Mauvaise rencontre

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-Hé Jill, une autre bière ici ! Me héla Josh un habitué du pub depuis la table ronde où il jouait au poker avec deux autres motards.

-Encore une alors qu'il n'est que seize heures ? Ce n'est pas raisonnable, me moquais-je en lui apportant sa pinte, il s'esclaffa en secouant la tête.

-Tu comprendras quand tu auras mon âge petite, je fis la moue, techniquement, j'avais presque son âge, mais évidemment Josh était humain, peu d'entre eux étaient au courant pour les nocturnes, le pauvre ça lui ferait un choc s'il savait qu'en réalité, j'approchais des quarante ans. Mais tout ce qu'il voyait, c'était une jolie jeune femme aux cheveux platine, au teint légèrement pâle et aux yeux en amande. Le charme qui entourait les surnaturels et plus particulièrement les vampires était une sorte de magie innée qui nous permettait de nous fondre dans la masse. De charmer ou de se faire oublier. Il nous conférait aux yeux des mortels un charme particulier, un charisme et une prestance sans pour autant qu'ils arrivent à mettre les doigts sur pourquoi.

Je retournais derrière le comptoir avec Rob qui m'ignorait royalement, se contentant de laver les tasses de café posées devant lui. Il arrivait que le charme mette certains humains mal à l'aise, c'était le cas pour mon collègue préféré, sans doute était-il un descendant de druides ou de sorcières et possédait encore un soupçon de magie en lui. Ce mec n'avait pourtant rien d'extraordinaire mis à part peut être son talent inné pour me taper sur les nerfs chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Rob avait vingt-cinq ans, des cheveux marron, des yeux de la même couleur, un nez légèrement de travers et un visage arrondi, il était barman depuis deux ans dans ce pub. Moi, j'avais trouvé ce job de serveuse depuis un an seulement, j'avais dû falsifier une carte d'identité pour me faire embaucher. Après tout, j'avais toujours la tête d'une fille de vingt ans, personne ne m'aurait pris sans papier d'identité. Heureusement, la gérante du pub n'était ni très nette ni très regardante sur ses employés. J'étais payé onze dollars de l'heure et je travaillais ici de seize heures à deux heures du matin, je faisais autant d'heures que possible pour payer mon loyer, heureusement pour moi, je n'avais pas besoin de payer pour manger.

Plongée dans mes pensées, je me rappelais mon repas de la veille, le vieil ivrogne accros aux jeux et à l'alcool. Il avait un goût affreux, son sang était pourri par toute sorte de cochonnerie, mais au moins, il me permettrait de tenir deux jours de plus. Je l'avais laissé comateux à l'emplacement exact où je l'avais trouvé, de toute manière dans l'état où il était avec ou sans mon intervention, il n'aurait pas été capable de rentrer avant des heures.

-Dis-tu comptes rêvasser encore longtemps ou tu vas servir le client là-bas ? Rallas Rob en agitant ses mains mouillées devant mon visage, je me retiens de feuler, oui oui comme un chat, et tournait la tête vers l'homme en question, interpellée. J'avais beau trouver que je n'étais pas payée à la hauteur de mon travail, je prenais tout de même ce job au sérieux, je restais un vampire parfaitement professionnelle. D'habitude, je n'oubliais pas de clients, était-ce cette histoire de guerre qui me préoccupait ? J'attrapais un de ces plateaux en bois abîmé par le temps pour me donner un air plus acceptable et approchais de l'homme assis au fond de la salle un sourire poli sur les lèvres. À peine eue-je parcouru la moitié de la distance que je compris ce qui n'allait pas, ce n'était pas moi qui avais été distraite, c'était lui qui effaçait sa présence. Je fis comme si de rien n'était, après tout nocturne ou pas, il restait un client, je m'arrêtais devant l'homme mon plateau devant moi.

-Vous désirez commander quelque chose monsieur ? Demandais-je d'une voix qui se voulait détendue et avenante. Pourtant, à l'instant où il se redressa pour me faire face, je chancelais et du me faire violence pour garder une expression convenable. Ce loup-garou, réalisais je en plongeant mes yeux dans ses pupilles dorées, il sentait le café, un effluve qui pouvait passer tout à fait inaperçu pour un homme d'affaires normal de Los Angeles. Mais lui n'était ni businessman, ni normal. Il n'avait rien à faire dans un pub mal famé de motard. Je remarquais alors ses grandes épaules carrées nullement dissimulées sous le simple t-shirt gris qu'il portait, en fait cela révélait encore plus l'imposante musculature de ses bras. Il avait un cou épais, une mâchoire carrée ou poussait une barbe de trois jours et des cheveux sombres ondulés et épais qui lui tombaient dans les yeux. Je ne croyais pas au destin, rencontrer deux jours de suite un loup-garou n'était jamais bon signe, au contraire.

-Comme lui, répondit-il d'une voix rauque, comme s' il n'avait pas l'habitude de l'utiliser, en pointant Josh le motard au centre du pub du doigt. J'avais la vague impression qu'il s'agissait là d'un choix au hasard, mais du moment que je n'étais pas la proie qu'il semblait chasser et qu'il ne causait pas de grabuge, je ferais comme s'il était un client ordinaire.

-Une bière pression, donc. J'arrive tout de suite. Je m'éclipsais rapidement sentant son regard peser dans mon dos tandis que l'envie de tirer sur ma jupe d'uniforme trop courte me démangeait et je me repliais derrière le comptoir en soupirant. Cet homme possédait une aura écrasante, intimidante et surtout pleine de colère. Pourtant, il semblait plutôt calme, il était même carrément froid, dire qu'il n'avait pas piqué ma curiosité aurait été mentir éhontément. C'était une aura assez inhabituelle pour un loup solitaire, surtout dans le coin, en tout cas tous ceux que je connaissais ici ressemblaient plus à des chiens errants apathiques qu'à de fiers et sauvages loups des montagnes.

Le loup resta de dix-sept heures à vingt et une heure dans le pub, il ne bougea quasiment pas, parfois, il commandait quelque chose pour ne pas avoir l'air de squatter complètement l'endroit. Je le vis à plusieurs reprises griffonner quelque chose sur un petit carnet à la couverture sombre et aux pages écornées, je ne le pris jamais sur le fait, mais je sentis son regard sur moi tout le temps qu'il resta. Je l'observais aussi, me disant que pour un loup, il était plutôt pas mal, c'était juste dommage qu'il soit aussi glacial. Pour moi, l'incessante guéguerre d'ego entre vampire et loup ne me concernait pas.

-je commence à avoir pitié de lui, lâcha Rob en le désignant d'un hochement de tête, ce mec te dévore littéralement des yeux depuis qu'il s'est pointé, tu pourrais au moins lui donner ton numéro.

-Même pas en rêve, tu sais très bien que je ne refile jamais mon numéro, je ne pouvais pas lui dire que ce gars pouvait effectivement me dévorer, mais pour de toutes autres raisons. Et au-delà de ça, je supportais déjà les regards insistants et les mains baladeuses, il n'était pas question qu'on vienne m'emmerder après le travail aussi. Alors que distraite par mon collègue grognon l'homme se leva et s'approcha du comptoir porte monnaie à la main, il régla sans faire d'histoires et s'éclipsa silencieusement, la clochette au-dessus de la porte tinta et la porte se referma derrière lui. l'atmosphère s'alléga significativement et tout le monde dans la pièce sembla respirer plus librement. Le brouhaha habituel revint jusqu'à rendre de nouveau l'endroit jovial et mouvementé.

-Haaargh ce mec m'a donné des sueurs froides, soupira un habitué du pub en s'accoudant au comptoir sa boisson dans une main. Ma petite Jill, tu devrais faire attention, les temps sont sombres en ce moment, je me penchais pour entendre un peu mieux ce qu'il disait tandis qu'il baissait le ton l'air sérieux. Un loup de cette prestance ici, avec la guerre qui arrive et les meurtres de plus en plus nombreux, crois moi ce n'est pas une coïncidence. Des rumeurs courent chez les faes elles feraient froid dans le dos même aux grands seigneurs en personnes, un conseil ma petite Jill, ne te promène pas trop la nuit.

-Hassan, je suis un vampire que veux tu qu'il m'arrive ? Les meurtres proviennent de Mezaquiel et se sont toutes des humaines. Tentais-je de relativiser sur le ton de la plaisanterie, pourtant Hassan avait raison, les choses ne tournaient pas rond.

-Et moi un Fae, qui te dit que ce loup n'est pas impliqué dans les meurtres, souviens-toi, les constantes peuvent changer. Je lui souris l'air tendue, ça je ne le savais que trop bien.

Quand Hassan, s'en alla juste avant la fermeture du pub, ses paroles tournaient toujours dans ma tête, bien sûr que j'étais consciente que le sang allait couler à flots les mois qui allaient suivre, mais je n'étais pas tant impliquée que ça dans tout ce merdier. Les victimes avaient beau toutes être des femmes elles étaient également humaines, je ne correspondais absolument pas au profil. Pourtant, l'angoisse montait en moi inévitablement.

Je fermais le pub une fois changée et sortie dans la rue avec la nette intention de rentrer sans tarder, je m'élançais pour grimper par l'échelle de secours du bâtiment d'à côté décidée à rentrer par les toits pour arriver plus vite. je me pensais enfin assez en hauteur pour être en sécurité mais c'était manifestement une erreur, j'avais su passer au-dessus de la haine qu'avait entraîné mon meurtre, après tout certains acceptaient bien de passer un pacte avec le diable pour être métamorphosé. J'avais compris qu'il n'y avait pas que des désavantages à posséder un tel pouvoir. En revanche, ce que je n'avais jamais accepté, c'était que les nouveaux vampires étaient laissés à leur sort, abandonnés et condamnés à moins de ramper ou de porter allégeance. Nous étions face à notre propre mort et à ce nouvel univers hostile. J'avais dû apprendre seule, soumise a mes pulsions et à mes émotions, j'avais compris comment les choses fonctionnaient, seule. J'étais une jeune vampire faible et incompétente et pour cause, je commençais à peine a comprendre les mécaniques de l'hypnose après vingt années. Pour ce qu'il s'agissait de mon corps de nocturnes, j'allais certes plus vite que les humains, mais je restais aussi lente qu'un escargot pour n'importe qu'elle créatures surnaturelles à l'exception peut être des faes et des sorcières, mais il suffisait d'un sort et j'étais à l'heure merci également. Même un vampire plus jeune que moi pourrait m'abattre s'il était formé. C'était cette absence de considération totale qui m'avait fait détester Keith un peu plus. Je me pensais enfin assez en hauteur pour être en sécurité, mais c'était manifestement une erreur, j'avais su passer au-dessus de la haine qu'avait entraîné mon meurtre, après tout certains acceptaient bien de passer un pacte avec le diable pour être métamorphosé. J'étais perdante face à tous excepté les humains.

À l'instant où je sentis une main se refermer sur ma cheville d'une poigne ferme je compris d'une mon erreur et de deux que j'étais foutue. Avant même que je ne m'en rende vraiment compte mes doigts lâchaient les barreaux lisse de l'échelle et je chutais, un poids imposant me tirant vers là-bas. La chute ne dura que deux secondes, mais malgré mon manque d'expérience, je parvins tout de même à me retourner tel un chat pour mieux amortir l'atterrissage et espérer m'enfuir d'un bon à l'instant où j'aurais touché terre. Malheureusement, mes plans tombèrent à l'eau avant même que l'on s'écrase au sol, un bras était venu s'entourer fermement autour de ma taille, je ne pus même pas amortir la chute. Je rencontrai durement le sol, me coupant le souffle tandis qu'une douleur sourde se répandait dans mon flanc et ma hanche, je serrais les dents pour tenter de retrouver l'usage de mon corps. À côté de moi, je discernais derrière mes oreilles bourdonnantes un grognement, l'homme avait lui aussi encaissé la chute. C'était ma chance de m'enfuir, le bras toujours passé autour de moi avait desserré sa prise, je devais m'en aller maintenant.

J'ignorais la douleur qui commençait à paralyser mon corps meurtri et me redressais, la peur me prenant aux tripes, j'avais envie de vomir. Je serrais les dents mon instinct de tueuse me suppliait de lui arracher la gorge avant qu'il ne reprenne complètement ses esprits tandis que la part encore humaine et rationnelle en moi voulait fuir très vite et très loin. Je titubais pour me remettre à peu près debout et m'apprêtais à courir le plus vite que mon corps me le permettrait, mais c'était sans compter la vitesse surnaturelle de mon ennemi, évidemment, quand les nocturnes chassaient, on ne s'échappait pas aussi facilement. Me retrouver ainsi dans la peau de la proie était particulièrement désagréable, je préférais généralement avoir le goût du sang dans ma bouche pour de tout autres raisons que celle d'aujourd'hui.

-Tu ne m'échappera pas comme ça, grommela l'homme derrière moi d'une voix qui semblait sortir des tréfonds de la terre, un timbre grave et profond qui résonna dans tout mon corps et qui me terrifia un peu plus. Je titubais pour me remettre à peu près debout et m'apprêtais à courir le plus vite que mon corps me le permettrait, mais c'était sans compter la vitesse surnaturelle de mon ennemi, évidemment, quand les nocturnes chassaient, on ne s'échappait pas aussi facilement.

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