La Garde Royale de Suède

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En ce temps-là, le Royaume de Suède était en deuil. Le roi bien-aimé (bien-baisé, disaient les mauvaises langues) Oscar III venait de décéder d’une crise cardiaque. Dans les bras de la royale maîtresse, insinuaient les magazines people. Le Palais fit rectifier : le roi était mort dans l’exercice de ses lourdes tâches, ce qui n’était pas faux, la principale activité d’un roi étant d’assurer sa descendance, légitime ou pas.

Son fils, Fredrik II, âgé d’à peine dix-huit ans lors du couronnement, ne risquait pas de mourir de la même manière. Les magazines people insinuaient qu’il préférait les garçons. Le Palais fit rectifier : ce n’étaient que des « amitiés viriles », en attendant que sa promise, la Princesse Alphonsine du Liechtenstein, eût atteint sa majorité sexuelle. La populace ricana car la princesse n’avait que 6 ans.

La Suède avait décidé de réactiver l’obligation de servir dans l’armée et Hjalmar s’était retrouvé soldat de troisième classe à la caserne de Karlskrona. Il était affecté à l’intendance et occupait ses journées à éplucher des pommes de terre et à nettoyer les latrines. Il fut donc très étonné lorsqu’il reçut l’ordre de passer un mois à Stockholm dans la Garde Royale.

Le service du roi débutait par un camp d’entraînement d’une semaine. Hjalmar fut frappé par la beauté de ses camarades, la vue de leurs corps nus sous la douche le réconfortait des dures journées de drill, il n’était pas rare que l’un ou l’autre bandât, ce qui ne provoquait pas les ricanements habituels, plutôt des appréciations flatteuses. Il sembla à Hjalmar que la taille des bites était nettement plus élevée qu’à Karlskrona. Lui-même était assez fier de son organe, il trouvait facilement des plans cul sur Grindör. Et il en eut même un avec Sigvard, un des autres appelés, dans le réduit où étaient entreposés les casques. Ils n’osèrent pas s’empaler sur ceux-ci, la pointe était acérée et ça aurait laissé des traces, ils passaient déjà assez de temps à les astiquer.

Le premier tour de garde de Hjalmar, un dimanche après la relève, commença mal. Il faisait chaud, l’uniforme d’apparat avec le casque phallique n’était pas agréable à porter, et un cycliste imprudent voulut pénétrer dans le palais. Hjalmar lui barra courageusement la route, prêt à donner sa vie pour son roi. Or, c’était justement lui qui revenait d’une balade incognito. Hjalmar ne l’avait pas reconnu avec son casque de cycliste, ses lunettes noires et sa tenue d’une équipe bien connue, celle qui était sponsorisée par un fabricant de préservatifs. Fredrik II ne se fâcha pas, il tendit son laissez-passer. Hjalmar fut consterné et se mis immédiatement au garde-à-vous, tremblant.

— Repos, fit le roi. Ainsi, tu n’as pas reconnu ton souverain ?

— Excusez-moi, Votre Majesté, c’est mon premier jour.

— Au contraire, tu as bien agi. Tu as suivi les ordres. Je te recevrai en audience particulière ce soir, pour faire ta connaissance.

— En audience particulière, Votre Majesté ?

— Oui, ne crains rien, je suis un jeune homme comme toi, pas un dieu inaccessible, j’aime le contact rapproché avec mes sujets.

Le roi entra dans le palais et laissa Hjalmar gamberger. Il informa le chef de la garde de l’incident. Celui-ci soupira :

— Ça commence, je vais devoir changer les tours de garde pour toute la nuit.

— Toute la nuit, commandant ? L’audience ne devrait pas durer si longtemps.

— On voit bien que tu es un bleu.

Un valet apporta l’invitation officielle au corps de garde une heure plus tard. Hjalmar devait se rendre à vingt et une heure dans les appartements royaux. Sigvard félicita son camarade :

— Tu en as de la chance, être convoqué par le roi. Je suis jaloux.

— Pourquoi ? Il ne va pas coucher avec moi.

— N’as-tu pas entendu certaines rumeurs ?

Hjalmar était inquiet et aussi fier lorsqu’il sonna aux appartements royaux. Il n’avait pas oublié son smartphone, il pourrait peut-être faire un selfie. Le valet lui ouvrit la porte et le mena jusqu’à la chambre du roi en passant par un dédale de pièces défraîchies et qui attendaient des fonds de l’UE pour être rénovées. Le valet le fit entrer. Hjalmar se mit au garde-à-vous. Il observa le roi qui était drapé d’une robe de chambre de velours mauve et se demanda s’il avait mis un sous-vêtement dessous.

— Repos. Et mets-toi à l’aise. Enlève ce casque ridicule, on ne peut même pas l’utiliser comme gode, mais j’en ai fait faire des imitations en silicone, je t’en donnerai un comme souvenir.

— Votre Majesté est trop bonne à mon égard.

— Appelle-moi Fredrik et tutoie-moi. Je déteste ces formes de politesse obsolètes alors que tout le monde se tutoie dans mon royaume aussi pourri que le danois.

— Bien, à tes ordres, Fredrik.

— Et enlève ton uniforme.

— Enlever mon uniforme ?

— Tu ne baises quand même pas tout habillé ?

Le roi montra l’exemple, il écarta les pans de sa robe de chambre et dévoila les bijoux de la couronne prêts à l’emploi.

Le lendemain matin, Sigvard demanda à Hjalmar :

— C’était bien ta nuit avec le roi ? On dit qu’il a une grosse queue.

— Oui, c’est exact. Tu sais s’il reçoit souvent des soldats en audience particulière ?

Le chef de la garde les entendit discuter et dit :

— Tu crois quoi ? Que tu as été sélectionné pour tes vertus militaires ? Laveur de chiottes ? Non, les services de renseignements militaires sélectionnent les soldats de la Garde Royale en fonction de leurs profils sur Grindör et d’autres souhaits de Sa Majesté. Vous aurez tous une audience particulière, et même plusieurs pour les meilleurs d’entre vous.

— Commandant, s’étonna Hjalmar, comment connaissent-ils nos profils ?

— La NSA communique les adresses IP en échange des positions des sous-marins russes. Secret défense, tu n’en parles à personne.

Hjalmar ne fut pas malheureusement reconvoqué chez le roi, il ne sut jamais pourquoi, il avait pourtant assuré. Le bon vouloir de Sa Majesté, sans doute. Il se consola avec Sigvard. Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Fredrik II aussi, d’ailleurs, si l’on en croit les magazines people, mais il ne faut pas croire tout ce qui est écrit...

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