il était bien intentionné ou plein d’idées malsaines. Il n’en parla jamais, de peur de devoir aller voir un médecin pour vérifier son état mental, mais était convaincu de ne pas avoir rêvé.

Enfin, tout ceci était résolu, car il avait récemment convaincu de remplacer ses habituelles vacances chez sa grand-mère par quelques jours chez un copain du primaire, un certain Matthis, qui avait la fâcheuse habitude de manger du papier quotidiennement, mais semblait néanmoins très sympathique à Enzo.

Et puis, c’était son anniversaire ! Il alla caresser Ramzy, qui ne cachait pas sa joie de partir en promenade, et ils se mirent tous en route. Ils longèrent le pré du père Boulu, puis s’arrêtèrent devant un petit lac où barbotaient de nombreux canards, et dont les rives étaient occupées par une grande famille de ragondins qui mâchaient nonchalamment l’herbe haute. Alors que les parents d’Enzo et son frère prirent une légère avance, Étienne sourit malicieusement à son petit-fils, et lui glissa un petit billet dans la poche, « pour acheter quelques bonbons avec tes amis au marché la prochaine fois ». Enzo savait déjà à qui il en offrirait quelques-uns…

Alors qu’il se mit à courir pour rattraper ses parents, il fut foudroyé par une décharge électrique extrêmement douloureuse qui lui lacéra le bras de haut en bas. Il s’effondra dans un cri atroce, et regarda, hébété, son bras qui ne répondait plus à sa volonté. Il eut à peine le temps de voir ses parents accourir que sa vue se brouilla, la douleur atteignant un insoutenable paroxysme, puis soudain, rien.

Il reprit connaissance au bord du lac, et s’étonna de ne voir plus personne. Ne voulant pas céder à la panique, il expira longuement plusieurs fois, et fit quelques dizaines de mètres dans chaque direction. N’étant pas plus avancé, il décida de rebrousser chemin, fier de connaître le parcours malgré son jeune âge. Il en avait déjà oublié sa douleur furtive : reconnaissant les sentiers, il galopait en direction de chez lui. Ça ferait une drôle d’histoire à raconter, c’est certain ! Il traversa le dernier ruisseau avant d’arriver à l’arrière du jardin, lorsqu’il sentit un vent froid s’abattre sur lui. Il rouvrit les yeux après s’être protégé de la poussière qui lui avait volé dans les yeux, et eut une brusque montée d’adrénaline. Ce n’était pas sa maison. Il n’entendit pas son chien aboyer comme à chaque fois qu’il rentrait. Pourtant, il était sûr du chemin !

Il avança quand même, et trouva en lieu et place de son domicile bien connu une bâtisse à la fois majestueuse et mystérieuse. La façade en pierre s’élevait sur plusieurs étages, et était constellée de larges vitres rectangulaires. Il s’aventura jusqu’à l’entrée en passant sous une voûte de plusieurs mètres de hauteur, et son regard fut attiré par une large plaque métallique indiquant : « Hôtel de la Forêt ». Il y pénétra, espérant trouver quelqu’un à qui il pourrait partager son angoisse grandissante. Il y régnait un froid canadien, et la faible lumière qui filtrait à travers les vitres translucides faisait rayonner les fines particules de glace qui emplissaient le hall d’entrée. Néanmoins, il était toujours inexorablement seul, et emprunta donc les escaliers pour essayer de trouver de l’aide. Le froid s’intensifiait, et ce fut cette fois-ci sa jambe qui fut parcourue d’une violente crampe. Il arriva tant bien que mal sur le palier du 1er étage, et fut saisi d’une terreur sourde qui s’amplifia rapidement au fur et à mesure qu’il découvrait son visage pâle prenant des teintes bleutées plus violacées dans le grand miroir à moulures dorées qui donnait sur le couloir. En oubliant presque sa jambe claudicante, il poussa un soupir de soulagement lorsqu’il put ouvrir une porte de chambre, et trouva un jeune couple de dos, qui était assis face à la fenêtre, se tenant la main dans une symétrie quasi-parfaite. Enzo s’approcha, s’étonnant de ne pas les voir se retourner, et alors qu’il effleura à peine l’épaule de la femme, celle-ci se décrocha tel un fruit mur, au détail près qu’elle se brisa en une multitude de bris de verres en heurtant le sol. C’en était trop pour Enzo, cet endroit était définitivement maudit, et mû par l’adrénaline, il dévala les escaliers pour rejoindre l’extérieur.

Alors qu’il traversait le hall, la grande porte d’entrée se referma dans un claquement sinistre et brutal, et la grand-mère d’Enzo apparut face à lui. Elle lui semblait encore plus rachitique que d’habitude, mais non moins menaçante. La commissure de ses lèvres tremblait de manière sinistre, et elle laissait osciller l'énorme louche qu’elle tenait dans sa main droite. Dans un pur réflexe, il s’enfuit vers l’arrière, mais sentit ses jambes perdre progressivement de leur force. Il ne parvenait plus à courir normalement, il lui semblait que ses cuisses pesaient des tonnes, et il entendait dans son dos un souffle rauque qui s’approchait inexorablement. Pris d’une panique brute, il tenta en vain de soulever son pied, avant de sentir des mains glacées lui saisir les épaules. Il ne supportait pas ce contact atroce mais ne pouvait s’en défaire, et il se fit traîner jusque dans les cuisines. De vieilles casseroles crasseuses étaient entreposées pêle-mêle, servant de point d’appui à des toiles d’araignées tissées par des espèces qui devaient probablement faire la taille d’une main humaine. Il se fit pousser dans le monte-charge du fond, et sa grand-mère appuya sur un bouton en éructant de plaisir. Les portes se refermèrent, et quelques secondes plus tard, il atterrit dans une vaste pièce aux néons frileux, qui éclairaient péniblement de gros sacs de vivres, sur lesquels s’était déposée une grosse couche de givre en picots. Les engelures commencèrent progressivement à envahir Enzo, jusqu’à ce qu’il perde définitivement connaissance.

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