Curieuse rencontre

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Un vampire même jeune de vingt ans n'a pas besoin de voiture et c'était là la meilleure chose qu'on m'ai apprise après ma transformation. Los Angeles était ce qu'on pouvait qualifier de grande ville, une ville de débauche, de fête et de faire paraître. C'était le terrain de jeux des créatures les plus viles au monde, loin d'être la ville des anges, elle était surtout le repère de nocturne comme moi. Même si le terme nocturne n'était pas tout à fait exact, les vampires qui préféraient la nuit, mais supportaient le jour comme les humains vivaient l'apparition de la lune.

J'étais venu à la casse qui se situait au sud de la ville directement après mon job de serveuse dans un pub de motard légèrement excentré, Rob le barman était un petit con qui prenait toutes les femmes pour des choses fragiles et gloussantes, mais il était facilement manipulable. Alors le faire chanter pour me laisser partir une heure plus tôt et prendre mes commandes à ma place avait été un jeu d'enfant. À vrai dire, partir trente minutes plus tôt aurait été suffisant, mais je n'aimais pas me dépêcher, j'avais suffisamment couru partout pour aujourd'hui. Alors j'avais pris mon temps pour venir sautant de bâtiment en bâtiment survolant les passants pressés, les voitures embouteillées et les rues sombres où se terraient les surnaturels en attendant la nuit. J'appréciais le vent dans mes cheveux ondulé et sur mon visage, les sauts prodigieux que mon corps d'immortel m'offraient et surtout l'agilité d'un chat, me mouvant habilement de toit en toit.

Je finis par sauter de mes perchoirs pour finalement atteindre le goudron cabossé du coin de la ville, la casse était un endroit isolé, propriété des vampires, il s'y passait toute sorte de choses sanglantes. Normal pour des vampires, mais je détestais cet endroit, on y trouvait toutes les raclures à la botte de Keith, ses sorcières obsédées et surtout c'étais l'endroit où l'on m'avait traînée pour me tuer. Je me souvenais encore parfaitement de ce jour, j'avais perdu tout ce à quoi je tenais à ce moment-là. Ma famille, mes amis, mon taff, mon logement et surtout la vie. J'inspirais un grand coup pour me donner du courage, inhalant par la même occasion la fumée des feux allumés dans de grands bidons mélangé à celle des cigarettes et des joints.

J'allais m'approcher, mais réalisais qu'il me restait au moins vingt minutes avant mon rendez-vous, je n'allais certainement pas leur donner la satisfaction de me voir arriver en avance. Je n'étais pas une de ses vampires qui craignaient tellement pour leur statut dans l'estime des haut gradés qu'elles en venait à se prosterner devant eux. Je devais être un peu maso sur les bords parce que je décidais d'aller me promener vers le terrain vague à quelques mètres de là, je pouvais encore me voir, moi, vingt ans et complètement idiote, venir ici pour picoler avec des amis.

Ça avait été ma dernière erreur, dans cette vie en tout cas. Une amie d'une amie avait récemment eu vingt et un an, grisée par ses nouveaux droits elle avait acheté de la vodka et nous étions tous parti ici pour boire et faire la fête. Le bruit avait attiré les vampires, je me rappelle que cet homme très grand et à la démarche souple nous avait demandés d'un ton brutal de dégager. Bien évidemment, personne ne l'a écouté, l'alcool avait sans doute altéré notre détecteur de danger interne. En trente secondes chronos, il avait brisé le cou de tous ceux présent ce soir-là, quand j'avais enfin réalisé ce qu'il se passait, il était déjà sur moi. Je me souvins de cette terreur qui m'avais prise aux tripes, des larmes qui coulaient à flots sur les joues, faisaient couler mon mascara et mon trait d'eye-liner. Il m'avait saisi et par désespoir, je l'avais mordu dans une tentative vaine de sauver ma peau. Un instant plus tard, mon cou était également brisé.

Il s'était avéré que le vampire en question avait plus d'un siècle et demi derrière lui et qu'en le mordant, j'avais avalé son sang d'immortel puis était morte. Le processus exact pour devenir à mon tour une créature de la nuit.

Je fixais l'air mélancolique le terrain vague, je savais que depuis le temps tout le monde avait oublié et que le sang avait disparu, mais moi, je discernais encore parfaitement la silhouette de nos corps, étendus dans la terre et l'herbe grillée. Ça avait été un été particulièrement chaud, comme cette année réalisais-je en me frottant la joue avec la manche de mon pull, une odeur de café m'interpella. Je m'étais lavée avant de venir ici, mieux valait effacer toute trace olfactive de mes activités diurnes, alors cette effluve à la fois légère et amer ne pouvait pas venir de moi. Je tournai la tête vers une silhouette dont je ne discernais que le contour, dans le coin les seuls lampadaires que la ville avait daigné installer avaient tous été réduit en charpie.

Je me crispais, il n'y avait que les fous, les ignorants ou les surnaturels pour venir se promener ici. De ce que je pouvais en voir, il s'agissait d'un homme, grand et assez baraqué, des cheveux ébouriffés et sombres. Il levait la tête vers le terrain vague le nez en avant semblant lui aussi humer l'air. Je reculais discrètement, de cette légèreté de chat que j'avais appris à maîtriser au fil du temps. Je me dissimulais dans l'obscurité totale de l'entrepôt en ruine derrière moi, je reniflais à mon tour et en appris un peu plus cette fois. Derrière l'entêtante et amère odeur de café qui entourait l'individu, je pouvais sentir les phéromones, mais surtout cet effluve de musc et de danger qui caractérisaient particulièrement les loups.

Je remarquais alors ce qu'absorbée par mon passé, j'avais laissé passé au premier abord. L'odeur du sang, discrète et camouflée derrière celle de la terre fraîchement retournée, du sang humain. Cela n'aurait pas dû m'étonner à proximité d'un repère de vampire, en tout cas, c'était ce que j'aurais dit si je ne savais pas depuis un bout de temps que l'on ne chassait pas près de chez soi. Encore moins Keith qui détestait devoir cacher le cadavre à proximité de ses lieux de rassemblement. Un vampire de la luxure, obsédé par le pouvoir et maniaque en plus de cela.

Je n'avais pas spécialement envie d'aborder un loup en pleine chasse, mais je n'étais pas non plus pressé d'arriver à l'heure à mon rendez-vous, alors puisque cet homme m'intriguait, je décidais de m'approcher. Les loups et les vampires ne s'étaient jamais vraiment entendu, mais à Los Angeles, il n'y avait pas de guerre, les vampires dominaient et supportaient les renégats rejetés par leurs meutes. Si l'on voulait trouver des loups en masse, il fallait plutôt se diriger vers le Montana où ils avaient la place pour faire leurs trucs de loup. Pour ce qu'il en était du gagnant en cas de conflits, il fallait prendre en compte l'âge, la force et la lignée de chacun.

-Besoin d'aide ? Demandais-je en m'approchant d'une démarche chaloupée, prenant soin de traîner des pieds pour éviter de le prendre par surprise, les loups détestaient ça à ce qu'il paraissait. Il me jeta un coup d'œil sur le côté sans prendre la peine de bouger, ses cheveux ondulés cachaient le haut de son visage ne me laissant entrevoir qu'une pupille jaune brillante de suspicion. Il sembla rechigner à répondre, mais pesa le pour et le contre, enfin, c'est ce qu'il me parut deviner à son expression, et se tourna légèrement vers moi.

-Ce cadavre, commença-t-il d'une voix aussi froide que son visage, c'est ton œuvre ? Je le regardais incrédule, clignant des yeux hébétée, mais qu'est ce qu'ils avaient tous à vouloir me mettre tous les meurtres de Los Angeles sur le dos sous prétexte que j'avais le malheur de passer dans le coin ? En plus de cela, c'était d'une impolitesse et d'une grossièreté sans nom, j'affichais un sourire polie ignorant l'insulte dissimulée.

-Non, mais vous devriez peut-être demander à l'un des cinquante vampires entassés là bas. Me moquais-je en désignant du doigt la casse derrière moi qui commençais à s'animer, j'allais bientôt devoir y aller d'ailleurs. Il me jaugea du regard sans prendre la peine de relever avant d'esquisser ce qui ressembla à une grimace et de tourner les talons. Je restais plantée là à regarder son large dos s'éloigner jusqu'à ce qu'il tourne au bout de la rue et disparaisse. Curieuse rencontre me dis-je.

Je fis volte face à mon tour et me dirigeais vers le grand portail grillagé et sinistre devant lequel trois sbires de Noah fumaient leurs clopes. Il me connaissaient tous de vue, en même temps une créature assez folle pour le supporter et coucher avec dans ses excès de colère ce n'était pas chose aisée à trouver. Il me regardèrent tous alors que je leur passais devant, emportant avec moi la volute de fumée qu'ils crachaient autour d'eux. Je dépassais les voitures cabossées et démantelées sur ma droite, slalomais entre les pneus empilés et retrouvais Maddy devant la porte de l'entrepôt.

-J'ai presque cru que tu nous ferais l'affront d'arriver en retard, Jill. Me railla-t-elle les bras croisés sur une poitrine généreuse, elle me fit signe de la suivre d'une main parfaitement manucurée et nous nous engouffrâmes à l'intérieur. Maddy était une femme de vingt-sept ans, assez petite, des cheveux blond cendré et bouclés lui arrivaient au milieu du dos, je m'étais toujours demandé ce qu'elle fichais ici. Dans cette ville avec ce job pourri et avec tous ces vampires. Elle ne m'avait jamais parue particulièrement assoiffée de pouvoir, ni vraiment remplie de ce désir de faire le mal que j'avais pu rencontrer chez d'autres sorcières travaillant pour Keith.

-Pourquoi le clan réuni autant d'entre nous aujourd'hui ? J'ai encore loupé un épisode ?

-Ca, c'est parce que nous entrons en guerre.

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