Les courtisans

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Chapitre 4 - les courtisans


« L’on doit se taire sur les puissants : il y a presque toujours de la flatterie à en dire du bien ; il y a du péril à en dire du mal pendant qu’ils vivent, et de la lâcheté quand ils sont morts. »

Jean de La Bruyère, Les Caractères (1696), X, 56


En vue de briguer les faveurs de Louis XIV, les courtisans devaient faire preuve d'une disponibilité sans réserve à son égard et suivre « l'étiquette » à la lettre. Un ensemble de règles très précises, pour ne pas dire pointilleuses, qui régissaient la vie de chacun, mais en premier lieu, celle du roi. Ils y apprenaient, par exemple, le nom de ceux habilités à s'approcher des grands personnages de la Cour, mais aussi à quel moment et à quel endroit. Le langage, les attitudes ainsi que les privilèges étaient également codifiés de variantes subtiles, suivant les circonstances et le rang des personnes, jusque dans les moindres détails. Par exemple, lorsque ces dernières étaient autorisées à s'asseoir, allait-on jusqu'à leur choisir l'assise adéquate : fauteuil, chaise ou tabouret en fonction de leur titre. 


Parmi les courtisans, ceux qui avaient une charge étaient « établis » à la Cour. Cette dernière obtenue par héritage ou achetée souvent très chère, correspondait à une fonction ou un office. Pour les plus importantes, l'agrément du souverain s'avérait indispensable. Le logement au château était aussi très convoité car il dispensait des nombreuses allées et venues sur Paris et offrait une retraite assurée pour les moments où l'on ne faisait pas sa cour. Si les princes de la famille royale disposaient d’appartements donnant sur les jardins, les courtisans « établis » étaient quant à eux, logés du côté de la ville, au Commun, dépendances du Château.


Plaire au roi demeurait donc une tâche essentielle qui les occupait tous à plein temps. Idée brillante, car de ce fait, il ne leur restait que peu de temps pour fomenter des complots comme d'ourdir une révolte. Chacun cherchant par tous les moyens à augmenter ses prérogatives en veillant à ce qu'aucun autre ne s'élève au-dessus des siennes, inutile de vous dire qu'on s'épiait et se jalousait à la Cour. Pour gagner les faveurs royales, on pouvait s'enrôler dans l'armée, mais le plus grand nombre se contentait d'entretenir « l'art de paraître à la Cour » , d'avoir de l'esprit et de le montrer, ce qui au final était moins risqué. Et si par chance, leurs physiques correspondaient aux canons de beauté de l'époque, alors tous les espoirs « d'une carrière » étaient permis. 


Madame de Sévigné, épistolaire célèbre à la Cour du roi de France, ne put s'empêcher de raconter cette anecdote à sa fille aimée, afin de montrer ce que la flatterie pouvait avoir de ridicule. Elle qui ne dépendait en aucune façon des faveurs  du monarque, gardait cette liberté de parole que nous chérissons tant aujourd'hui. 


Le roi depuis peu, se piquait de faire des vers. Un jour, il écrivit un petit madrigal de son goût dont il était fort fier. Il le présenta à Monsieur le maréchal de Gramont en ces termes : « Monsieur le maréchal, je vous prie, lisez ce petit madrigal, et voyez si vous en avez jamais vu un si impertinent. Parce qu'on sait que depuis peu j'aime les vers, on m'en apporte de toutes les façons. » . Le maréchal après l'avoir lu, lui répondit : « Sire, Votre Majesté juge divinement bien de toutes choses ; il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j'aie jamais lu. » 


Le roi se mit à rire et lui dit : « N'est-il pas vrai que celui qui l'a fait est bien fat ? » et le maréchal de répondre : « Sire, il n'y a pas moyen de lui donner un autre nom ». « Oh bien ! dit le Roi, je suis ravi que vous m'en ayez parlé si bonnement ; c'est moi qui l'ai fait ». Le maréchal crut sa dernière heure arriver, et livide s'empressa de rajouter : « Ah ! Sire, quelle trahison ! Que votre majesté me le rende ; je l'ai lu brusquement ». Et le roi qui n'était pas un sot de lui rétorquer : « Non, Monsieur le maréchal ; les premiers sentiments sont toujours les plus naturels. » . Madame de Sévigné trouva ce jeu fort cruel envers ce vieux courtisan, mais espéra néanmoins que sa Majesté, à l'avenir, saurait combien il était loin de connaître la vérité en toute chose. 


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