Pourquoi le méridien zéro est celui de Greenwich

4 minutes de lecture

Il y a 130 ans

Pourquoi le méridien zéro est celui de Greenwich

Ne jamais faire confiance à la perfide Albion

Nous entrons les coordonnées de notre destination dans notre GPS sans nous poser de questions. Les marins s'en sont posés beaucoup sur la façon de connaitre leur position sur la carte et sur le Globe, surtout ceux partis jadis affronter la haute mer, hors du cabotage de port en port.

***

Trouver la latitude d’un point est relativement facile avec la hauteur du Soleil à midi ou des étoiles la nuit. Elle se calcule entre deux valeurs connues, le pôle et l’équateur. En revanche, déterminer sa longitude est beaucoup plus difficile. Surtout, elle se mesure par rapport à un méridien zéro qu’il faut déterminer au préalable. Puis il faut mesurer la distance angulaire par rapport à cette référence. Avant le 18e siècle, il n’existait aucun moyen de calculer la longitude en mer. La seule solution consistait à utiliser le Soleil, les étoiles et le mouvement de la Lune comme horloge géante dans le ciel.

Les penseurs grecs avaient bien sûr déjà réfléchi à la question avec leurs calculs de la sphère terrestre. Ptolémée (2e siècle avant J.-C.) avait choisi les Canaries pour son méridien de référence, point le plus à l’ouest de toutes les terres connues à cette époque. Au 14e siècle, Nicolas Oresme, évêque de Lisieux et conseiller du roi de France Charles V, affirmait déjà qu’il faudrait une ligne de démarcation qui déterminerait quand commence le jour.

Il faut attendre Louis XIII qui fixa, en 1634, le méridien zéro en le faisant passer par une ile des Canaries, la plus occidentale, l’ile de Fer (El Hierro). Ce choix, bien que non explicité dans son ordonnance, se serait rapporté à celui de Ptolémée.

Louis XIV fonde l’Observatoire de Paris et sur son sol est tracé le méridien de Paris, le 21 juin 1667, que l’on peut encore voir. La Méridienne de France, c’est-à-dire l’arc du méridien traversant la France, est mesurée ensuite plusieurs fois, par triangulation.

La mesure la plus mémorable du méridien est celle de Méchain et Delambre, en pleine tourmente révolutionnaire de 1792 à 1798, entre Dunkerque et Barcelone. Leur mission était d’aboutir à une définition de longueur universelle, le mètre, ce qui sera effectif en 1799. La France pouvait s’enorgueillir d’être pionnière pour les mesures du méridien et elle souhaitait promouvoir son méridien comme méridien zéro pour qu’il devienne la référence mondiale.

***

Au 19e siècle, les lignes de chemin de fer traversant les grands espaces canadiens (Canadian Pacific) et russes (Orient express) se devaient d’utiliser un système de fuseaux horaires unifié pour éviter une cacophonie d’horaires. Un ingénieur canadien, Sandford Fleming, eut donc l’idée de lancer une conférence internationale pour décider une fois pour toutes des fuseaux horaires et de la référence horaire internationale, c’est-à-dire du méridien de référence.

En 1884, la Conférence internationale du méridien réunit vingt-cinq pays à Washington pour choisir un méridien zéro. Le choix portait sur trois propositions : celui de l’ile de Fer, celui de l’observatoire de Paris et celui de Greenwich, en Angleterre, abritant l’Observatoire royal. La conférence adopte le méridien de Greenwich comme standard international (le Brésil et la France s’abstinrent, Saint-Domingue votant contre). La Grande-Bretagne de l’époque est la première puissance économique et maritime et ce méridien est déjà utilisé par toutes les colonies britanniques et par tous les navires anglais et même américains, soit plus des deux tiers de ce qui constituait alors le commerce international.

La France, qui s’était abstenue lors du vote de Washington, demanda une redéfinition de l’heure zéro en 1891. Elle finit par adopter, par une loi de 1911, l’heure GMT (Greenwich Mean Time, Temps Moyen de Greenwich), sans la nommer ! En effet, la nouvelle norme définit l’heure légale comme étant celle de l’observatoire de Paris moins 9 minutes et 21 secondes. L’honneur était sauf !

***

En échange de cette reconnaissance, le Royaume-Uni s’était engagé, dit-on, à appliquer le système métrique établi par les révolutionnaires français. En fait, le système métrique était toléré au Royaume-Uni depuis 1864. Il a été légalisé en 1897, mais laissé facultatif, et enfin officiellement adopté en 1965. Il est relancé depuis régulièrement, car l’homo britannicus n’aime pas que l’on attente à ses us et coutumes et préfère continuer à utiliser son système impérial ! En témoigne aussi l’adoption par ce pays du calendrier grégorien au 18e siècle, deux cent cinquante ans après les grands pays de l’Europe continentale…

La révulsion britannique pour le système métrique s’est étendue aux États-Unis, avec des conséquences néfastes. Une des plus importantes fut la myope du télescope spatial Hubble. Un des miroirs, avait été usiné en Europe selon le cahier des charges. Faute d’indication claire, les Européens ont travaillé avec le système métrique alors que les Américains l’avait conçu en yard et inch. Une des plus incongrues est la présence de deux boites à outils dans la Station spatiale internationale, une pour chaque système de mesure.

***

La France de son côté a gardé un regret de cette non-reconnaissance, avec pour preuve la Méridienne verte, matérialisée par intermittence par des arbres plantés le long de son parcours, des médaillons métalliques ou des panneaux le long des routes, installés dans les communes traversées par la ligne. Projet associé aux fêtes de l’an 2000, elle demeure maintenant tracée sur notre sol.

***

Le dernier épisode de cette confrontation franco-britannique date de 1984, avec la mise en place du système géodésique mondial, WGS84, notamment utilisé par les systèmes de localisation par GPS. Il est composé d’une ellipsoïde de référence affranchie des anomalies gravitationnelles. Malheureusement, l’observatoire de Greenwich souffre d’une telle anomalie et la correction a déplacé le méridien zéro de 102,5 mètres à l’Est.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jérôme Bolt ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0