Chapitre 19 : Les fins ont des premières fois.

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J’humais l’odeur du bouquet de lilas que Dossan avait décroché des arbres de la coure pour moi. Me délectant de l’odeur, je passais délicatement ma main en dessous des fleurs mauves qui tenait dans un grand vase de porcelaine pour faire remonter leur parfum. Mes fleurs et ma couleur préférée, décidément rien ne lui échappait.

Je déposais un serre-tête de la même teinte sur ma tête, reformant mes ondulations après avoir mis un soin dans mes cheveux. Ils sentaient bon, comme la brise d’été qui venait taquiner mon nez depuis la fenêtre. Alors que depuis plus d’un an, j’y courais tous les matins pour me pencher au balcon, découvrant le cœur battant qu’il m’attendait sur le sien, j’éprouvais des difficultés à m’y rendre. Le vent faisait onduler ma jupe légère et je passais mes mains le long de mes bras, prise d’un léger frisson. Comme toujours, il se tenait à la fenêtre d’en face, m’accueillant d’un sourire, puis d’un baiser volant. Je déposais le bout des doigts sur mes lèvres maquillées d’un rose pâle et fit planer un bisou qu’il fit semblant de plaquer contre sa joue. Une main dans ses cheveux noirs plus tard et un clin d’œil qui me fit pouffer, il rentra dans sa chambre. Le voir me tourner le dos provoqua un pincement dans ma poitrine. Non, je ne devais pas être triste. Pas déjà.

Nous irions dîner en ville, car il n’y avait pas cours. Nous avions passé nos examens, dont les résultats nous comblèrent, et l’internat nous laissait jusqu’à la fin de la semaine pour faire nos valises. Ce que nous laisserions dans nos chambres seraient conservés, mais ils n’accueillaient pas les étudiants durant les vacances. Nos parents respectifs viendraient nous chercher chacun à la fin de la semaine, nous laissant un peu de temps pour n’être que nous deux.

En attendant ce moment, nous prîmes notre petit-déjeuner au réfectoire et séparément. La table qui hébergeait les dix d’entre nous n’existait plus, laissant place à deux autres d’entre elles, avec les filles d’un côté et les garçons de l’autre. Trop de menaces pesaient pour que nous risquions un rassemblement et les séparations graduelles de nos couples ne jouaient pas en ce sens. Il n’y avait plus que Dossan et moi, et Alicia et Louis, qui eux ne risquaient rien du tout.

J’arrivais avec un plateau remplie de viennoiseries, m’asseyant à côté de Marry qui sirotait un thé, discutant mode avec Eglantine. Katerina et Alicia dormaient debout. Cette dernière s’activa en découvrant les croissants tout chaud.

- Servez-vous les filles, les invitais-je en déposant le plateau au milieu de la table.

- Dieu soi béni, Blear Makes, fit Alicia en croquant dans un croissant.

- Qu’est-ce que c’est que ça ? pouffais-je en l’entendant chanter.

- Mes prières du matin, rit-elle en se servant à nouveau. Tu as l’air de bonne humeur Blear, tu vois Dossan aujourd’hui ? demanda-t-elle nonchalamment.

- Alicia ! s’insurgea Marry en la menaçant de sa serviette.

Cette question créa un froid à notre table, faisant perdre tout sourire à Eglantine et amenant colère chez Katerina. Marry gérait beaucoup mieux sa rupture que ces deux dernières. Je la voyais me lancer des regards inquiets et d’autres de mise en garde à Alicia.

- Quoi ? C’est interdit de demander ? s’étonna-t-elle.

- Enfin… Tu sais que c’est délicat…

- Pourquoi ce serait tabou de lui demander si elle voit Dossan aujourd’hui ? C’est pas comme si je lui avais demandé quand elle allait le quitter.

- Je n’arrive pas à y croire, m’abasourdis-je.

- Alicia je sais que tu ne penses pas à mal, mais ce genre de questions…

- Non, elle le pense, coupais-je Eglantine. Je suis certaine que ça te ronge depuis longtemps.

- C’est mon meilleur ami, c’est normal que je veuille savoir quand tu auras décidé de le quitter, dit-elle comme s’il s’agissait d’une évidence.

- Et c’est mon petit-ami.

- Mais tu vas le quitter… Pourquoi est-ce que tu fais autant trainer les choses, Blear ? Tu sais qu’il en souffre…

- Et il n’est pas le seul ! m’exclamais-je en me levant de ma chaise.

Le réfectoire à moitié vide se retourna sur moi, la honte monta à mes joues. J’aperçus la tête de Dossan se lever au-dessus des autres. Je ramassais simplement mon sac à main et décidai de remonter dans ma chambre. Alicia fit une grimace, comme un regret et sa main semblait vouloir m’arrêter. Si c’était pour faire une tête pareille, autant qu’elle ne se donne pas la peine de l’ouvrir. C’était toujours la même rengaine, à chaque fois que je pensais m’entendre avec, il fallait qu’elle agisse de cette manière. J’avais les nerfs en pelote, rongé par la rage et la culpabilité, parce que j’aurais mis ma main à couper qu’elle n’avait même pas conscience de ce qu’elle avait dit. Elle gâchait toujours tout avec sa franchise, ne faisant preuve d’aucune délicatesse et d’aucune retenue. J’étais plus souple, plus discrète, tout simplement plus civilisée. Alicia ne s’accoutumait pas de ces affabilités, elle rentrait dans le lard, sans se demander ce que les autres pouvaient ressentir. Enfin, elle semblait malgré tout s’inquiéter du sort de Dossan, plus que du mien.

Je décidai de me plonger dans la lecture, plutôt que d’aller avec les filles prendre un smoothie. Lire me calmait et je ne voulais plus me mêler à elles pour aujourd’hui. La seule personne que je voulais voir vint me chercher durant le temps de midi. Lorsqu’il passa le pas de la porte, je passais mes bras autour de son cou, profitant du premier baiser de la journée. Je crois que je me serais satisfaite de passer le restant de notre temps à se câliner dans les draps, mais il insista pour m’emmener manger. Il m’avait fait prendre goût aux hamburgers, à la malbouffe. En fait, avec lui je me nourrissais d’amour et de gourmandise. Sirotant nos boissons, en se promenant main dans la main, j’adorais l’été en sa compagnie pour profiter des paysages et comme de sa chaleur en hiver. Je l’aimais par toutes les saisons, par tous les temps et quel que soit le moment. Ainsi, je ne me fâchais pas vraiment contre lui quand il me posa la question de son petit air tendre.

- Est-ce qu’il s’est passé quelque chose avec Alicia ce matin ? me demanda-t-il en cherchant mon regard. Qu’est-ce qu’elle t’a dit pour te mettre dans cet état ?

- Pas grand-chose, des bêtises comme d’habitude, m’en allais-je pour ne pas l’inquiéter.

- Je sais quand tu n’es pas honnête, tu fais toujours ça, rit-il en m’imitant me manger la joue de l’intérieur pendant que je rougissais.

- Ce n’est rien, le suppliais-je du regard pour qu’il ne continue pas.

- Est-ce qu’elle t’a fait de la peine, encore ?

- Oui, encore, avouais-je.

- Tu sais qu’elle ne se rend pas vraiment compte, quand elle dit quelque chose c’est toujours parce qu’elle ressent une injustice et…

- Je sais, c’est bien ça qui m’embête, soufflais-je.

- Blear, tu es sûr que tu ne veux pas en parler ? dit-il en m’attrapant par les épaules pour mieux m’observer.

- Non, je veux simplement passer cette journée avec toi. C’est… la dernière avant les grandes vacances après tout, dis-je en lui tendant ma main.

- Alors allons nous amuser au karaoké, s’empressa-t-il de l’attraper pour me tirer à ses côtés.


Je me laissais porter par son enthousiasme, observant encore une fois son dos, sa nuque blanche cachée par les mèches noires qui y descendait. Sa main serrait la mienne, ses doigts se mêlaient automatiquement aux miens et quand il se retourna pour me lancer un grand sourire, mon cœur se serra à nouveau. Je chassais ce sentiment désagréable pour en ressentir un autre. Il prenait toujours la défense d’Alicia, parce qu’elle prenait la sienne depuis toujours. J’avais honte de ressentir de la jalousie pour quelqu’un d’aussi honnête et de si présent pour ses amis. Une autre forme de rancœur me gagna, celle qu’elle le défende plus lui que moi. N’en valais-je pas tout autant la peine ? Chasse ses pensées et profite de chaque instant de celui que tu aimes profondément. Je réussis à m’en convaincre quand je me perdis dans ses yeux océans.


***

Nous chantions encore sur le chemin du retour, bien que ma voix se cassait de plus en plus. Un petit verre d’alcool dans le nez, il sautillait presque sur place et je riais bêtement au moindre de ces gestes. Jusqu’à l’internat, il s’animait de gestes affectueux, en me prenant par la taille, en baisant mes doigts lorsqu’il me tenait la main. Je voulais plus de cet air béat, de cette joie qu’il répandait en moi. Une rumeur ou plutôt une exactitude circula dès lors que nous nous sommes mis en semble : “Dossan Dan’s est le seul à pouvoir faire rire sincèrement la reine de glace”. Peut-être que s’ils ne m’avaient pas appelé comme ça, ils se serraient rendu compte que j’étais simplement trop timide pour rire. Lui, il l’avait compris et avait percé mes barrières, juste pour obtenir un sourire.


J’écoutais sa douce voix, grommelant des mots en anglais à la volée. Prendrais-t-il la décision de rejoindre ce groupe ? J’espérais que ce soit le cas, même si je n’assisterai pas à ses premiers pas. Il tapa le code sur la grille de Saint-Clair, déjà tard et me regarda d’un air coquin.


- Tu dors dans ma chambre ?

- La mienne est plus confortable, le taquinais-je d’une tape sur l’épaule.


En ouvrant la porte, j’avoue avoir eut quelques idées déplacée et davantage lorsqu’il m’attrapa par derrière pour m’étreindre. Il glissa un bisou sur le haut de mon crâne et me fit tourner pour m’embrasser, commençant tout de suite une séance de chatouilles. Hurlant presque de rire, je tentais de me défendre comme je le pouvais, mais je me tordais dans tous les sens. Il en profita pour me pousser sur le lit, battue à plate couture. Son regard dans le mien, essoufflés, nous rigolions, puis il n’y eut que silence. J’entendais son souffle saccadé, sa respiration se satisfaire et je voyais la délectation dans ses yeux de m’admirer de haut. Il se coucha sans réserve sur mon ventre et plongea son visage dans le creux de mon épaule. Mes mains dans son dos, je prenais l’air difficilement, écrasée pour son poids, mais il me semblait bon. J’avais l’impression de vivre ce moment pour la première fois, alors que nous en avions vécus tant d’autres.


- Je t’aime, résonna dans nos bouches.


Encore des rires perdus, il se releva en indien et je m’assis de la même manière en lui faisant face. Il parcourait mon visage de son regard bienfaisant, recoiffant mes cheveux en pagaille. Un doigt derrière l’oreille, puis une main sur la joue, je percevais toute sa gentillesse. Dossan n’aurait osé me faire du mal, entreprendre quoi que ce soit qui puisse me mettre mal à l’aise et ce, même si l’envie y était. Je lisais dans son regard un peu plus que de l’amour, un sentiment qu’il ne montrait que rarement. Déglutissant, je sentis l’air devenir lourd entre nous deux silhouettes. À quoi pensait-il ? À la même chose que moi ? Si ce n’était pas le cas, j’aurais l’air fine. Mais le temps s’écoulait et chaque partie de mon âme réclamait encore plus de lui. Mes mains dans les siennes, je frottais mes pouces pour caresser ses doigts. Il tressaillit légèrement, cachant une rougeur sur ses joues d’un mouvement de tête.


- Est-ce que tu en as envie ? demandais-je à bout de souffle.


Il releva violemment le visage, m’observa quelques secondes et découvrit que je ne plaisantais pas. Les doigts d’une de ses mains parcourent frénétiquement ses lèvres, nerveux, pendant que les autres restaient collés aux miens.


- Et toi ? Est-ce que tu…

- Non, c’est à toi que je pose la question, le coupais-je d’un ton ferme, voulant qu’il réponde sincèrement.

- Je crois que… j’aimerais bien, oui, rougit-il violemment en se mordant légèrement la lèvre inférieure.

- Alors, je vais prendre une douche, répondis-je en fuyant son regard.

- Je vais y allez en premier, s’empressa-t-il jusque dans la salle de bain, trop gêné pour me faire face.


Frais comme un sous-neuf, il attendit que j’ai finis de me laver dans la plus grande des nervosités. Allonger sur le dos, les mains cachant ses paupières, il tentait de se calmer. Plusieurs fois, il enleva son t-shirt, puis le remis de peur de faire mauvaise impression. Mais il voulait aussi que ce soit parfait, alors continua ce schéma jusqu’à ce que je le surprenne à tenter de le retirer. Il le lâcha immédiatement et me regarda de haut en bas. Je me sentais nue dans cette robe de nuit que je ne lui avais jamais montré. Il semblait l’apprécier, se laissant tomber sur le rebord du lit, comprenant à son air qu’il ne savait pas comment s’y prendre. Il écarta doucement ses jambes quand je m’y invitais, relevant légèrement ma robe pour lui montrer le dessus de mes cuisses. Il y glissa délicatement ses doigts, remontant sa main ensuite dans la courbe de mon dos. Levant le visage, j’appuyais un genou dans le matelas pour mieux l’embrasser. Pour un garçon qui ne savait pas quoi faire quelques secondes plus tôt, il trouva facilement le chemin de mes fesses. Dossan me touchait, parcourait mon corps, le faisait frissonner, pris d’un désir presque douloureux. Il me coucha sur le lit, glissa une main dans mes cheveux pendant qu’il embrassait mon cou. Il me couvrait d’amour. L’homme que j’aimais me couvrait de doux baisers. La raison pour laquelle nous n’avions jamais passé le pas, c’est que nous avions trop peur de ne plus pouvoir nous passer de l’autre après s’être unis. Pendant que sa main encadrait parfaitement mon sein, je le sentais trembler de désir, légèrement maladroit. Il me faisait des baisers rapides sur mes lèvres, puis s’enquit de retirer ses vêtements avant de me déshabiller moi. Il ouvrit la petite lampe quand il me découvrit en petite culotte, réunissant mes bras en croix sur ma poitrine. Il était toujours attentif à mes besoins, à mes envies et précisément, je voulais tout lui montrer malgré la gêne. Je voulais qu’il m’appartienne et qu’il me fasse sienne. Découvrant son corps nu qui se glissait contre le mien, je compris que nous allions enfin faire l’amour. Il brûlait d’excitation, sa chaleur collant à ma peau, j’acceptais son étreinte. Ses hanches cognant contre les miennes, ses mains qui cherchaient mon dos et ses crocs qui mangeaient mes lèvres. Je m’agrippais aussi, le serrant plus fort, à chaque fois qu’il se donnait un peu plus. Les secousses firent monter mes larmes que je tentais de cacher. Comme je le redoutais, il les vit, mais ne s’arrêta pas à ma surprise. Il les contempla, les récoltant de son doigt, puis le lécha en me rendant un regard que je ne lui connaissais pas encore : celui du désir.  Il attrapa le restant d’un baiser sur mes cils. Je sentis son pouls à travers le pouce qu’il passait sur mes lèvres, juste avant qu’il ne se jette corps et âme au centre de mon être, me communiquant tout l’amour qu’il me portait en cette dernière soirée.


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