Pourquoi nous faisons un « doigt d’honneur »

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Il y a 800 ans

Pourquoi nous faisons un « doigt d’honneur »

Une légende à manipuler avec précautions



Dans un moment d’énervement, quel est l’homme qui n’a pas eu recours à un geste disgracieux pour faire comprendre à un autre individu son profond mépris ? Une fois calmé, il peut se demander quelle est l’origine de son geste.

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Pendant la guerre de Cent Ans, les Français affrontaient les archers anglais, qui utilisaient le longbow, un arc droit redoutable qui avait fait ses preuves aux batailles de Poitiers (1356) et d’Azincourt (1415). Ils tranchaient l’index et le majeur des archers anglais faits prisonniers afin qu’ils ne puissent plus bander leur arc. Connaissant cette coutume atroce, les archers anglais brandissaient leur majeur et leur index pour narguer les Français avant chaque bataille. La preuve en est que, pour les Anglais, faire le V avec index et majeur en tournant le dos de la main vers le destinataire est une injure. Winston Churchill faisait le V de la Victoire avec la paume tournée vers le public. Souvenez-vous de cela en commandant par signe deux bières dans un pub anglo-saxon !

Cette belle histoire est bien sûr encore une légende qui ne résiste pas à une petite réflexion. Si on a besoin de l’index et du majeur pour bander l’arc, la dérive du V vers le doigt d’honneur n’est pas expliquée. À l’époque de la guerre de Cent Ans, hormis les nobles qui valaient rançon, on ne faisait pas de prisonniers. Et si on capturait des ennemis, entre les passer par le fil de l’épée et les amputer de deux doigts à chaque main, il n’est pas difficile de deviner la solution appliquée…

À Azincourt, Henri V avait ordonné le massacre des prisonniers français de crainte d’être pris à revers. Après avoir passé par les armes le menu peuple, les Anglais acceptèrent très mal la décision de tuer aussi les nobles prisonniers, dont on pouvait obtenir une rançon. Seule une poignée de nobles français fut épargnée, dont le duc d’Orléans, qui fut emmené en captivité à Wingfield, où, en plus de jouer à la paume, il se fit une réputation de poète.

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En fait, ce fameux doigt d’honneur semble très ancien puisqu’on en trouve la trace au cœur de la Rome antique. Ce geste obscène est alors appelé digitus impudicus, dont la traduction est évidente, utilisé, au choix, pour insulter son ennemi ou éloigner les mauvais esprits. On trouve d’ailleurs la trace de ce digitus impudicus dans une des comédies les plus célèbres d’Aristophane, Les Nuées, écrite en 423 av. J.‑C. dans laquelle le héros Strépsiade assimile son majeur tendu à son pénis. La signification de ce geste est donc le même depuis plusieurs millénaires, faisant sans doute partie de la grammaire universelle des hommes, mâles !

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Nos autres signes avec les mains peuvent être interprétés très différemment dans d’autres contrées.

Lever le pouce pour dire que tout va bien est sans doute issu des jeux à Rome où on demandait ainsi la grâce du gladiateur à terre ; c’est un doigt d’honneur dans tout le Moyen-Orient. De même, faire un O avec le pouce et l’index veut dire OK ou zéro en France ; il devient obscène en Allemagne, au Brésil, assimilé à l’anus.

Replier l’index en l’agitant pour faire venir quelqu’un se fait avec l’index vers le haut chez nous. En Afrique du Nord, il faut mettre l’index vers le bas pour ne pas faire croire que l’on veut caresser les parties intimes de la personne invitée à venir.

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Parler avec les mains demeure quand même, avec les mimiques faciales, la meilleure façon d’échanger quand on ne parle pas la même langue. Et certains gestes sont compris universellement, comme joindre les mains en se penchant, agiter les doigts vers sa bouche ou son pouce en reculant la tête, et bien sûr frotter son pouce et son index, sans doute de création plus récente.

Tous ces gestes seront bien perçus, dès lors qu’ils sont faits avec un vrai sourire.

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