Chapitre 10

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Réfugiés dans un angle de la cave, Félix et le Keïtos se cachaient. Le démon, s'était collé au garçon et pleurait sur son épaule.

— Waouh, je n'avais jamais vu un démon de si près.

Le Keïtos était une ombre, ou plutôt une fumée dense et noire, qui reproduisait maladroitement les courbes d'un corps humain. Ses yeux ronds et blancs se posèrent sur Félix. Il y avait de l'innocence dans son regard effrayé. L'adolescent lui offrit un sourire rassurant et reçu un jet de vomi en pleine face. 

— Arrête de me vomir dessus !

Derrière les étagères, les flammes du Cerbère repoussaient les ombres.

— Il faut qu'on fasse quelque chose !  

Le Keïtos approuva et poussa Félix pour l'inviter à aller combattre.

— Je n'ai pas de démon ! Essaye de faire quelque chose, toi !

Avec ses mains, l'entité lui expliqua que sa seule faculté consistait à vomir et que ça ne leur serait d'aucune utilité, mais Félix eut une idée.

Le Cerbère apparut au détour d'une allée. L'atmosphère devint pesante, chargée de souffre. D'un pas lourd, il fonça sur eux.

— C'est maintenant que tu vomis ! Allez, active !

Le Keïtos cracha un geyser qui percuta le Cerbère de plein fouet. Ses flammes s'éteignirent et ne resta du démon qu'un tas d'os fumant. 

Fleur et Clément déboulèrent dans la cave.

— C'est quoi ce bazar !

Clément trouva les os fumants.

— Je crois que notre petit frère s'est amusé à libérer un Cerbère. 

— Un Cerbère ? s'égosilla Fleur. Mais qu'est ce qui t'as pris ?

— Je veux un démon ! Pour survivre aux Jeux, avoua Félix, la voix chevrotante. Et par dessus tout, je ne veux pas être la risée de la famille.

Son frère et sa sœur se penchèrent au-dessus de lui et giflèrent son front.

— Donc tu as essayé de mourir avant même de commencer les Jeux. C'est malin ça, grogna la fille. 

— Et de toute façon, qu'est ce que tu comptais faire avec un Cerbère ?

— Je ne sais pas... 

— Insouciant et stupide. Décidément, les parents n'ont pas été gâté par la vie avec vous deux.

— Je t'emmerde, glissa calmement Fleur.

— Je pensais que tu avais libéré le Cerbère pour procéder à une absorption, mais non. Tu l'as fais par pure stupidité, soupira Clément. 

— Une absorption ?

— C'est lorsqu'un démoniste dépourvu de démon force une entité a entrer en lui.

— C'est exactement ce qu'il me faut !

— Il en est hors de question, s'opposa la fille.

— Pourquoi ?

— Il y a un risque, ajouta l'aîné. Si le démon est trop puissant pour l'hôte, alors ce dernier meurt. 

— Comment savoir si un démon est trop puissant pour moi ?

— Impossible. C'est pour ça que tu ne le feras pas, insista sa sœur.

Le Keïtos écoutait la conversation. Ses orbes blancs glissaient sur les adolescents d'un air confus.

— Et si j'absorbe le Keïtos ? Je ne risque rien, non ? 

Félix le contempla d'un air désolé.

— Ne le prends pas mal, mais tu ne fais que vomir. Je me vois mal succomber sous ta puissance.

L'entité haussa les épaules, approuvant sa réflexion. 

— C'est inutile, commenta Fleur. Ce démon ne vaut pas un clou.

Le Keïtos eut un hoquet et déversa un fluide gluant sur les pieds de Clément. 

— Mes Adidas ! 

— Je le veux quand même. Allez, s'il vous plaît !

Fleur et Clément se consultèrent du regard. Pratiquer ce genre de formule avec un démon de rang si faible n'était pas très risqué. Félix continua d'insister jusqu'à ce que les deux autres ne cèdent. 

— Bon, très bien, capitula Fleur. Clém, apporte moi du sel, de la lavande, du lait et de la maïzena. 

Le missionné monta au rez-de-chaussée. 

— Au fait, fit Félix. Je ne t'ai même pas demandé ton avis. Tu veux bien être mon démon ?

Le Keïtos hocha vigoureusement la tête et des volutes de fumée noire traversèrent la camisole pour s'envoler.

— Cool. On va bien s'entendre, tu vas voir. 

Clément dévala les escaliers les bras chargés. À l'aide de son doigt, Fleur dessina sur le sol un symbole, le même qui avait permis de capturer le croque mitaine, et invita le démon à venir au milieu. Une fois qu'il fut placé, elle remplit de sel les rainures qu'elle avait tracées.

— Occulus, aspire le. 

Le démon se déploya autour de l'adolescente dans un grognement guttural. 

Le corps fantomatique du Keïtos se dispersa dans les cristaux de sel, comme une toile d'araignée étirée de toute part. La camisole et les menottes s'aplatirent sur le sol, vides.

— Ok. Ça, c'est fait.

Fleur ramassa le sel.

— Mince, j'ai oublié de te demander un bol et un pilon. 

Clément soupira et effectua un aller retour express. Sa soeur récupéra le matériel et écrasa le sel avec la lavande. 

— Le sel pour contenir, la lavande pour allier. 

Elle versa le lait, puis la maïzena. 

— Le lait pour mélanger, la maïzena pour raccorder. C'est prêt.

— Je dois le boire ?

— Oui, cul sec. Et bouche-toi le nez. 

— C'est si mauvais que ça ?

— Tu t'apprêtes à avaler une entité qui vomi toutes les trente secondes, à quoi est-ce que tu t'attends ? rit son frère. Allez, à table. 

Félix saisit le bol et le porta à ses lèvres en oubliant de se pincer les narines. Des effluves immondes l'écoeurèrent et il reposa immédiatement le récipient.

— Impossible. Je ne boirai pas cette chose. 

Une bulle grasse éclata à la surface de la mixture grise, comme si le Keïtos manifestait son mécontentement. 

— 1, 2,3, compta Fleur. 

Elle et Clément se jetèrent sur Félix et lui firent avaler le mélange de force. Lorsqu'il ne resta plus une goutte, ils le libérèrent et reculèrent d'un pas.

— C'était pas si terrible que ça, finalement, avoua leur petit-frère. 

— 1,2,3, compta Clément. 

Félix vomit à ses pieds. 

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