Les Malheurs d'un chat

7 minutes de lecture

L'intérieur de la voiture est une cage d'acier, qui m'emprisonne dans mon indignation. La caisse de transport dans laquelle je suis enfermée est un affront à ma liberté et ses infâmes parois en plastique ne peuvent contenir ma grâce féline.

Mon humaine est assise sur le siège devant moi. Elle m'est entièrement dévouée, cela ne fait aucun doute, mais je ne peux pas lui pardonner ce geste. Cette vile servante m'a traînée chez cet ignoble vétérinaire. Pour une simple toux, vraiment ? Comme si j'avais besoin de l'aide d'un misérable mortel pour guérir. Mais non, elle a décidé que j'étais incapable de me soigner moi-même. C'est insupportable. Elle devrait savoir que je suis bien au-dessus de ces trivialités médicales. J'ai beau miauler avec véhémence, elle ne semble pas comprendre mon mécontentement.

À cet instant, je dois admettre que je me fiche de sa dévotion comme de ma première croquette, les rembourrages rudimentaires à l'intérieur de la cage sont une insulte à mon confort royal. Cette vulgaire couverture, à l'épouvantable odeur de renfermé, froisse mon pelage soyeux, me causant un profond déplaisir. Mais faute de choix, je me résigne à m'étendre sur ce support médiocre, non sans un dernier regard noir à mon esclave.

Le moteur ronronne d'une manière presque méprisable, ajoutant une note supplémentaire à ma contrariété. Les vibrations déplaisantes agacent mes sens délicats, me rappelant combien je suis à la merci de cette humaine trop zélée. Enfin, c'est certainement un bien grand mot, car cette maudite bipède descend pour la seconde fois de la voiture, une trahison de plus à ajouter à la longue liste de ses offenses. Elle quitte le véhicule avec une légèreté insolente, me laissant derrière elle dans cette maudite prison pour profiter des commodités de la ville, comme si son propre confort était plus important que le mien. Quelle impudence, quelle arrogance !

Furieuse, je fixe les "petites" courses qui me tiennent compagnie à l'arrière de la voiture. Quelle ironie ! Madame a trouvé le temps de s'arrêter en chemin pour s'adonner à ses frivolités. Et qu'a-t-elle acheté ? Ah oui, cette fameuse "super bonne affaire" à ne pas rater, un maxi pack de 96 rouleaux de papier toilette. Vraiment, c'est cela sa priorité dans la vie ? Au lieu de me choyer et de me couvrir de cadeaux, elle revient avec un vulgaire paquet de papier pour son usage personnel. Je détourne le regard, ne pouvant supporter un tel affront.

Ma satisfaction et mon bonheur devraient être ses seuls et uniques préoccupations. Je suis la véritable reine de cette maison, et elle devrait le reconnaître. Mais non, elle préfère me négliger pour des objets inutiles et triviaux. Je renifle avec dédain, après tout, je suis bien au-dessus de ces futilités, mon attention ne doit être réservée qu'aux choses véritablement importantes, c'est-à-dire moi-même.

Alors que je pose ma tête sur mes pattes avants, je m'imagine avec délectation toutes les manières dont je pourrais exprimer ma colère et mon indignation à mon retour à la maison. Peut-être vais-je me venger en faisant quelques griffures sur son canapé tout neuf, ou en ignorant ostensiblement sa présence pendant plusieurs jours. Elle apprendra ainsi à ne pas me trahir.

Je reste là, dans la voiture, attendant patiemment que la créature dépourvue de sensibilité féline revienne pour me libérer de cette indignité. Je méprise son attitude négligente et égoïste, mais je sais qu'elle reviendra me chercher, après tout, elle ne peut pas vivre sans ma présence divine. Et quand elle le fera, je lui montrerai clairement à quel point elle a failli à ses devoirs envers moi.

Ah, la voilà qui revient, toute joyeuse, se vantant d'avoir trouvé la poste ouverte, comme si cela avait la moindre importance à mes yeux. Elle est inconsciente de ma colère bouillonnante, de ma frustration grandissante. Mais le pire est à venir : la voiture refuse de démarrer. J'assiste, avec incrédulité, à cette scène qui semble tout droit sortie de mon pire cauchemar.

Cette stupide bipède a-t-elle décidé de me faire subir le coup de la panne en plus de tout le reste ? La rage monte en moi, et mes yeux étincellent d'une colère brûlante. Comment ose-t-elle me priver de ma liberté, de mon confort, et maintenant de ma mobilité ? Je fusille du regard cette créature irresponsable qui ose m'entraîner dans cette situation.

Presque deux heures s'écoulent avant que nous nous retrouvions enfin au garage, si proche de la maison. Pourtant, contre toute logique, l'humaine refuse de me relâcher alors que je pourrais rentrer par mes propres moyens, je suis plus que capable de m'orienter dans les rues familières de mon territoire. Mais non, cette maudite esclave persiste à me garder prisonnière dans cette boite. J’observe par la grille en fer, scrutant les environs avec impatience, sachant que la terre ferme est à portée de mes douces pattes.

Le calculateur du tableau de bord est mort, apparemment. Si elle savait que je m'en fiche comme d'une souris en carton, je ne me soucie guère des mécanismes compliqués des voitures humaines. Tout ce que je veux, c'est sentir la terre sous mes coussinets, retrouver ma liberté tant désirée. Mes miaulements résonnent, exprimant mon exaspération grandissante. Je feins même une faiblesse accrue, espérant que cela la persuadera de me libérer enfin. Mais elle reste sourde à mes supplications.

Je la fixe de mes yeux perçants, intensifiant mon regard de reproche. Mon impatience grandit alors que le temps s'écoule lentement. Je ne peux plus supporter cette captivité injuste, je miaule alors de plus belle, avec toute la véhémence dont je suis capable, déterminée à lui faire comprendre que je ne tolérerai pas une seconde de plus cette situation humiliante. Je suis une créature née pour régner, pour arpenter les rues avec grâce et élégance, et cette cage ne peut pas contenir ma grandeur.

L'humaine prend une décision inattendue et se résout à rentrer à pied, abandonnant la voiture défaillante au garage. Dans une main, elle tient fièrement son maxi pack de 96 rouleaux de papier toilette, tandis que de l'autre, elle porte la caisse de transport qui me retient prisonnière. Mais semblant décidée à me torturer aujourd'hui, me voilà affublée d'un flacon de sauce ch'ti, une bouteille de produit vaisselle et un tube de dentifrice. Une compagnie bien peu digne de ma stature royale.

Nous entamons une marche forcée, une épreuve supplémentaire que l'humaine m'impose. Chaque pas résonne dans mon corps, tandis que je suis secouée par les objets hétéroclites qui partagent ma prison de fortune. Les secousses et les mouvements désordonnés me font grincer des dents, et je maudis chaque seconde de cette interminable agonie.

Presque un kilomètre s'étire devant nous, une distance qui me semble incommensurable. Le supplice de cette cohabitation forcée avec des objets ménagers est au-delà de tout ce que j'aurais pu imaginer. J'envoie des miaulements de protestation, espérant que cette incompétente entendra enfin ma détresse et mettra fin à cette mascarade absurde.

Mais alors que nous avançons péniblement, l'emballage plastique qui contenait les rouleaux de papier toilette cède. Les rouleaux tombent au sol, certains se déroulant dans une déferlante de papier blanc. Je me fige, observant avec incrédulité cette scène qui semble se jouer au ralenti.

La bipède pousse un cri d'exaspération, déposant ma cage au sol et tentant de récupérer les rouleaux qui s'échappent. Mais c'est en vain, ils s'éparpillent dans toutes les directions en une débâcle indescriptible. Elle est maintenant en proie au désordre qu'elle a elle-même créé. Mon regard narquois lui dit tout ce qu'elle doit savoir : ce chaos est la récompense pour sa négligence envers moi, sa déesse féline.

À cet instant précis, la porte de la maison devant laquelle nous nous trouvons s'ouvre sur une jeune femme, son visage affiche un sourire amusé devant la scène surréaliste qui se déroule sous ses yeux. Elle offre son aide à mon esclave, qui, bien qu'hésitante, accepte la main tendue.

L'inconnue se penche avec grâce, ramassant les rouleaux de papier et les remettant dans le sac, tandis que mon esclave lui adresse un sourire reconnaissant. Leur regards se mêlent et leurs rires remplissent l'air.

Mon cœur félin se serre, témoin de cette connexion qui se forme entre mon humaine et cette inconnue. J'en ressens une vive jalousie. Comment osent-elles s'amuser ainsi, négligeant complètement ma présence et mon désir de rentrer chez moi ?

Je miaule, exprimant ma frustration et mon inconfort. Mais mes cris de détresse passent inaperçus, étouffés par les éclats de rire des deux femmes. Je me sens exclue, mise de côté, et cette sensation est insupportable,

Ensemble, elles rassemblent les rouleaux éparpillés, rangeant soigneusement le papier toilette rebelle dans ce qu'il reste de l'emballage. L'inconnue se montre serviable, accompagnant même mon souffre-douleur et son curieux chargement dans leur marche. Je ne peux m'empêcher de jeter un regard dédaigneux à cette intrusion dans mon royaume, mais je reste silencieuse, observant les deux femmes interagir. Cette voisine que je n'ai encore jamais vue discute tout naturellement avec ma domestique, comme si elle n'avait pas un peu moins de cent rouleaux de papier toilette dans les bras.

Je les observe se rapprocher, échanger des regards complices, et je me remplis d'amertume, reléguée au second plan, une simple spectatrice.

Une fois arrivées à destination, la jeune femme propose à mon humaine de prendre un café, suggérant de se revoir à une autre occasion, plus propice à la discussion. J'entends cette invitation indésirable, et un frisson de dédain parcourt mon pelage. Comment ose-t-elle faire preuve d'une telle familiarité avec Ma servante ?

Sans plus attendre, la porte enfin ouverte, je m'éloigne d'un air hautain, laissant les deux femmes à leur discussion insignifiante. Je n'ai pas de temps à perdre avec de vulgaires conversations entre humains. Je m'en vais retrouver ma place dans ma demeure, où je pourrais enfin reprendre ma royauté bien méritée. Je tourne le dos à ces bipèdes, sachant que mon absence sera forcément ressentie. Après tout, je suis l'étoile qui illumine leur monde, et elles seront privées de ma présence majestueuse. Je m'éloigne avec grâce, mon pelage scintillant sous les rayons du soleil, tandis que les discussions humaines se perdent dans le lointain.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Lucie Fer ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0