On passe à l’action

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La soirée et la nuit n’avaient pas été particulièrement remarquables. Emily avait insisté pour que nous dormions ensemble. Je dois reconnaitre que je n’avais pas de véritable raison de refuser. Cette petite ingénue avait quand même un sacré sex-appeal et je n’avais pas fait vœu de chasteté. Je me posais cependant la question de l’après…

Si tout se passait comme prévu, demain soir, Emily serait délivrée de son lien avec Pablo et moi j’aurais à honorer mon engagement pour trois soirées de poker professionnel. Je ne voyais pas comment je pourrais continuer à conserver cette fille à ma remorque en conservant le même mode de vie. Pour être honnête, je n’avais pas du tout envie de changer de vie. Hormis ce passage imprévu, j’étais très heureux avec mon job et surtout ma totale liberté. Il n’y avait pas de place pour une femme à plein temps dans ce schéma là.

J’avais commencé à aborder le sujet avec la jeune femme et je dois dire que sa réaction ne m’avait pas vraiment rassuré. Elle avait commencé par la moue boudeuse à laquelle je commençais à être habitué, puis je l’avais sentie au bord des larmes quand elle m’avait demandé ce qui ne me plaisait pas chez elle. Je n’avais pas eu d’autre choix que de temporiser.

Était-ce pour essayer de me convaincre ou juste pour me faire plaisir, le fait est qu’elle s’était surpassée au lit après m’avoir gratifié d’un numéro de lap danse particulièrement réussi.

Le lendemain matin, nous nous étions levés assez tard, n’ayant pas grand-chose à faire qu’attendre l’heure de la confrontation. J’avais eu une conversation avec Long John qui m’avait confirmé que la phase deux était sur la rampe de lancement, n’attendant plus que mon feu vert pour être engagée.

Vers midi, John et Jack frappèrent à la porte de la chambre. Jack portait une petite mallette dont il sortit les dispositifs de communication. C’étaient du matériel de haute technologie, particulièrement discret, insensible aux brouillages usuels et assurant une portée de plusieurs kilomètres en terrain dégagé. Nous fîmes quelques essais parfaitement concluants. John me tendit un Glock 17.

— C’est une arme intraçable, mais tes empreintes, elles, sont bien reconnaissables. Si tu dois t’en débarrasser, pense à bien le nettoyer ! Neuf millimètres Parabellum, chargeur dix coups, ça devrait être assez pour toi, mais normalement, tu n’auras pas à t’en servir. J’ai aussi prévu un étui pour le porter, c’est un peu encombrant pour la poche du jean.

— Je connais ce pistolet, je sais m’en servir, lui répondis-je en faisant monter une balle dans le canon.

Je retirai immédiatement le chargeur et éjectai la munition. Je remis la balle dans le magasin et rangeai le tout dans l’étui.

Comme la veille, j’emmenai Emily déjeuner en laissant la chambre et son contenu sous la garde des deux anciens militaires.

Une chose me tracassait un peu, mais je ne voyais pas vraiment de solution. Il allait me falloir laisser ma protégée seule le temps que nous allions être occupés à l’échange. Je ne voulais pas trop mouiller Boris dans cette affaire, mais je n’avais personne d’autre sur qui compter à Las Vegas. Mon agent habitait une jolie villa avec piscine, sur les hauteurs au sud de la ville. Je lui faisais gagner pas mal d’argent sans trop d’efforts, il ne fit aucune difficulté pour accueillir la jeune femme en fin de journée. Boris vivait généralement seul depuis que sa femme l’avait quitté, dix ans plus haut, ne supportant plus le climat du Nevada. Il avait un fils d’une trentaine d’année, pilote d’avion privé, qui passait parfois un peu de temps chez lui entre deux voyages, mais cela n’était pas un problème. Il fût convenu que nous déposerions Emily chez lui avant de nous rendre à Sloan.

Peu après dix-sept heures, nous quittions Henderson pour la carrière, par l’autoroute 215. Le rendez-vous avait été fixé à dix neuf heures et Long John venait juste de communiquer les coordonnées à Pablo. Il n’y avait pas de risque qu’ils y arrivent avant nous.

Comme la veille, il n’y avait que très peu de véhicules roulant vers l’ouest, l’essentiel du trafic se composant de militaires et d’employés de la carrière rentrant chez eux. John avait tout de même pris soin de salir suffisamment les plaques des deux voitures pour les rendre illisibles par d’éventuelles cameras de surveillance. Le SUV Ford fut parqué à l’emplacement repéré. Jack prit soin de vérifier qu’il n’était pas visible depuis la route principale, puis nous repartîmes tous les trois dans le pick-up.

Arrivés au niveau des baraques, John et Jack descendirent de voiture pour ajuster leurs angles de vision et leur lignes de tir avant de choisir l’emplacement le plus favorable pour garer le véhicule.

Jack commença par nous équiper avec les radios. Puis il sortit trois paires de jumelles qu’il nous distribua.

— Flynt, tu n’en auras probablement pas l’usage, laisse-les dans la voiture juste en sécurité.

D’une autre valise, il tira des grenades fumigènes qu’il répartit dans deux petits sacs. Il en prit un avec lui et me tendit l’autre.

— Tu sais t’en servir. La aussi, c’est juste une sécurité. Si John ouvre le feu, tu attends qu’il ait vidé son chargeur et tu fais un écran de fumée.

Je posai le sac sur le siège passager.

— Allez, on se met en place, dit John. Pas la peine de se laisser prendre au dépourvu s’ils se pointent avant l’heure.

Il prit la valise contenant son fusil de précision et un sac à dos contenant du matériel de camouflage. Les jumelles autour du cou, il commença à monter vers son poste de tir. Jack de son côté se munit des deux Uzi, du sac contenant les grenades et d’autres petites réjouissances et se dirigea vers la cabanon qui lui était assigné. Resté seul, je remontai dans la voiture. L’attente n’allait pas être très longue, il était déjà dix-huit heures. Le soleil commençait à baisser mais il tapait encore fort. Je lançai le moteur pour profiter de la climatisation.

J’entendis un petit claquement dans l’oreillette suivi de la voix de John.

— Je suis en position, j’ai une vue dégagée sur les accès. Pas de véhicule pour le moment.

— Bien reçu, répondit Jack. Je suis en place également.

— Merci les gars, nous voilà revenus quinze ans en arrière.

Le silence revint dans les écouteurs. Une fois en place, les soldats ne racontent pas leur vie. J’allumai la radio de la voiture. Je parcourus les fréquences à la recherche d’une station à mon goût. Country, Rap, variété… pas trop mon truc. Je finis par trouver une fréquence diffusant du Heavy Metal. Black Sabbath jouait « Paranoïd »*. Les riffs de Tony Iommi et la voix de Ozzy Osbourne remplirent l’habitacle.

Je sortis le Glock de son étui et tirai sur la culasse pour monter une balle dans la chambre puis je le posai sur le siège à côté de moi.

Je repensai à l’enchainement des événements qui m’amenaient là. Je n’avais aucun état d’âme avec le fait d’avoir escroqué un truand et monté un piège qui allait se refermer sur lui, s’il ne restait pas allongé dans la poussière sous les balles de John. À ce moment j’étais à nouveau un Seal, seul comptait le combat que nous avions décidé de mener. Tout ça pour les beaux yeux d’une blonde écervelée rencontrée dans une station-service. Je relativisai en me disant que les Athéniens avaient mené une guerre contre Troie pour une raison aussi futile.

La voix de John se fit entendre dans mon oreille. Je coupai la radio et le moteur de la voiture.

— Véhicules en approche. Deux véhicules, une berline et un SUV noir. Ils viennent de s’engager sur le chemin qui mène au canyon. Ils devraient déboucher dans deux ou trois minutes.

— Roger, répondit Jack.

— Bien reçu, confirmai-je.

Le moment était maintenant proche. Je sentis l’adrénaline se répandre en moi. Je retrouvai le stress du combat. La première voiture émergea lentement du défilé. C’était une Maybach, dérivée d’une Mercedes S. Une voiture de flambeur fortuné, pas vraiment adaptée au terrain. Le second véhicule était un SUV Cadillac noir, je l’avais déjà vu du côté de Yosemite.

Le conducteur resta au volant de la limousine pendant que le passager descendait. Deux hommes sortirent du SUV et vinrent se placer à ses côtés. Je ne doutais pas que l’homme au centre fût Pablo.

— Je suis verrouillé sur l’homme du milieu, annonça John.

L’homme qui se dirigeait lentement vers moi devait avoir moins de quarante ans, il avait l’allure d’un latino **, le teint hâlé et les cheveux longs retenus sur l’arrière de la tête. Même de ma position, à une centaine de mètres, je pouvais voir briller les bijoux en or à ses poignets et à son cou. Il était habillé de vêtements visiblement de marque, mais assortis sans aucune recherche. Ses deux sbires restèrent trois pas derrière lui, de toute évidence prêts à intervenir au moindre geste de leur patron.

À un vingtaine de mètres de moi, Pablo s’arrêta.

— Alors c’est toi qui m’a enlevé Emily ? Qu’est-ce que tu lui trouves à cette pute ? Tu as l’argent ?

Je lui montrai la voiture. Il fit un petit signe de la tête. Je sortis lentement les deux valises. Pablo claqua des doigts et l’un des hommes de main s’approcha pour les prendre. Je reculai de quelques pas.

— Il y a le compte ? demanda Pablo.

— Huit cent mille dollars, comme convenu.

— Oui, mais c’est un million que tu as détourné de mes comptes, non ?

Une musique se fit entendre dans ma tête. Comme dans un film de Sergio Leone. Un air d’harmonica ***.






* Paranoïd : l’un des plus grands succès du groupe britannique Black Sabbath

https://www.youtube.com/watch?v=hkXHsK4AQPs

** Latino : résident américain originaire d’un pays d’Amérique latine

*** L’homme à l’harmonica : thème le plus célèbre du film « Il était une fois dans l’Ouest »

https://www.youtube.com/watch?v=TYbllUDYIDo

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