Le fil d'ariane

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Le silence s’était installé dans la chambre d’hôpital, où seul le bip régulier des machines rythmait l’attente. Jules semblait dormir, paisible, après des jours passés dans un monde lointain, un coma qui avait maintenu tous ses proches dans un état de veille anxieuse. Emma demeurait à son chevet, spectatrice impuissante de cette lutte silencieuse, maintenant le lien avec le monde extérieur par la simple présence de sa main dans la sienne. Soudain, un gémissement s'échappa des lèvres entre-ouvertes de Jules. Ses paupières tremblaient, comme si elles luttaient pour laisser passer un rai de lumière dans le noir de son inconscience. Emma pencha la tête, un murmure d'espoir prêt à s'échapper de ses lèvres. Le moment tant attendu était-il enfin arrivé ? Les médecins avaient prévenu qu'il pouvait y avoir des réveils trompeurs, mais quelque chose en elle savait que cette fois, c'était différent. Son cœur battit plus fort lorsque les yeux de Jules s'ouvrirent enfin, affichant un regard voilé et confus. Il cligna des yeux plusieurs fois, cherchant peut-être à se familiariser avec la vision du plafond blanc et des tubes qui l'entouraient.

_ Charlie, articula-t-il faiblement.

Emma resta figée, interdite. Charlie ? Pourquoi diable évoquait-il Charlie, alors qu'elle, Emma, avait veillé sur lui sans relâche ? La confusion l'étreignit, laissant une place amère à l'incompréhension. Peut-être son esprit encore embrumé par le sommeil tout juste échappé des griffes du coma errait-il dans le labyrinthe de souvenirs récents ?

_ Est-ce que tu veux voir Charlie ? demanda-t-elle doucement, ses espoirs de retrouvailles s'effilochant. Jules la regarda, et Emma vit le brouillard dans ses yeux commencer à se dissiper. Il secoua la tête lentement, comme si le geste lui demandait un effort surhumain.

_ Non... Charlie... Il toussa légèrement, cherchant à rassembler ses forces. Le rêve... le nom... Dans mon rêve.

Emma inclina la tête, une lueur de compréhension allumant ses yeux.

_ Parle-moi de ton rêve, Jules, encouragea-t-elle, sa voix était douce, mais ses mains tremblaient d'anticipation. Elle savait que les mots qui allaient suivre pourraient détenir la clé de nombreuses énigmes.

•••

Charlie, devenue Marilyn sous les yeux médusés de l'audience, se libéra de son masque avec un frisson de théâtralité. Ses boucles blondes s'épanchèrent, baignées dans une douce lumière solaire. Dans une stupéfaction partagée, les questions fusèrent, muettes, chacun mesurant l'ampleur du stratagème et les mensonges tissés à travers des souvenirs fantasmés. Au milieu de cette assemblée, sous les éclats blafards d'un néon qui mourait à son tour, se tenait Soren. Ses parents adoptifs, figures emplies de bienveillance maladroite, se morfondaient en regret. Si seulement ils avaient su ce qu'ils auraient pu mieux faire, comment percer la carapace de ce fils si énigmatique. L'air semblait se charger d'une mélancolie lourde, le regret de n'avoir pas su lire entre les lignes d'une histoire trop complexe pour leur cœur simple. Sous les traits de Marilyn, Charlie révélait une histoire familiale jusqu’alors insoupçonnée. Dans l'ombre de cette révélation, les inspecteurs Sami et Elliott partageaient un regard contrasté, l'un plongé dans l'incompréhension, l'autre dans une admiration croissante. L'enquête, qu'ils croyaient simple chasse aux criminels, s'étoffait d'un volet inattendu. Reclus dans l'intimité de cette salle d'interrogatoire, Sami et Elliott cherchaient à démêler le récit fragmenté de Marilyn. Ses aveux, tels des morceaux épars d'un casse-tête, étaient à la fois obscurs et troublants. Ils ressentaient une perte immense, non seulement pour la victime, mais aussi pour l'innocence que l'univers cruel avait ravi à Marilyn, l'enfant perdue derrière la façade de Charlie Devant Soren, Marilyn s'arrêta et murmura des mots empreints de vulnérabilité et de bravoure : « Pardon grand frère ». Une onde de choc se propagea, les pièces du puzzle s'ajustant dans un silence ponctué uniquement par les souffles heurtés des présents. Amanda, plus qu'un accessoire dans la vie de Marilyn, représentait la voix cinglante d'une conscience tourmentée, reflet persistant d'une dualité que celle-ci cherchait à fuir. Leur complicité s'était construite sur une base instable, menacée par une vérité à même de briser leur fragile équilibre. Tandis que les non-dits familiaux éclataient, Emma, le cœur traversé de chagrins tus, consolait Jules ressuscité d'un coma similaire à une renaissance. Sa confession peignait une Marilyn inconnue, aux origines d'un chaos qui aurait pu lui coûter la vie. Cette vérité empoisonnait l'air, mêlant confidences et supercheries dans un récit aux multiples facettes. Soren, silhouette marquée par la déception, observait cette scène avec une distance empreinte de souffrance. Son esprit se remémore une Marilyn d'autrefois, sa sœur égarée dans les dédales de leur existence fracturée. Il pleurait le rêve d'un espoir perdu, celui d'une sœur non entièrement consumée par les ombres de leur lignée. Luca, amoureux ébranlé, ne reconnaissait plus celle qu'il chérissait, maintenant parée du voile de ses arcanes. Submergé par un sentiment de trahison, il remettait en cause la sincérité de son affection et la véracité de leurs moments partagés. La mission s'annonçait herculéenne : recomposer la mosaïque d'une généalogie complexe afin de saisir comment de telles tragédies avaient pu s'entrelacer. Le récit de Marilyn offrait un fil d’Ariane, invitation muette à entamer un périple vers la vérité enfouie dans le labyrinthe de son passé.

Point de vue Charlie/Marilyn

_ La famille, c'est toujours psychotique.

« On ne choisit pas son copain comme on va au centre commercial. Lucas, la vérité crue, c'est que mon désir naissait de sa convoitise. J'aurais souhaité pouvoir justifier, pouvoir te demander pardon.

Mais elle, elle te hantait, So', jusqu'à ce que tu m'oublies complètement. Et lorsqu'on a enfin retrouvé notre chemin l'un vers l'autre, ce n'était plus moi que tu voyais, mais son ombre. Parfaite, Hailey, avec son sourire radieux, sa gentillesse angélique – un modèle d'affection que je ne pouvais égaler, vous comprenez ? Et toi, Sam – tu as tressailli à l'évocation de ce surnom, je sais – c'est parce que, parmi tous, tu savais. Tu étais celui qui voyait clair dans mon jeu, autrefois comme aujourd’hui, et je t'ai haï pour ça. Pourquoi étais-tu le seul à me déchiffrer quand Luca, qui aurait dû être mien, n'avait d'yeux que pour elle ? Cette omniprésente Hailey...»

La jalousie transperce ces mots comme des aiguilles enflammées, chaque syllabe chargée du poids d'une haine silencieuse qui s'exprime désormais ouvertement, dévoilant la lutte intérieure de Marilyn.

Soren lit une page d'un journal qu'elle lui a apporter :

«Le clair de lune se faufilait à travers les interstices des constructions usées, étendant ses doigts argentés pour mettre en relief un tapis ancien, négligé dans la pénombre étouffante de la ruelle. L'air pesait de l'odeur métallique du sang, imbibant les fibres du tissu oublié. Là, écrasée sous le poids de l'abandon, gisait une forme féminine, poupée de chair et d'os, brisée par la violence d'un geste abrupt. Une balle, envoyée par la haine ou le hasard, avait élu domicile dans sa poitrine, laissant une plaie béante qui se moquait de la faible lueur céleste. Immobilisée par le choc, sa lutte acharnée pour la vie s'est apaisée, laissant place à un calme trompeur. Sa mélodie de vie s’estompait dans le silence de la nuit, sa descente vers l'obscurité se déroulant au rythme de son sang qui se mêlait aux ombres, dessinant une mare d'encre carmin.»

_ Belle écriture, fini par dire Emma, qu'on aurait presque oublié tellement elle se faisait petite.

_ Ce sont les mots de mon père, après qu'il ai tué ma mère.

Les paroles de soren jettent un vent glacial sur l'assemblée.

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