La texture de la nuit

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Aujourd’hui, la nuit n’a pas le même son que d’habitude. Elle ne bruisse pas, elle… retentit. J’avance sur ce chemin noir que je connais par cœur et qui, d’ordinaire, est bordé d’un silence ouateux, soufflé, moelleux. Ce chemin file presque droit. Il m’aide à rassembler en rang d’oignons toutes mes pensées, mes désirs, mes frustrations, mes fautes, aussi. Tout ce fatras qui a peuplé le jour pour faire le tri avant d’entrer chez moi, une fois venue la nuit. Aujourd’hui, je ne peux pas. Ce bruit étrange et omniprésent change la texture de ma nuit, fait crisser le sable noir différemment sous mes pas sur ce chemin ami. Il m’intrigue. C’est comme un chuchotement, mais très fort et insistant. Un halètement bourdonnant. Je veux presser le pas mais à peine ai-je commencé que je m’abstiens : je m’aperçois rapidement que, si je vais plus vite que d’ordinaire, le son de mes pas se dédouble, comme un écho qui disparaît quand je ralentis. Me suivrait-on ? Je m’arrête et pourtant, le son de mes pas se poursuit. C’est bien le mien, je le reconnais. La solitude rend attentif… Je scrute l’obscurité autour de moi, mais mes yeux ne me sont d’aucune utilité : j’ai beau ne rien voir, le son s’amplifie, se dessine jusqu’à devenir vraiment très précis. Je finis par comprendre ce que c’est. Ce n’est pas un chuchotement, c’est un rire ! Un rire sans voix, étouffé mais irrésistible, un peu comme ceux qui prennent par surprise les Hommes pendant un enterrement. J’essaie désespérément de voir d’où il provient, voir, oui, mais il n’y a rien, je le sais bien, qu’il n’y a rien… à part moi. Serait-ce une manifestation du Malin ? Serait-ce lui qui m’a retrouvé après tout ce temps et me regarde paniquer en se gaussant dans le noir ? Au bout d’un moment, à ce rire étouffé se joint le tonnerre… Un, deux, trois, quatre roulements. L’évidence m’étreint. On me l’avait prédit : il frapperait quatre fois ! Je me campe sur mes jambes, plus besoin de rejoindre mon antre. J’attends. Je ne fuirai pas.

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