Pourquoi les routes sont numérotées

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Il y a 110 ans

Pourquoi les routes sont numérotées

Des voies romaines aux routes européennes

Charles Trenet chantait la Route nationale 7 : « Nationale Sept, Il faut la prendre qu’on aille à Rome, à Sète… ». Défilent alors sur notre droite les bornes kilométriques avec leur chapeau rouge marqué d’un « N 7 ». Nous savions qu’elle traversait la Bourgogne et allait jusqu’à Menton, cette route des vacances. Mais pourquoi ce numéro 7 ?

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Les Romains ont tracé de grandes routes pour faciliter les échanges entre cités et le déplacement des troupes à travers tout leur empire, chacune ayant son nom. La voie Agrippa permettait d’atteindre Boulogne-sur-Mer en partant d’Arles, la chaussée Jules César allait de Lutèce à Rotomagus (de Paris à Rouen). Plus ou moins délaissées pendant une dizaine de siècles, il faut attendre Sully pour que des chemins royaux soient définis, dénommés et entretenus.

La structure du réseau routier actuel est héritée du réseau des routes de postes, apparues dès la fin du Moyen Âge. Par des relais réguliers dans lesquels on pouvait changer de monture, les plis voyageaient à une vitesse de soixante à quatre-vingts kilomètres par jour.

Ce réseau doubla de longueur avec la mise en place, au long du 18e siècle, d’une administration centrale forte. Sa longueur passe de 10 000 à 23 000 kilomètres.

Le tracé des routes se précise petit à petit. Napoléon 1er, en 1811, fera établir officiellement le tout premier système de numérotation des routes appartenant à l’État, qui couvrait bien sûr l’Empire.

Cette numérotation impériale, aux visées militaires, reprenait le système élaboré au début de la République. Les numéros 1 à 14 correspondaient aux routes impériales de première classe reliant Paris aux grands ports militaires ou aux grandes villes faisant alors partie de l’Empire. Elles étaient numérotées dans le sens des aiguilles d’une montre au départ de Paris. Le numéro 1 est attribué à la route vers le Nord, de Paris à Calais. Les numéros 15 à 27 correspondaient aux routes impériales de seconde classe reliant Paris aux autres ports militaires ou aux villes de province de moindre importance. Au-delà étaient numérotées les routes de troisième classe, souvent des traverses en Province, selon un schéma très centralisateur !

Une réforme intervient en 1824, attribuant de nouveaux numéros aux routes et en simplifiant l’ancienne nomenclature. Cette nouvelle nomenclature donna naissance au système connu jusque dans les années 1970 pour les petits numéros et dont plusieurs vestiges subsistent actuellement.

Avant 1912, seules les cartes de l’administration des Ponts et Chaussées indiquaient les numéros de routes pour préciser les travaux aux agents de la voirie. Même les cartes d’état-major des militaires ne les mentionnaient pas. Cependant, certaines de ces routes étaient équipées de bornes, avec indication du numéro de la route. En 1914, la France comptait 38 000 kilomètres de routes nationales et le parc automobile se montait à 107 000 véhicules (40 millions en 2018, dont 32,7 millions de voitures particulières). Sur une route nationale, en moyenne, trente voitures et six véhicules de marchandises passaient en une journée. Le besoin d’aide à la circulation était donc très réduit, même s’il concernait les classes les plus aisées.

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André et Édouard Michelin avaient inventé le pneu démontable avec chambre à air en 1895. D’abord pour les vélos, leur société équipait bientôt les nouveaux véhicules automobiles. Soucieux d’aider les automobilistes dans leurs déplacements, ils éditaient depuis 1900 un Guide rouge. André ayant travaillé dans la cartographie pendant son service militaire, ils eurent l’idée en 1903 d’éditer des cartes routières. Ils commencèrent bien sûr par celle de leur région, Clermont-Ferrand, en portant dessus les numéros des routes. Parallèlement, des articles de la revue La Vie automobile proposent des idées pour améliorer les indications routières. L’Administration ne réagissant pas beaucoup, André Michelin lance une pétition à l’occasion du Salon de l’aéronautique de 1912. Cette démarche rencontrant un grand succès, on lui attribua donc la paternité de la numérotation des routes, qui se traduira par les chapeaux de couleurs sur les bornes, avec le numéro de la route.

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En 1972, une réforme transfère aux départements de nombreuses routes (en fait, les derniers transferts, concernant les anciens départements de la Seine, ont eu lieu en 2005). Les départements ont renuméroté les routes qui leur étaient attribuées, bouleversant très rapidement le travail de près de deux siècles. Parallèlement, le développement des autoroutes, voies expresses et autres périphériques rendait obsolète la nomenclature en place. Une refonte a donc eu lieu en 1978, avec la recherche d’une cohérence du réseau routier et des numérotations. De nombreuses appellations changèrent alors de tracé et d’autres routes furent renumérotées en réempruntant des numéros laissés libres par la vague de déclassements.

Un dernier transfert aux départements entre 2006 et 2008 a eu lieu avec l’objectif de créer un réseau à vocation nationale et internationale. Ces changements de numérotations ont de quoi largement perturber l’automobiliste, qui finalement ne s’en sert plus beaucoup, dirigé maintenant par son système de guidage GPS.

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Terminons par la nouvelle numérotation européenne. Précisons d’une part que cette Europe des routes court du Portugal à l’Ukraine et que l’organisme responsable de cette numérotation est la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, sans aucun pouvoir d’action sur ce réseau. Sans tenir compte du type de route ou des interruptions par des montagnes ou des mers, elle numérote des itinéraires sur un maillage. Les numéros pairs s’appliquent aux routes ouest-est (les numéros augmentent du nord au sud) et les numéros impairs pour les routes nord-sud (les numéros augmentent d’ouest en est). Vous circulerez par exemple sur la E3 entre Cherbourg et La Rochelle, la E5 (de Greenock en Écosse à Algésiras en Espagne) entre Le Havre et Hendaye ou encore la E46 entre Cherbourg et Liège et la E50 entre Brest et Forbach, voire jusqu’à Makhatchkala (Russie).

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Qui dit routes, dit distances. En France, toutes les distances routières sont calculées depuis le point kilométrique zéro. Ce dernier se trouve sur le parvis de Notre-Dame de Paris, matérialisé par une rose des vents en bronze incrustée dans le pavage. Elle prend la suite d’une borne royale datant de 1786. Cependant, la fixation de ce point zéro date 22 avril 1769, par lettres patentes de Louis XV, antérieurement à la numérotation des routes.

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