A l'avenir

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Parce qu'on sait jamais...


Tempête

Par la meurtrière sombre des cieux, je jette

Mon œil de pierre. Éclate mon vertige, égare

Mon honneur en soupirs et en tourments de bête !

Je tombe au fond d'un trou où Lucifer se marre...

Et l'envie s'évapore emportée par l'ennui :

La flamme ténébreuse efface la démence

Et l'âme des rochers confesse à la lumière

Que le plaisir frissonne à l'orée de nos nuits...

Le crime est un bonheur qui décolle l'écorce :

Au crépuscule humain, tous les rois sont en bière.

La tentation des cendres en la vallée chancelle

Et le mortel désir infidèle ravage

La malice confuse et la belle étincelle :

Déjà la fleur éclose se voit flétrie par l'âge...

Fébrile, je m'assis devant le foyer, sur la pierre plate dont les moindres creux, bosses et plats m'étaient plus familiers même que mon propre reflet dans l'eau de la rivière ou l'aspect lisse et noueux de mon arc. Autour de moi, quelques autres filles et garçons attendaient, tendus eux aussi. La petite Keythleen jetait sur les flammes dansantes des yeux plus effrayés encore qu'à son habitude tandis que le tout jeune Brian, à peine capable de marcher, semblait déjà comprendre la gravité de l'instant à venir et, assis sagement dans la poussière cendreuse, s'entraînait à tracer sur le sol des motifs simplistes ; plus loin, deux grandes presque-femmes, Kimberley et Sidney, baissaient les yeux, honteuses encore et déjà repentantes ; quelques vieux étaient tapis dans l'ombre, hors de portée de la lumière et de la chaleur du feu : je reconnus certains géniteurs, dont le nom ne devrait bientôt plus être prononcé et dont la présence, déjà, s'était étiolée.

Malgré moi, la fierté de la presque-femme et la peur du juste-né s'entremêlaient pour corrompre dans mon esprit la joie de la cérémonie prochaine. Depuis deux jours, quelque chose avait changé. Il s'agissait d'une parcelle ténue de la réalité, qui ne tenait ni à la texture de l'air, ni à la saveur de la terre, ni à la sensualité de la lumière, mais plutôt à une certaine consistance étrangement fuyante du regard, à une certaine incertitude du geste chez les membres du clan. Une inconsistance, plutôt, qui s'incarnait ce soir dans le ballet affolé, délétère et insaisissable des flammes autour desquelles on se groupait peu à peu. Depuis deux jours, les règles étaient observées avec plus de scepticisme, avec une horreur pudique, une honte réservée. Depuis le dernier Passage, en fait.

Brian-le-fort avait toujours été un garçon costaud et, dès ses deux ans, ses parents tremblaient de peur devant ses colères destructrices ; la mère, huée par les autres enfants, fuyait alors dans les bois alentours cacher ses sanglots de vieillarde précoce sous les moqueries joyeuses des autres jeunes. Les années en avaient rapidement fait un chef-né, un homme-à-naître très en avance sur les autres. A huit ans à peine, il avait battu sa mère à mort. La plupart des hommes-nés et des mères-à-venir avaient salué l'exploit, mais de nombreux autres enfants plus jeunes, encore attachés malgré eux à leurs nourriciers par leur faible constitution, en avaient été horrifiés. On avait généralement pensé que leur sentiment était dû au fait qu'ils étaient eux-mêmes encore incapables d'accomplir cet acte libérateur, mais je savais, pour en avoir discuté à mi-mots avec quelques uns, que c'était la brutalité même de l'acte, et surtout sa gratuité, qui avaient pour l'essentiel causé ce rejet. Si aucun homme à naître n'était à proprement heureux de succéder à ses nourriciers, il n'en demeurait pas moins que l'acte lui-même du Passage, parce qu'il était libérateur et faisait du garçon un homme-né, était considéré comme un rite positif dont chaque jeune observait la coutume avec une excitation guerrière et une fierté rarement démenties. Et là, à peine quelques mois plus tard, alors qu'il n'avait même pas atteint l'âge traditionnel des hommes-à-naître, il avait exécuté son père durant son sommeil et avait surgi à l'aube bariolé de son sang, un sourire aveuglant d'orgueil, en quête frénétique de la reconnaissance de sa valeur par ses pairs. Et il avait alors réclamé sa place d'homme-né et exigé le droit de posséder une mère-à-venir.

La sauvagerie et la soudaineté de ce Passage, la sournoiserie en particulier de cet acte perpétré pendant le sommeil du géniteur, en faisaient une version inédite de la cérémonie. Alors que la tradition exigeait un duel à mort durant lequel l'homme-à-naître se révélait plus apte et plus fort que son géniteur en le vainquant au combat puis en s'oignant le corps du sang vigoureux de son nourricier, cette pratique clandestine laissait le Conseil des hommes-nés perplexes et inquiets. Ce soir devait être rendu leur jugement, et personne, pas même eux, ne savait vraiment à quoi se résoudre, chacun des deux choix amenant des précédents aux conséquences pour le moins déstabilisantes : si le Passage pouvait être réalisé sans règle et sans témoin, comment s'assurer que le candidat au statut d'homme-né méritait bien cette position ? De même, si l'on refusait son Passage à qui le gagnait dans le sang de son géniteur, ne déniait-on pas ainsi le droit le plus essentiel de l'homme-à-naître, et ne jetait-on pas le doute sur d'autres Passages où le géniteur avait paru complaisant ou affaibli plus que de raison ? A dilemme exceptionnel, mesure exceptionnelle.

Si les clans répugnaient habituellement à céder de leur autorité pour d'autres raisons que l'impérieuse force brute d'hommes-nés plus forts encore, il était de notoriété, bien que personne ne sût au juste à quand cela remontait ni en quel lieu on avait pu y avoir recours, que les Mémoires pouvaient démêler les nœuds du présent à l'aide des lumières du passé. Généralement, il était considéré comme insultant et humiliant de devoir se réfugier derrière les auspices de ces enfants-morts, et l'on se traitait souvent de fils ou de fille d'enfant-mort pour s'exciter la haine et le sang avant un duel au sang. Mais depuis deux jours que la confusion régnait et que personne n'osait prendre la responsabilité d'une prise de position en faveur ou aux dépens de Brian-le-fort, le Conseil avait avec un mépris étudié et une gêne mal dissimulée fait appel à mon oncle, Kévin-le-muet, Mémoire du clan depuis que le précédent était mort de vieillesse. Si la honte se lisait sur les visages de n'avoir pas su gérer l'événement entre hommes-nés, s'y mêlait néanmoins un certain soulagement de voir la voix des ancêtres trancher. Car si les enfants-morts étaient méprisés pour leur incapacité à devenir des hommes-nés, leur marginalité elle-même, et aussi leur appartenance à cette mystérieuse caste surgie du passé, donnait à leurs avis un poids sacré qu'aucune autre parole ne pouvait égaler. Et si l'acte l'emportait toujours sur la parole dans cette société de l'immédiateté, lorsque le geste se révélait impuissant à pallier l'esprit pris en défaut, le verbe suppléait avec une force quasi-magique surgie des tréfonds du temps des Hommes.

Les Mémoires, dans notre société où la force brute régnait sans partage, bénéficiaient en effet d'un statut ambigu. Les garçons qui se retrouvaient orphelins à la naissance étaient mis dans l'incapacité absolue d'accomplir leur Passage. Pris en pitié par le reste du clan, ils étaient nourris de restes et tolérés près de l'âtre commun. Néanmoins, ils subissaient de nombreuses humiliations, insultes, coups bas, jets de pierre et autres sévices qui rendaient leur survie jusqu'à l'âge des hommes-nés plus qu'illusoire. Pourtant, si un rare orphelin ne succombait pas à tous ces mauvais traitements, il était recueilli par la Mémoire du clan et héritait de sa charge s'il lui survivait. Il ne s'était jamais produit qu'une Mémoire ait plusieurs héritiers, mais la loi stipulait pour ce cas improbable qu'il suffirait alors de les laisser dépérir de faim et de soif et de ne conserver que le dernier en vie. En revanche, les femmes ne pouvant prétendre au rite du Passage eu égard à leur faiblesse physique, elles ne relevaient pas de cette pratique. Pour autant, je considérais comme mon oncle que notre sort n'était pas à envier à celui des orphelins. Ignorées les premières années et abandonnées à la fin de notre féminité, objets de spéculation à l'âge des presque-femmes, puis objets de conflits violents pour la possession desquels les hommes-nés s'entretuaient pour l'honneur de nous violer et de nous faire porter leurs fils, je me félicitais depuis que j'avais pris conscience de mon sexe d'être à la fois encore très jeune et particulièrement laide à cause de malformations héritées de ma grand-mère.

Celle-ci, en effet, orpheline depuis que son propre père était mort au combat contre un clan voisin et que sa mère avait été violée jusqu'à ce que mort s'ensuive en représailles menées par l'ennemi, souffrait de malformations articulaires qui la rendaient rachitique et bossue, boiteuse et sans attrait pour l'homme-né. Néanmoins, bien après l'âge où sont normalement déflorées les mères-à-venir, elle avait connu les assauts de mon grand-père, à qui personne ne l'avait disputée et qui était déjà presque un vieillard lorsqu'il s'était enfin senti la force et le courage d'abattre son géant de père déjà presque sénile. Il était mort quelques mois plus tard d'une simple blessure de chasse qui s'était infectée. Le frère de ma grand-mère, privé de Passage alors qu'il avait à peine dix ans, n'avait pas eu à subir le plus gros des sévices réservés aux orphelins et avait fini recueilli par la Mémoire de notre clan, à qui il avait succédé. Ma grand-mère avait littéralement donné la vie à ma mère, la sienne, faisant de ma génitrice une fille unique et orpheline. Son oncle l'avait recueillie et élevée comme sa propre fille, jusqu'à ce qu'elle meure également en couches des suites d'une grossesse tout aussi tardive et sordide qui m'avait permis de voir le jour. Son oncle était alors devenu le mien et, bien que je susse l'inconvenance de ce que je ressentais pour lui, son visage fripé et son regard triste qui ne s'illuminait que lorsqu'il se portait sur moi m'avaient donné force et volonté de survivre, et même de me battre pour ne pas être ballotée comme mes aïeules par les flots capricieux et cruels de la vie. Mais malgré ma volonté farouche de vaincre, chacun de mes anniversaires me remplissait un peu plus d'effroi et, du haut de mes huit ans, je guettais alors avec une angoisse croissante et de plus en plus paniquée le moindre symptôme de féminité. Heureusement, les femmes de ma lignée avaient la féminité peu précoce et d'autant moins alléchante qu'elle s'épanouissait avec parcimonie sur un corps déformé par une laideur propice à engendrer l'indifférence chez la plupart des hommes les plus bouillants.

Bien qu'on le nommât Kévin-le-muet, mon oncle avait une voix douce et grave, profonde, et bien que sa parole soit rare, et généralement destinée aux bêtes qu'il soignait pour le clan, elle remuait toujours au fond de moi quelque chose de sombre et d'amer qui laissait filtrer, en sinuant dans mon ventre, des étincelles vite éclipsées d'une lumière inconnue et brûlante. Il m'avait dit un jour que c'étaient mes racines qui poussaient au cœur du soleil et que rares étaient les enfants de la terre qui ne les avaient pas coupées depuis longtemps. A cette époque de ma vie, je n'avais pas vraiment saisi le sens de ses paroles, mais j'en avais été bouleversée plus que je ne l'avais admis et, la nuit, longtemps, ses mots et ces images m'avaient hantée, retardant la venue du sommeil, provoquant parfois la remontée de sanglots mystérieux du plus profond de mon âme silencieuse.

Et ce soir, le grand Conseil des fiers hommes-nés avait fait appel à mon oncle, Kévin-le-muet, Mémoire du clan des Sept Collines, pour jeter ses lumières d'ancien sur les actes inédits de Brian-le-fort afin que l'on puisse juger si c'étaient là crimes ou prouesses.

Mélody-ventre-en-avant, femme du chef Jason-la-foudre, s'avança avec morgue pour prendre sa place sur la souche dont le père de ses enfants l'avait gratifiée, fier de sa beauté inaltérable et de sa fécondité désormais légendaire après le huitième garçon éclos de son ventre et à l'annonce du neuvième à venir, parant de manière inhabituelle et nouvelle pour le clan une femme d'un prestige et d'une autorité qui, quoique relatifs, ne lui étaient disputés par quiconque. Bien évidemment, la vigueur du bras musculeux de Jason-la-foudre et sa fameuse et létale vélocité au combat y étaient pour beaucoup, mais j'avais conscience, grâce aux sages avis de mon oncle qui savait toujours dessiller mes paupières d'enfant avec efficacité, que le cas de notre clan, le plus puissant parti de la région, mais aussi le plus visité du fait de sa position stratégique à la confluence de trois rivières et d'innombrables routes de commerce, s'il n'était un cas isolé, il accusait cependant nombre de nouveautés qui, sans pour autant remettre fondamentalement l'ordre établi, y rongeaient toutefois des multitudes de petites infractions qui en fragilisaient l'immuabilité. Déjà il avait été décidé que ne seraient plus exécutés sommairement par le clan les hommes-nés qui perdaient leurs enfants ou n'en avaient pas encore arrivés à un âge où ils ne pouvaient plus prétendre s'arroger la moindre mère-à-venir. Il avait en effet été observé que le clan se développait et fonctionnait mieux avec ces paires de bras supplémentaires et expérimentés pour y œuvrer. Bien évidemment, la mise à mort n'était que repoussée jusqu'au constat de l'inutilité avérée du sans-fils, mais la rupture avait été consommée, et si la réforme avait d'abord fait grincer des dents, elle n'en avait pas moins été admise avec résignation devant les regards menaçants du chef, puis reconnue comme bonne devant la puissance croissante du clan des Sept Collines. De même avait-il été permis aux femmes désormais trop âgées pour être engrossées de gagner un sursis tant qu'elles trouvaient à se rendre utiles. Puis il y avait eu cette fantaisie d'honorer Mélody-ventre-en-avant de cette position honorifique. Et ce soir, à nouveau, un dilemme allait peut-être donner lieu à une nouvelle décision inusitée.

Le Cercle du Conseil était désormais bondé. Ne demeuraient que trois places vacantes : celle de mon oncle, dont l'arrivée serait malséante tant que le Conseil au complet ne l'aurait convoqué à s'exprimer, celle du chef, qui en tant qu'Homme-Fort du village gouvernait le Conseil de plein droit et avait pour privilège et devoir d'être attendu le dernier, et surtout celle, redoutée et guettée avec une impatience croissante, de Brian-le-fort, celui à cause de qui la cérémonie de ce soir allait avoir lieu. Celui qui avait si bien déconcerté le Conseil que ce dernier avait dû s'abaisser à faire appel à la Mémoire du clan. Je voyais un peu partout des regards transpirant l'angoisse de l'appréhension face à l'inconnu, mais je reconnaissais dans de plus nombreux yeux encore la cruelle soif de sang qui se lisait le plus communément dans nos sociétés depuis l'avènement de l'Ordre-Neuf.

Soudain, un frisson parcourut l'assemblée et tous tournèrent en un seul mouvement leur tête vers l'espace libéré pour Brian. Celui-ci s'avança, la tête haute, le corps presque aussi musculeux que celui de Jason-la-foudre, l'œil bien plus fier que celui de Mélody-ventre-en-avant. Certains admiraient son courage, l'assurance qui se dégageait de toute sa personne, le calme avec lequel il accueillait et dédaignait l'angoisse et l'attention générale. D'autres, au contraire, baissaient les yeux devant la prestance conquérante de l'homme-à-naître qui avait déjà exécuté ses deux géniteurs. Kimberley et Sydney, elles, faisaient partie de ceux - et surtout de celles - qui n'osaient croiser son regard. En effet, par défi, toutes deux s'étaient gaussées du garçon en lui promettant leur féminité s'il était capable de leur prouver sa virilité. La suite leur avait fait clairement comprendre que le défi avait été relevé avec aplomb et que la récompense allait être réclamée. Or, les deux presque-femmes avaient beau n'être pas comme moi aussi révoltées à l'idée de devenir pâture pour homme-né, elles n'en avaient pas pour autant la bêtise d'aborder avec confiance cet âge dangereux ou, pas encore assurées de la suprématie de leur prétendant sur ses rivaux, elles risquaient le viol et la mort auprès de tout homme-né qui aurait la fantaisie de les revendiquer. Et Brian n'était pas réputé pour sa douceur, lui qui jouait enfant à mutiler les chats et les chiens du village pour éprouver sa force et, à l'instar des homme-nés, de verser ce sang qui clamait partout dans les btailles et aux chasses leur puissance virile.

Brian s'arrêta à sa place et, arrogant, fit un pas de plus avant de s'asseoir, raide et digne, sur ses talons, droit et tendu au point qu'émanait de lui une impression de menace fauve, grondante. Les murmures se turent. Tous attendirent l'arrivée, et surtout la réaction de Jason-la-foudre à cet affront, à cet accroc volontaire au protocole. Mélody elle-même avait perdu son air rogue et semblait tiraillée entre horreur et colère. Sûrement redoutait-elle que ce géant précoce n'abattît son respecté et craint mais déjà vieillissant bras protecteur et la déchût de son statut de presque reine.

Enfin, quand la tension fut à son comble et que des tics nerveux commencèrent à parcourir l'assistance aux moindres craquements du feu, Jason-la-foudre apparut, plus intimidant que jamais dans son costume de cérémonie : pagne en peau de léopard, le torse nu mais orné de motifs violents et sanglants peints du rouge poisseux du sang d'un animal ou d'un ennemi fraîchement vaincu, son visage couturé de cicatrices soulignées par autant d'arabesques charbonneuses faites à la suie et, sur le haut de son crâne, fabuleuse, sa couronne de chef sculptée dans un crâne humain à l'origine plus que lointaine. On racontait qu'elle avait été taillée dans le crâne du premier ancêtre à avoir subi le rite du Passage donnant lieu à la naissance du premier homme-né. Représentant en Cercle des hommes agenouillés dont les bras, tendus, se joignaient au-dessus de leur tête pour former un dôme supportant, comme un dieu solaire, un homme dressé, vainqueur, sur les dépouilles de ses géniteurs, cette coiffe de chef incarnait la puissance faite homme, l'autorité suprême des hommes-nés du clan des Sept Collines. De nombreux autres clans enviaient cette preuve de la supériorité de notre clan sur les autres, tandis que quelques autres, de plus en plus nombreux, voyaient dans sa magnificence et son origine lointaine et prestigieuse la marque du souverain clan qui les unirait tous en un vaste clan universel.

Pour l'heure, il ne s'agissait pas de politique extérieure et encore moins d'Histoire. Jason s'arrêta à sa place de chef et, lorgnant chacun des spectateurs d'un regard circulaire et autoritaire qui, partant de sa gauche, sur la mère de ses fils, s'arrêta seulement lorsqu'il eut atteint à sa droite la place laissée vide pour la Mémoire. Ses yeux avaient glissé sur Brian-le-fort sans même sembler le remarquer. Certains parurent étonnés, incapables qu'ils étaient de comprendre les subtilités de la diplomatie, mais la plupart admirèrent la sagacité et la justesse de leur chef, qui avait su laver l'affront de cet homme-à-naître qui agissait déjà comme un homme-né de plusieurs batailles en le renvoyant à son insignifiance. Une insignifiance qui ne durerait que jusqu'à ce que son Passage soit entériné. Et, là, la question restait en suspens.

« Clan des Sept Collines ! clama Jason-la-foudre de sa puissante voix des champs de bataille, qui savait si bien imposer le silence aux troupes les plus bruyantes ; mais ce soir, le silence était pesant et sa voix cingla l'air comme un coup de tonnerre. Le Conseil est réuni pour prendre des décisions lourdes de conséquences. Un garçon a accompli le rite du Passage sans respecter nos coutumes. Il a agi sans témoin, sans rituel et sans honneur. En négligeant ainsi nos règles, ce presque-homme a bousculé nos traditions et nous force à en reconsidérer les fondements d'un œil neuf. »

Au sobriquet de « presque-homme », Brian frémit de rage mais s'abstint de toute autre réaction. Sans être aussi insultante que de se faire traiter de « fils d'enfant-mort », l'injure rangeait Brian dans la caste presque impuissante et totalement soumise des femmes. Certains, dans l'assistance, semblèrent désapprouver cette provocation gratuite, mais la plupart ne purent s'empêcher de sourire et d'exulter avec pudeur en voyant le terrible Brian malmené ainsi par leur chef quand tout le monde le traitait généralement avec défiance, si ce n'est avec crainte. Dylan, qui avait depuis longtemps lâché son bâton avec lequel il dessinait dans la cendre, mangeait la scène de ses grands yeux de bébé grave. Keythleen, recroquevillée depuis la survenue menaçante de Brian et l'ouverture tonitruante de Jason, jetait des coups d'œil furtifs de dessous ses longs cils courbes. Pour l'instant, elle n'était guère plus qu'un bébé, et pourtant cela se voyait qu'elle serait une mère-à-venir très convoitée ; et son être entier, bien qu'elle fût encore trop jeune pour comprendre réellement ces choses, semblait s'épouvanter par anticipation. La petite me faisait de la peine. Chaque fois que je la voyais, j'avais envie de la prendre dans mes bras pour la protéger. Mais je savais trop ce qui l'attendait pour me sentir la force et le courage de la consoler par des mensonges aussi vains. Et sa détresse me rappelait par trop la mienne, contre laquelle ma laideur ne me protègerait pas indéfiniment.

« Les hommes-nés ont longuement discuté des choix qui s'offrent à nous et de la portée de chacun d'eux. Mais si l'homme-né des Sept Collines ne craint aucun adversaire au combat ou à la chasse, son esprit demeure trop faible à lutter contre lui-même. Et lorsque les faiblesses combinées de tout un Conseil avouent leur incompétence à trancher dans le doute, il faut savoir mettre son orgueil de côté et chercher du côté des maîtres de la faiblesse les solutions que nos esprits habitués à la force méprisent à entrevoir. Je demande donc que chacun, ce soir, se dépouille de sa fierté de guerrier, de son honneur d'homme-né, et qu'il s'autorise le temps d'un Conseil à écouter les paroles du passé, les récits faits de Mémoire à Mémoire depuis les temps où les premiers hommes-nés ont dû s'extirper du néant pour gagner le droit d'exister. Que Kévin-le-muet parle désormais et que ceux qui parlent se taisent pour l'écouter. »

Après les formules rituelles, Jason-la-foudre se tut et, savourant un instant le silence et les regards impatients de l'assemblée, il fit de nouveau des yeux le tour de l'assistance, captant le regard de chacun pour le saluer et l'enjoindre à respecter la cérémonie, ignorant à nouveau Brian, s'obstinant à le reléguer dans une indifférence des plus absolues, et finissant par embrasser chaleureusement les yeux rassurés de Mélody d'un regard aussi doux que violent. Puis le chef s'assit. Au bout de quelques instants d'un silence fébrile, un frottement irrégulier se fit entendre, le roulis sporadique de gravillons roulant sous des semelles de cuir, le crissement, familier de la poussière sous les pas claudiquants du vieillard dépositaire de la mémoire des clans. Kévin s'arrêta à l'orée du cercle de lumière et ses yeux brillèrent d'un éclat inquiétant et mystique tandis qu'il embrassait la scène. Son entrée à lui aussi devait être étudiée. Une Mémoire était presque un banni au sein de son propre clan, et l'occasion de servir presque onirique. Ce soir était son grand soir, celui qu'il avait attendu depuis qu'il avait été recueilli par la Mémoire précédente, celui auquel il s'était tant préparé sans aucune certitude de le voir arriver un jour. Lorsqu'il fut assuré que chacun avait le regard rivé sur lui, Kévin reprit sa marche d'un pas lent et boiteux. Sa démarche de vieillard, habituellement objet de risées et d'opprobre, l'auréolait ce soir-là d'un prestige insensé, d'un halo de mystère inquiétant, d'une magie ancestrale puissante et intimidante. A observer les visages fascinés, je ne m'y trompai pas : l'enchantement ne me touchait pas seulement moi parce qu'il s'agissait de mon oncle et que ses idées m'avaient déjà gagnée à sa cause, au contraire, les autres, parce qu'ils ne connaissaient pas mon oncle en tant que personne, en semblaient davantage envoûtés. Enfin, la Mémoire atteignit sa chaire et, lentement, s'y assit, dans un lent affaissement d'os craquants et de tissus crissants. Mon oncle garda le silence quelques instants, laissant retomber les échos de son arrivée puis, avant même qu'il n'eût ouvert la bouche, à ce qu'il me parut, sa voix, sourde, rauque, puissante, s'enfla dans la nuit, intimant au feu le respect du conteur, qui craqua moins fort et sembla n'éclairer plus que mon oncle, de lueurs rouges et fauves, dansantes, qui faisaient davantage s'agiter les ombres sur son visage parcheminé qu'elles ne les dissipaient.

« Du temps où le grand-père du grand-père de mon grand-père était encore un garçonnet sentant le lait de sa mère, le monde était gouverné par des vieillards séniles. Des milliers de générations avaient donné naissance à d'innombrables génies qui avaient légué à leur postérité des trésors de sagesse que ces vieillards avaient entreposés sans respect ni intelligence dans de grands mouroirs à idées. Craignant qu'on ne leur vole leur précieux pouvoir, ces vieillards créèrent de nombreuses institutions chargées de les protéger, et de plus nombreuses lois encore pour les légitimer. Bien sûr, les enfants, avec leur innocence et leur vigueur, étaient un danger permanent. Aussi ces vieillards les enfermaient-ils dans des lieux où, pour les empêcher de devenir hommes, on les écrasait sans raison de bribes de savoir innombrables et de règles aussi vaines qu'infantilisantes. Et tandis que ces vieillards se crispaient sur leurs ruines à remâcher leurs caprices, ils mouraient peu à peu, remplacés par des vieillards moins croulants. Mais la jeunesse, étouffée, était tenue dans l'ignorance des trésors qu'elle avait héritée en partage. Et ce n'est que vieillie, boursouflée de craintes et d'indifférence, d'incapacité à en tirer quelque bénéfice que ce soit, que cette jeunesse prenait peu à peu possession de son legs. De génération en génération, la majorité de la population devenait un bétail docile et amer de mieux en mieux assujetti à un joug qui ne sarclait que des terres arides et stériles. Certains des peuples qui occupaient ces territoires avant nous, du temps du grand-père du grand-père de mon grand-père, comptaient tant de vieillards et si peu d'enfants que, peu à peu, il ne resta plus que quelques poignées de vieillards accrochés à un monde en ruines. Un des derniers jeunes, Brian-le-grand, tomba plus tôt que d'autres sur les trésors oubliés de ses ancêtres. Dans ce monde moribond et fétide où il avait grandi, il comprit ce qu'on lui avait volé et ce qu'il avait laissé faire. Pris de rage, il s'arma des formidables outils de mort que l'on savait fabriquer à cette époque et il extermina les vieillards de son clan. Puis, suivi de hordes de jeunes qui le ralliaient et qui reprenaient à ses discours le goût de la liberté et de la lutte, ils parcoururent le monde à la recherche de tous les vieillards responsables de la situation, et ils les exécutèrent les uns après les autres. Un nouvel ordre naquit alors. Il confia à neuf enfants très jeunes, les Neuf Justes, la gouvernance de ce nouvel ordre et, assoiffé, affamé de savoir qu'il était devenu en découvrant son héritage, il retourna à l'étude, se retirant du monde. Mais il avait omis de donner à ses fidèles, en plus du goût du sang et le principe de la suprématie de la jeunesse sur l'avilissement de la vieillesse, le sens de ce combat : l'alliance de l'espoir énergique de la jeunesse créatrice aux trésors accumulés par les jeunes et moins jeunes les plus méritant de leur peuple. Les Neuf Justes régnèrent plusieurs années sur l'Ordre-Neuf, rendant des avis que leur jeunesse teintait de justesse, leur innocence de justice, mais ils vieillirent bientôt et la loi du Passage s'instaura peu à peu par l'élimination du père par le fils. Brian-le-grand fut oublié dans ses temples du savoir et ne reparut pas. Ses fidèles à la guerre portèrent leur loi martiale partout où ils s'installèrent, fondant les clans des hommes-nés, durcissant le rite du Passage, brimant les vieillards de plus en plus tôt, spoliant les femmes de tout droit, s'appuyant en l'ignorant sur l'innocence de l'enfant pour asseoir la force brute de l'homme-né, portant partout la loi du plus fort aux dépens du plus faible, privilégiant partout la jouissance d'un présent sans cesse renouvelé en méprisant passé comme avenir. L'héritage de nos ancêtres a disparu, mais les Mémoires, descendants des plus proches fidèles de Brian-le-grand, ont perpétué le souvenir de ce qui s'est perdu pour que les hommes-nés puissent un jour se révéler des hommes-faits, pleins de la sagesse découverte et perdue, forts au présent de leur science du passé et de leur conscience du futur, aguerris par le deuil à l'amour de la vie, enseignés par la vie à la crainte du trépas, revenus enfin à eux-mêmes après s'être trop longtemps perdus.

Aujourd'hui, le clan des Sept Collines est confronté à un nouveau Brian. Celui-ci n'est pas grand ; il est encore plus jeune, il est encore plus fort, mais il incarne déjà ce qui fit les hommes-nés : la soif de meurtre, l'absence d'honneur, le goût de la cruauté et le mépris du clan. Un arbre sans racine tombe et pourrit. La race des hommes-nés est un rameau vigoureux né d'un vieil arbre mourant. Poussé trop vite, trop fin, il menace de se briser loin de ses racines et de pourrir tout aussi vainement. Mais si les veilles souches font de beaux champignons, n'a-t-on rien de mieux à espérer d'une race comme la nôtre qui a su se montrer capable de conquérir les étoiles et de faire reculer la mort, de faire trembler la terre et d'assécher les mers ?

Notre chef a déjà su imposer par la force de sages réformes qui ont su prouver à tout un chacun qui les méprisait leur justesse et leur intérêt. Il est temps désormais que notre clan, fort de l'autorité conquise sur les autres clans, exorcise ses vieilles folies et exhume ses plus beaux génies ! Accorder à ce Brian-ci le titre de pair, c'est tuer à nouveau le plus digne de nos ancêtres, piétiner et ruiner sans espoir de retour nos derniers lambeaux de racines, c'est se condamner enfin à n'être plus des enfants égarés qui, privés de leurs parents bienveillants, commettent des erreurs et se mettent en danger, mais devenir nous-mêmes des bêtes, perdre l'humanité qui nous en distinguait.

Du tréfonds des âges disparus a surgi la Mémoire perdue : aux enfants sans mémoire de bien vouloir y voir soit le feu de l'espoir, soit la froideur du noir. »

Et sur ces formules anciennes chargées de magie, de menace et de vie, le feu dans l'âtre sembla se raviver soudain, éblouissant les yeux humides de ceux du clan qui, comme moi dont les larmes ruisselaient en silence sur mes joues, avaient reconnu dans ce récit l'histoire de leurs hontes secrètes. Lorsque l'éblouissement passa, mon oncle avait disparu. Il avait soigné aussi bien sa sortie que son entrée. Tous le cherchèrent un instant des yeux, puis réalisèrent que là ne résidait plus l'essentiel. Pendant tout le discours de la Mémoire, les visages s'étaient rivés sur mon oncle. Mais les yeux de mon oncle, eux, n'avaient pas quitté ceux de Brian, tout comme ceux de Jason-la-foudre, qui avait observé chez le gamin les réactions que n'avaient pas manqué de produire les mots toujours si justes de Kévin-le-muet. Soudain, tout le monde porta son attention sur le garçon qui, à genoux, avait cherché à devenir un homme en empruntant avec une trop franche brutalité le chemin de ses pères. Brian s'était voûté. Ses mains, auparavant crispées en poings au bout de ses bras raides tendus le long de son corps, étaient désormais déployées avec abandon sur ses genoux, paumes en l'air, et si les sanglots qui lui martelaient la poitrine ne s'entendaient pas encore, on ne pouvait manquer de voir briller, sur ses joues, les sillons épais abreuvés par les abondantes larmes qui roulaient par-dessus ses paupières.

Alors, sans que Brian manifestât la moindre réaction, comme s'il était coupé de tout, noyé dans le chagrin dévastateur de son chaos intérieur, Jason-la-foudre se redressa et, accompagné de Mélody-ventre-en-avant qui lui tenait la main en souriant avec une tendresse toute maternelle qu'elle n'avait pas souvent eu la faiblesse d'afficher, il s'approchèrent de l'enfant prostré. Mélody porta doucement une main vers l'épaule de Brian, l'y appuya doucement, puis la fit remonter contre sa joue et y essuya les larmes d'une caresse de mère qui ne craint plus son enfant mais pour son enfant. Puis, le chef tendit la main vers le bras du garçon et, avec douceur et fermeté, le remit debout sans effort apparent ; Brian s'abandonna passivement tout aussi bien aux caresses de la femme qu'à l'étreinte de l'homme lorsqu'il le serra contre son torse puissant. Ce n'est qu'une fois qu'il fut blotti au sein de ce couple formidable qu'on entendit enfin les sanglots le secouer, d'abord sporadiques, ténus, puis de plus en plus puissants et réguliers, comme un hoquet sifflant et essoufflé. La totalité du clan retenait sa respiration, émue. Moi, j'avais mal aux joues à force de sourire et mes yeux commençaient à me brûler à cause des larmes qui ne cessaient de s'écouler. Il me semblait que toutes mes peines, toutes mes angoisses se consolaient dans cette étreinte improbable et inattendue. La Mémoire avait remporté cette bataille sur le présent ! Mon oncle avait réussi là l'impossible et je n'en revenais pas. Puis, tandis que les sanglots de Brian s'apaisaient, Jason-la-foudre le retourna pour qu'il fasse face à la foule, et lui-même contempla les visages bouleversés et mouillés de pleurs de son clan.

« Clan des Sept Collines ! tonna-t-il de sa plus grosse voix, pour la première fois empreinte d'une émotion oubliée depuis des générations. Hommes des clans ! Femmes des clans ! Enfants et vieillards de tous les clans ! Regardez ce garçon ! Il a tué sa propre mère ! Il a assassiné son propre père ! Il ne l'a pas fait parce qu'il est différent de nous : il l'a fait pour nous ressembler ! Il n'a commis pour seul crime envers nos lois que de n'avoir pas maquillé son crime de rituels tout aussi vains qu'hypocrites ! Regardez-le, ce matricide ! Regardez-le ce parricide ! Il est vous ! Il est moi ! Il est nous tous ! Nous sommes tous des orphelins ! Nous sommes tous des assassins ! Nous avons-nous-mêmes arrachés nos racines ! Nous nous sommes nous-mêmes dépouillés de ce qui faisait de nous des hommes ! Ce soir s'achève le règne de la nuit ! Cette nuit s'achève l'ère des hommes-nés ! Je veux que l'aube à venir clame partout à la face des clans que ce garçon est le dernier des hommes-nés ! Il a accompli le rituel du Passage et y a comme nous perdu son humanité. Je veux que la nuit emporte en s'enfuyant devant le soleil cette honte que nous partageons tous. Regardez le dernier des hommes-nés ! Regardez-le bien car, lorsque le soleil se lèvera, il ne sera plus. Brian-le-fort, dernier des hommes-nés, va naître et mourir cette nuit. Regardez-le car il n'est déjà plus, lavé par ses larmes ! Il naît à nouveau : voici mon fils, premier des hommes-faits. Voici mon fils, Brian-le-bon, celui qui le dernier aura sacrifié ses racines ! »

Puis, le retournant pour planter son regard dans le sien, Jason-la-foudre ajouta, toujours d'une voix qui portait loin au travers du village, mais sur un ton plus doux :

« Nous t'avons fait monstre, comme nous, laisse-moi de faire homme à nouveau ; permets-moi d'être ton père ; permets à la mère de mes enfants d'être une mère pour toi ; permets-nous d'être des racines pour ton âme sans attache ; et laisse-nous devenir grâce à toi les parents que nous avons assassinés. »

Redevenant le petit garçon émotif qu'il avait vite étouffé sous le tyran colérique, Brian acquiesça, visiblement rendu muet par l'émotion, puis il se blottit à nouveau entre les bras vigoureux de son père, se lova dans le giron accueillant de sa mère. Et tandis que des sanglots moins amers se faisaient entendre au centre du cercle de feu, le clan entier hurla sa joie et sa fierté d'avoir traversé la dernière nuit et, après avoir dansé encore et encore pour exprimer sa tension et son trouble, se répandit en rires enfantins dans la grisaille de l'aube qui dévoilait le premier matin de leur nouvelle ère. Et, tandis que les premiers rayons du soleil venaient couronner les pointes des pieux qui formaient la muraille du village, faisant scintiller les gouttelettes de rosée comme les larmes de bonheur du village lui-même, accolée à mon oncle qui avait passé un bras sur mes épaules et me tenait enlacée, serrée contre lui, avec une émotion que nous partagions en silence, et qui portait au creux de son autre bras le jeune Dylan ronflant d'un sommeil détendu, j'observai les enfants du village se réfugier contre leurs parents, les parents s'approcher avec une retenue craintive de leurs rejetons naguère si dangereux pour eux, et les enfants-morts comme mon oncle retrouver une famille auprès des orphelins comme moi, qui sentais entre mes doigts la petite main chaude de Keithleen qui se cramponnait, contemplant tout cela d'un sourire timide et plein d'espoir.

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