Chapitre 159 : dimanche 15 janvier 2006

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L'avion en provenance de Nantes était annoncé pour 15h45. Maureen sentait l'impatience la gagner et elle piétinait déjà sur place, tentant de cacher - mal - le léger tremblement qui l'agitait. Le ciel était bas et gris, le temps s'était radouci dans la nuit et la pluie tombait depuis le milieu de la matinée. La neige fondait très légèrement dans les rues, mais ce n'était qu'une accalmie. Le froid était attendu à nouveau dès le lendemain.

Enfin retentit l'annonce de l'atterrissage. Un message monocorde emplit la salle des arrivées. Par les grandes fenêtres de l'aéroport, elle pouvait distinguer une partie des pistes et les dernières manœuvres de l'avion. Il lui fallut attendre encore un bon quart d'heure avant de voir la silhouette de Mickaël franchir les portes de la salle des contrôles. Elle courut vers lui, il lâcha son sac, un grand sourire éclairant son visage. Elle lui sauta au cou et il la prit contre lui, la serrant fort entre ses bras, avant de l'embrasser en ignorant totalement les gens autour d'eux.

Quand il la relâcha et s'écarta un peu, ce fut pour plonger son regard dans le sien, retrouver ce gris-bleu si doux qui lui avait manqué, et finalement lui demander doucement :

- Ca va, toi ?

- Oui… Et toi ?

- Bien.

Puis il l'embrassa à nouveau.

**

- Tu m'as manqué, souffla-t-il en regardant son joli profil se dessiner sur l'oreiller.

- Toi aussi… Ce n'était pas trop long finalement, répondit-elle en se tournant sur le côté pour le regarder droit dans les yeux. Ca a passé vite.

- Oui, c'est vrai, fit-il. Je regrette que tu n'aies pas été avec moi, car j'aurais aimé te montrer tant de belles choses ! On a traversé des endroits magnifiques, notamment le causse du Lot, les rives de la Garonne… Par endroits, il y avait de la neige, on a eu de belles lumières aussi…

- C'est aussi beau que le Loch Linnhe en cette saison ? demanda-t-elle.

- Totalement différent… Même l'atmosphère en est différente.

Ils étaient rentrés chez Mickaël, directement. Et ils s'étaient retrouvés avec infiniment de tendresse et de passion. Maureen avait savouré chaque seconde, retrouvant avec bonheur toute la gamme des sensations qu'elle éprouvait en étant dans ses bras, en partageant le même lit que lui.

La nuit était tombée, la chambre était seulement éclairée par la faible lumière d'un réverbère. Elle aimait cette douce clarté qui soulignait les muscles du dos et du torse du jeune homme. Elle aimait aussi la douceur que cette lumière donnait à son regard, à son sourire. Il avait posé sa main sur son ventre et ses doigts remontaient insensiblement vers sa poitrine. Son regard était rieur, toujours agrémenté de cette étincelle pétillante et vive, preuve de sa manière à lui d'apprécier la vie. Elle savait qu'elle n'avait jamais vu cette étincelle dans les yeux de Brian. Mais, à cet instant, elle ne songeait pas le moins du monde à son ex-mari.

- Veux-tu dîner ? lui proposa-t-elle.

Le regard de Mickaël abandonna une seconde le visage de la jeune femme pour se porter vers le réveil.

- Hum, ça va encore… Pas envie de me mettre à la cuisine tout de suite… répondit-il.

- Qui te dit que tu te mettrais à la cuisine ? N'avais-tu pas demandé à ce que je t'apporte la preuve de mes talents de cuisinière ?

Il éclata de rire, se souvenant de leur jeu à ce sujet, par téléphone.

- C'est vrai… C'est long à préparer ? demanda-t-il.

- Non, pas du tout. Un petit quart d'heure, maximum, précisa-t-elle.

- Alors… Ca veut dire qu'on a encore le temps de profiter un peu l'un de l'autre…

**

Mickaël s'était endormi. Maureen quitta le lit sans bruit, un petit sourire moqueur éclaira son visage en songeant au grincement du ressort qu'aurait émis le vieux sommier s'ils l'avaient encore eu. Elle enfila sa nuisette, puis gagna la cuisine en repoussant doucement la porte de la chambre. Elle commença par poser le grand plateau sur le plan de travail, puis sortit plusieurs boîtes et préparations du réfrigérateur. Elle déposa certaines choses dans un plat pour le four, puis s'activa à décorer deux petites assiettes. Pour la boisson, elle s'était souvenue de son repas d'anniversaire et de la remarque d'Henry, agréée par Timothy, selon laquelle le champagne accompagnait à peu près tout… La chance lui avait souri, puisque la petite cave de Mickaël en contenait deux différents. Ne sachant pas lequel conviendrait le mieux, elle en avait mis deux bouteilles au frais.

Puis elle prépara une salade. Elle avait choisi différentes variétés, rouge, verte, de la mâche aussi. Pour la vinaigrette, elle fit simple, ajouta au dernier moment un peu de curry. Cela apporterait un petit goût de noisette à la sauce. Elle jeta un œil à ce qui réchauffait dans le four, estima que ce n'était pas encore prêt. Puis elle sortit alors les bouchées au fromage qui, le temps qu'ils mangent le reste, seraient à température ambiante.

La porte de la chambre s'ouvrit, Mickaël, les cheveux en bataille, passa la tête par l'entrebâillement.

- Que fais-tu ? demanda-t-il.

- Je prépare de quoi combler ton appétit !

- Ca sent bon, fit-il remarquer. C'est quoi ?

- Un plat traditionnel irlandais. Mais j'y ai apporté quelques menues modifications.

- Ah ? fit-il curieux.

- Oui, répondit-elle. Je t'expliquerai quand tu goûteras.

- Je peux t'aider ? proposa-t-il.

- Juste me faire de la place dans la chambre. Ah, et puis… Laquelle on ouvre ? demanda-t-elle en sortant les deux bouteilles de champagne du réfrigérateur.

- Et bien, les deux, bien entendu, sourit-il.

- Tu n'es pas sérieux ?

- Je suis toujours sérieux, dit-il en s'approchant du meuble dans lequel il rangeait la vaisselle et les verres.

Il sortit deux coupes à champagne, fit son curieux en passant devant le four et demanda :

- C'est très salé ce que tu as préparé ?

- Non, pas trop.

- C'est relevé ?

- Certaines choses, oui, répondit Maureen. D'autres moins. Disons que ça peut aller crescendo.

- Ok, je vois. Tu ne me facilites pas les choses pour le choix du champagne, sourit-il. Pourquoi du champagne, d'abord ? A-t-on quelque chose à fêter ?

- Non, c'est juste que je n'avais aucune idée du vin qui allait pouvoir accompagner le repas et je me suis souvenu de la remarque de ton père, comme quoi le champagne convenait à peu près pour tout. Et comme j'ai trouvé deux crus différents dans ta cave, j'ai mis une bouteille de chaque au frais, pour te laisser le choix final.

- Excellente initiative. Hum, c'est quoi les trucs, là ? demanda-t-il en désignant les petites bouchées froides posées dans une assiette.

- C'est au fromage, expliqua Maureen. Ca se mange froid. Enfin, à température ambiante, je veux dire. Ca n'a pas besoin d'être réchauffé.

- Ok. Alors, on va prendre celui-là, décida-t-il.

Et il se saisit d'une des deux bouteilles, remit l'autre au frais, puis prit les deux verres et retourna dans la chambre. De là-bas, il lui cria :

- Je suppose que je dois t'attendre dans la chambre ? Que je n'ai plus le droit d'en ressortir ?

- En effet ! répondit Maureen en riant. Tu as parfaitement rempli ton rôle…

- J'espère que tu ne vas pas me faire attendre trop longtemps. Ca commence à sentir fichtrement bon !

- C'est presque prêt ! précisa-t-elle. Voilà…

Maureen sortit le plat du four, vérifia d'un frôlement de doigt la température, puis disposa ce qu'elle avait préparé dans les assiettes. Elle avait prévu un bol de salade pour chacun. Elle prit le plateau et se dirigea lentement vers la chambre. Mickaël s'était assis sur le bord du lit, la bouteille de champagne à la main, prêt à l'ouvrir. Un petit paquet se trouvait aussi sur l'oreiller de Maureen. Celle-ci déposa avec précaution le plateau sur le lit.

- Alors… Oh, oh… Des petites pommes de terre en papillote... Avec… Hum, je vois, je vois… Elles sont fourrées. C'est irlandais, ça ?

- Quand il n'y avait que les pommes de terre pour nourrir les paysans, tu sais… On a appris à faire des tas de choses avec les pommes de terre. Bien sûr, depuis le 19ème siècle, les choses ont évolué et les plats aussi.

- Tu as ajouté de la crème ? fit-il curieux.

- Oui, répondit-elle en souriant. Et j'ai même fait un essai pour une, en préparant la petite sauce qui l'accompagne : j'y ai mis du beurre… salé. De celui que Mummy nous a donné.

- Intéressant, fit-il. Très intéressant… Allez, installe-toi donc que je goûte cela ! Mais, le champagne, d'abord. Toi, tu disais ne rien avoir à fêter, moi, je dis que nous pouvons fêter nos retrouvailles…

Le bouchon sauta et, avec dextérité, Mickaël se saisit de la première coupe, servit doucement le vin, prit l'autre, fit de même, attendit que la mousse redescende pour compléter le service de chaque verre.

- Tiens, mon amour. Slaine…

- Slaine, sourit-elle encore debout en faisant tinter doucement son verre contre celui de Mickaël.

Puis ils burent chacun une gorgée et il l'attira vers lui, glissa sa main sous la nuisette en frôlant le haut de sa cuisse et de sa hanche.

- J'adore ce genre de petites surprises… sourit-il. Mais je t'adore encore plus…

Elle se pencha vers lui, l'embrassa longuement.

- Ca devient dangereux… avec nos verres, dit-il en rompant leur baiser.

Puis il ajouta :

- Je t'ai rapporté quelque chose de France.

Il fit un léger signe de la main, vers la place à côté de lui dans le lit. Elle en fit le tour et s'assit en repliant ses jambes sous elle. L'une des bretelles de sa nuisette glissa de son épaule et Mickaël la remit en place d'un geste doux.

Maureen ouvrit le petit paquet et découvrit un flacon de parfum. La bouteille était très jolie, le bouchon ayant la forme d'une fleur.

- C'est pour la bouteille que tu l'as choisi ? demanda-t-elle un peu coquine.

- Tu te doutes qu'elle m'a tapé dans l'œil dès que je l'ai vue sur les étagères de la vitrine. Et à cet instant, je n'ai plus espéré qu'une chose : que le parfum qu'elle contenait me plaise et puisse te convenir. J'aurais été très déçu du contraire. Ouvre et dis-moi ce qu'il en est.

Maureen souleva délicatement le bouchon et porta le flacon à son nez. Un parfum léger et printanier emplit ses narines.

- Je l'aime beaucoup, fit-elle. Il y a… Hum… Un peu de citron et… Ha, une herbe aussi… Ca sent… Ca sent les champs à la fin du printemps et c'est doux. Merci ! Merci, mon amour !

Et elle noua ses bras autour de son cou pour l'embrasser encore.

- Hum, dit-il. Et maintenant, faisons honneur à ton repas !

Et il attaqua d'emblée une des petites pommes de terres fourrées.

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