Partie 1- Pourquoi les pompiers ont-ils une hache dans leur caserne ?

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- Bonjour madame ! Je viens vérifier les installations électriques. Nous faisons ça pour prévenir des incendies désormais.

- D’accord, je vous en prie, entrez. Vous avez besoin de moi, je dois rester avec vous ?

- Non, vous pouvez continuer à faire ce que vous faisiez. Je vais visiter la maison, il faut que je regarde un peu partout. Je vous fais un compte rendu d’ici une demi-heure.

- D’accord, très bien. Je vous laisse faire.

 Le pompier portait l’équipement classique, pourquoi Margaret ne lui aurait pas fait confiance ? Elle retourna devant les informations télévisées. Il s’agissait de crime contre l’humanité, violence et famine. Sans oublier la dette de l’état et la future ré-élection du président. À se demander si les votes n’étaient pas truqués. Être autant critiqué et s’en sortir pour la troisième fois avec 60 % des voix était louche. La météo nous rappelle que demain, il pleut, mais qu’on pourra profiter du week-end, le soleil sera de retour.


On garde le meilleur pour la fin : « flash spécial ! Un serial killer a fait un massacre à la caserne de pompier. D’après les caméras de surveillances, il mesurerait 1m90 et serait brun. Il est reparti avec une panoplie complète ainsi qu’une hache qu’il a accrochée dans son dos. Il conduit une voiture de pompier volée immatriculée ZE-738-AJ. Merci de nous contacter si vous pensez être en présence de cet homme. Surtout, ne le laissez pas rentrer chez vous ! »


C’était la fin des informations et l’on apprenait que le film qui suivrait après une courte page de pub (environ 25 minutes...) serait une histoire d’amour avec un guerrier, seul contre le reste du monde, qui tenterait de sauver une jolie femme des griffes de la mort.


Margaret était devenue blanche. Qui était cet étranger qu’elle avait laissé rentrer chez elle ? Et sa fille, Lisa, qui était au premier étage... Par quoi commencer ? S’assurer qu'elle allait bien ? Vérifier que l’homme était bien pompier ?


Il l’appela :

- Madame, pouvez-vous m’aider, j’ai un souci. Mon téléphone doit déconner, je n’arrive pas à contacter la caserne. Puis-je essayer avec le vôtre ?

- Oui, bien sûr. Je, heu.. Vous voulez le fixe ?

- Non, je l’ai débranché. Votre prise n’est pas aux normes. Pouvez-vous me prêter votre portable ?

- Heu, tenez.


 Elle le rejoignit et le lui tendit, refusant de s’approcher plus du pompier. Elle n’avait pas regardé son dos et s’attendait à y découvrir une hache, mais il ne se retournait pas et il était suffisamment grand pour pouvoir la camoufler. Elle ne voyait pas ses cheveux, il avait son casque sur la tête. Pourquoi l’avait-il mis ?

- Merci.

 Margaret sursauta quand il lui dit merci.

- De rien. Au fait, je suis désolé pour le massacre à votre caserne.

- Non, il ne faut pas. On n’était pas copain de toute façon.

Margaret se raidit.

- Je vous laisse téléphoner, vous n’aurez qu’à le reposer sur la table quand vous aurez fini.

- Merci beaucoup.


Elle tenta de ne rien montrer de la peur qui montait en elle. Elle recula dans le couloir pour ne pas tourner le dos au pompier. Il lui restait à vérifier la plaque d’immatriculation de la voiture et à s’assurer que sa fille allait bien. N’avait-il pas déjà "contrôlé" l’étage ? S’il l'avait touché, Lisa n’aurait elle pas crié ? La chair de poule s’empara de sa peau et ne sembla plus vouloir s’arrêter. Margaret monta à l’escalier en tentant de faire le moins de bruit possible.


Elle se dirigea directement dans la chambre de Lisa qui jouait tranquillement aux poupées.

- Qu’est-ce qu’il y a maman ? Pourquoi t’es toute pâle ?

- Ne t’inquiète pas ma chérie, maman va bien. Je suis juste un peu fatiguée.

- D’accord.

- Surtout, tu restes ici.

- Pourquoi ?

- Parce qu’il y a un monsieur en bas qui vérifie les prises électriques et qu’il ne faut pas le déranger. Donc quoi que tu entendes, tu restes dans ta chambre. Et si quelqu’un monte l’escalier, tu te caches sous ton lit. Il ne faut pas qu’il te voie.

- On joue à cache-cache ?

- Si tu veux, mais il ne faut pas qu’il te voie.

- D’accord maman.

- À plus tard ma chérie.

 Margaret se dirigea vers une fenêtre pour vérifier l’immatriculation de la voiture de pompier. Elle ressemblait bien au véhicule qui était passé à la télévision. D’ici, Margaret n’arrivait pas à lire la plaque, en plus elle était très sale. Margaret distinguait un Z et un 8. Mais le stress l’empêchait de se souvenir du numéro qu’ils avaient donné. Elle s’en voulait, elle savait qu’elle aurait dû le noter !


- Madame Lentsh, j’en ai fini avec le bas, je vais monter.


 Le pompier était en bas des escaliers, il ne semblait pas l’avoir remarqué. Et Margaret, qui gardait en tête ce qu’il avait dit (On n’était pas copains de toute façon), parti se cacher dans la chambre de sa fille. Elle était sure que c’était le tueur.


- Madame Lentsh, j’ai vu à votre emploi du temps familial que Monsieur Lentsh ne sera pas de retour avant 17 h, ce soir. Peut-être qu’une femme au foyer se sentant seule aurait un instant à m’accorder ? Où êtes-vous, madame Lentsh ?


 Margaret se rendit compte qu’il avait fouillé les papiers pour récupérer leur nom et qu’il en avait profité pour regarder l’emploi du temps de son mari. Il savait que personne ne le dérangerait pendant sa besogne.


- Maman, qu’est-ce qui se passe ?

- Ce n’est rien ma chérie, cache-toi sous le lit, ça va aller.


Ces mots qu’on prononce pour se rassurer soit même parce qu’ils ne rassurent personne d’autre. Lisa obéit, elle se glissa sous les lattes. C’était une merveilleuse petite fille. La famille Lentsh devait lui faire un frère ou une sœur d’ici quelques mois. Mais ça ne se voyait pas encore, il était trop tôt pour l’annoncer. Margaret pensait autant au bébé qu’a sa fille qu'elle devait protéger.

- Madame Lentsh, la hache que j’ai dans le dos commence à peser lourd. Il va falloir que je trouve un endroit où l’abattre. Pouvez-vous venir m’aider ?


Margaret tremblait. Une chance que Lisa ne comprenait pas ce qui se tramait.

- Madame Lentsh, j’arrive !


Margaret ferma les yeux et entendit la porte claquer ! Elle osa écarter ses doigts pour voir ce qui se passait. La porte était toujours close, il s’était trompé de pièce.

- J’aime bien jouer à cache-cache, moi aussi ! Mais je n’ai jamais été un bon perdant !


Elle changea d’idée, elles devaient fuir, mais le premier étage où elles étaient coincées était en mansarde.

- Lisa, j’ai trouvé une meilleure cachette pour toi, viens ici sans faire de bruit.

- Pourquoi tu chuchotes maman ?

- Parce qu’il ne faut pas que le monsieur nous trouve.

- C’est qui le monsieur maman ?

- Viens par là, je vais te passer par le velux et tu n’auras plus qu’à te cacher sur le toit. Il faudra que tu t’accroches bien pour ne pas tomber !

- Oui maman, je vais m’accrocher très fort !

- C’est bien, tu es une gentille fille, je t’aime.

- Moi aussi je t’aime maman.

 À peine Lisa traversait le vasistas que la porte s’ouvrit avec fracas.

- Vous jouez à la poupée, madame Lentsh ? Comme c’est mignon !

- Que me voulez-vous ? Qu’est-ce que vous êtes venu faire exactement ?

- Je ne suis rien venu faire madame Lentsh. Je vous trouve très jolie. Je pense que le rouge vous ira à merveille.

- C’est vous l’auteur du massacre de la caserne de pompier ! C’est vous, n’est-ce pas ?

- Je ne ferais jamais rien de tel, les pompiers sauvent les gens ! Je ne pourrai jamais en tuer un ! D’ailleurs, j'en porte l’uniforme ! Je sauve les gens moi !

- Vous avez volé cet uniforme tout comme cette hache ! Vous avez tué cet homme !

- Je n’ai tué personne, madame, j’essayai juste de le sauver. Tout comme j’essaye de vous sauver, pourquoi avez-vous peur de moi ?

- Parce que vous êtes un assassin !

- Je n’ai tué personne, c’est la hache qui a mis fin à ses jours ! Ce n’est pas moi ! Je l’ai juste achevé, pour ne pas le laisser souffrir. Vous comprenez ? On ne peut pas laisser souffrir quelqu’un qui s’est pris un coup de hache.

- Mais je ne me suis pas pris de coup de hache, alors vous pouvez sortir de chez moi !

- D’accord, mais comme j’ai très envie de vous aider, je vais vous donner un coup de hache. Comme ça, je ne pourrai pas vous laisser souffrir.

 Margaret fixait le fou, mais la visière de son casque cachait ses yeux. Elle n’avait aucun échappatoire. Si elle passait par la fenêtre, elle montrait où se cachait la petite. Mais il ne l’avait pas encore mentionné, donc il ne savait peut-être pas qu’elle existait. L'homme retira la hache de son dos, il la portait à deux mains, la brandissant bien haut, au-dessus de sa tête. Au moment de l’abattre sur Margaret, elle se prit dans le lustre de la chambre de Lisa. Pendant que le fou tentait de la dégager, Margaret passa derrière lui pour redescendre dans la cuisine. Elle saisit un couteau de boucher et se cacha dans un des placards.

- Madame Lentsh, j’ai fermé à clé, je sais que vous n’êtes pas dehors. Où êtes-vous ? Est-ce un cache-cache ou est-ce qu’on joue au chat et à la souris ? Je ne sais plus... C’est vrai que vous êtes cachée, mais où ? Madame Lentsh ?

 Il descendit dans la cuisine, et commença à ouvrir les portes de placards. Margaret le voyait par un léger jour. Il laissait chaque porte ouverte de manière à ne laisser aucune cachette, et s'arrêta quand il découvrit de l’alcool.

- Madame Lentsh, j’ai trouvé le whisky, je me sers un verre ! À votre santé bien entendu ! C’est vous l’hôtesse, n’est-ce pas ?

 Et se faisant, il posa sa hache, déboucha la bouteille et rempli son verre. Il le vida d’un trait. Margaret profita du fait qu’il soit de dos pour sortir du placard et lui planter le couteau dans le mollet. Ce qui provoqua chez le fou un cri de rage. Margaret laissa le couteau en place et s’enfuit en prenant la hache. Le pompier marchait moins bien. Il essayait de retirer la lame de sa jambe, mais cela semblait être une torture. Margaret eut le temps de prendre les clés de la maison, de sortir, tout en les laissant dans la serrure. Ce qui ne servait strictement à rien puisqu’il pouvait la rejoindre en passant par la baie vitrée.

 Elle avait oublié son téléphone, elle ne pouvait pas appeler à l’aide...

- Madame Lentsh, j’arrive !

 Le pompier était sorti. Au son de sa voix, Margaret fut prise de violents tremblements.

 À ce stade de l’histoire, pour que vous visualisiez un peu mieux, il faut que je vous fasse un plan de la maison. C’était une bâtisse assez simple, dans un petit village. Un jardin entouré d’une haute haie de sapin les séparaient de la rue. Un chemin de pierre menait le visiteur du portail à la porte d’entrée. C’est l’endroit où se trouvait Margaret à ce moment. À la base, la maison était de plain-pied, mais les Lentsh avaient aménagé les combles pour en faire un premier étage en mansarde dans lequel se trouvait la chambre de Lisa ainsi que la leur. Derrière, sur la façade opposée, se trouvait la véranda avec une grande baie vitrée, c’est d’ici que sortit le pompier. Maintenant que ces explications ont été données, nous allons pouvoir revenir à notre histoire.

 Margaret ayant entendu le pompier l’appeler chercha à retourner à l'intérieur, mais la porte ne voulait pas s’ouvrir, bien qu’elle ai laissée les clés dans la serrure ! Il avait dû la bloquer avant de sortir. Elle devait à tout prix entrer à nouveau dans la maison pour prévenir la police. Mais le fou arrivait déjà, marchant aussi vite qu’il le pouvait. Il traînait sa jambe blessée.

- Madame Lentsh, il faut que vous veniez me faire un pansement ! J’ai mal à mon mollet ! Peut-être qu’un bisou magique suffirait ? Qu’en pensez-vous, madame Lentsh ?

 Margaret réalisait à quel point cet homme avait perdu la raison. Ses idées étaient de plus en plus incohérentes. Il était malade et allait vraiment la tuer. Elle devait courir dans la direction opposée pour se mettre à nouveau à l’abri dans la maison et pouvoir appeler les gendarmes ou n’importe qui ! Il fallait qu’elle prévienne que le serial killer était chez elle. Mais dans la précipitation, elle ne regarda pas où elle mit les pieds et se les prit dans un tuyau d’arrosage. La chute fut douloureuse et un coup d’œil derrière elle lui montra son prédateur qui approchait dangereusement. Il n’était plus qu'à un mètre de madame Lentsh, il récupéra sa hache et la brandit fièrement dans le ciel. C’est à ce moment que Lisa qui observait la scène de plus haut hurla :

- Maman !

 Ce cri arrêta le mouvement du pompier qui chercha d’où il pouvait venir. Il était content car cela voulait dire qu’il y aurait un autre humain à mettre en pièce. Il rit. Cela semblait être une telle joie pour lui ! Il appela la petite :

- Coucou mademoiselle ! Qu’est ce que tu fais sur le toit ? Tu viens jouer avec nous ? On joue au chat et à la souris ! Allez, descend par là, je vais te rattraper.

 Margaret regardait la scène, mais ne pouvait pas réagir. La hache était de nouveau aux pieds de l’homme et Margaret avait vu la mort passer si prêt qu’elle en avait le souffle coupé. Elle ne réussissait pas à parler. Elle aurait voulu dire à sa fille de se cacher où d’appeler la police, mais aucun son ne sortait. Margaret était devenue muette.

- Alors, qu’est-ce que tu attends ? Viens, saute ! Je suis pompier, je vais te rattraper !

 Lisa, n’ayant que quatre ans, crut que c’était vraiment un jeu. Elle commença donc à descendre jusqu’à ce que ses pieds touchent la gouttière. Enfin, elle put se mettre debout et sauta. Mais bien évidemment, l’homme ne la rattrapa pas.

- Oh, le petit oiseau est tombé du nid ! C’est triste ! Il a mal à sa jambe ! Ce pauvre petit oiseau ne guérira jamais, il faut l’achever pour l’empêcher de souffrir !

 Et le fou se remit à rire de plus belle ! Une des jambes de la petite faisait un angle bizarre, fracturée à coup sûr. Pour autant, elle avait sans doute plus besoin de soins en urgence que d’une euthanasie. La hache se leva quand même. L’ombre du pompier et de son arme semblait représenter la faucheuse en action, prête à prendre la vie de n’importe qui, à n’importe quel âge.

 Margaret, qui assistait à la scène, avait réussi à se relever. Et dans un élan de courage et de force que seules les situations extrêmes permettent, elle avait plaqué le pompier, tel un rugbyman arrêtant la progression d’un adversaire. La hache lui échappa des mains et il n'eut pas le temps de réagir. Margaret s’en saisit et le frappa de toutes ses forces. Elle répéta le geste plusieurs fois, les souliers de Lisa trempaient dans la flaque de sang qui se répandait par terre. La faucheuse avait pris la vie du fou. Margaret devenait folle à son tour. Pourquoi continuait-elle de lever et d’abattre cette hache sous le regard apeuré de sa fille ? Pourquoi un sourire apparaissait-il sur se lèvres ? Peut-être était ce dû à la pression de ces derniers instants. Elle le frappa encore pendant un quart d’heure, jusqu’à ce que ses bras ne puissent plus soulever son arme. Elle tomba à genoux et partit d’un fou rire. Alors, enfin, Lisa lui demanda :

- Maman, il est mort le monsieur ?

- Oui ! Il est mort ! Il est complètement crevé !

 Mais elle continuait de rire et en oubliait totalement sa fille à la jambe cassée. Elle répétait inlassablement « complètement crevé, mort, HS, dézingué » telle une chansonnette qu’on chante à tue-tête.

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