Négociation

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La nuit commençait à tomber sur la ville. Sur l’autoroute 210, en contre-bas, les voitures avançant au pas formaient de longs rubans lumineux, sur lesquels se superposaient les gyrophares des véhicules d’urgences.

— Tu crois que ça va marcher ? me demanda Emily.

— J’espère bien. Je vais lui faire une proposition qu’il ne pourra pas refuser.

— Et s’il continue à me rechercher, quand il aura l’argent ?

— Ce serait une très mauvaise idée. Je peux devenir très dangereux quand on me provoque.

— Je ne peux pas m’empêcher d’avoir peur.

Emily vînt se serrer contre moi en me prenant le bras. Cette pauvre gamine se retrouvait au cœur d’une tractation financière, simple marchandise pour un trafiquant de chair humaine.

— Qu’est-ce que je deviendrai ensuite ?

Ça, c’était la question que je ne voulais pas entendre. J’avais accepté de jouer les bons samaritains, mais je n’éprouvais pas spécialement de sentiment pour elle. On avait passé quelques bons moments au lit tous les deux, mais je n’avais pas l’intention de m’attacher.

— Chaque chose en son temps, nous verrons cela le moment venu. Maintenant, c’est le temps du repas. Si tu nous servais un verre ?

— Si tu veux. Je peux te préparer un cocktail ? J’ai travaillé un peu comme barmaid.

— Non merci, plutôt un whisky, sans glace.

J’avais largement le temps de préparer le diner. Il y avait de la viande dans le frigo et un barbecue Weber à l’extérieur.

— Je vais faire griller des steaks, tu les aimes comment ?

— Plutôt saignants ! Tu veux que je prépare une salade ?

Il y avait des glaces dans le congélateur, pour conclure notre repas.

— J’aurai besoin de toi un peu plus tard, mais pour le moment, tu peux aller te reposer dans la chambre ou regarder la télé. Je viendrai te chercher vers deux heures et demie.

— Et toi, qu’est-ce que tu vas faire.

— Je vais me préparer.

Dix années dans l’armée m’avaient appris la patience. Les commandos n’agissaient pratiquement jamais dans l’urgence, mais au contraire après une longue préparation et bien souvent l’attente du moment le plus favorable pour agir. Comme un sportif avant une compétition, je me préparai à affronter Pablo Portega. Je n’agissais pas autrement avant une longue nuit à une table de jeu, face à un adversaire inconnu. À minuit, Long John m’envoya un court message :

# La cible bouge

# Tu peux le localiser ?

# Un club de Vegas

# Préviens-moi s’il se déplace à nouveau

# Roger *

À deux heures, je n’avais pas eu de nouvelles informations, Pablo devait passer du bon temps avec ses filles dans une de ses boîtes. Pour le moment, peu m’importait où. J’espérais juste le prendre au dépourvu.

Une demi-heure plus tard, j’allais chercher Emily. Elle était endormie sur le lit, la télé toujours allumée sur une chaîne de télé-réalité. Je la réveillai doucement.

— Va te rafraichir un peu, puis viens me rejoindre dans le salon.

Quelques minutes plus tard, elle était assise à côté de moi. À deux heures quarante-cinq, Long John appela mon mobile jetable.

— Je suis prêt.

— OK, nous aussi. Emily va appeler le numéro de Portera depuis l’Iridium, puis elle me le passera. Je lui exposerai les termes de l’échange. Je te donnerai le top dès qu’il sera en ligne. On reste en contact sur ce mobile.

Je m’équipai d’une oreillette Bluetooth avant de reposer le mobile sur la table. Je pris la main d’Emily. Elle était froide et tremblante.

— Tu te sens capable de le faire ? demandais-je.

— Oui, j’y arriverai.

— Tout à ce que tu as à dire, c’est que je veux lui parler et ensuite me passer le téléphone. Si ce n’est pas lui qui répond, tu dis qui tu es et tu insistes pour lui parler personnellement.

— Oui, oui, j’ai bien compris.

— Alors on y va.

Je composai le numéro sur le téléphone satellite avant de le tendre à Emily aux premières tonalités.

— Ça sonne, confirmai-je pour Long John.

Emily leva la main pour me faire signe.

— Allo, c’est Emmy. Il faut que je parle à Pablo.

Elle me fit un petit signe pour me faire comprendre qu’elle attendait.

— C’est parti, lançai-je à Long John.

— Pablo, c’est Emmy. Je suis avec quelqu’un qui voudrait te parler. Je te le passe.

— Pablo Portera. Qui me demande ? Tu es le type qui a embarqué ma gonzesse ?

— Vous pouvez m’appeler Flynt. Je me suis contenté de la prendre en auto-stop. Je ne pensais pas vous causer de tort.

— Et bien c’est raté. On t’a déjà retrouvé deux fois. Jamais deux sans trois.

— Peut-être que nous pourrions voir ça sous un autre angle, une sorte de transaction ?

— Tu me rends la fille ou je fous le feu à ta maison pour commencer.

— Soyez raisonnable, Pablo. Vous êtes un homme d’affaire. Toute chose à son prix. Je suis prêt à vous dédommager pour la perte de votre employée.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Disons que je vous propose une somme d’argent conséquente en échange de la liberté d’Emily.

— Qu’est-ce que tu lui trouves à cette fille ? Elle a de beaux nichons, mais ça te servira à quoi ? Tu veux me faire de la concurrence ?

— Vous avez vu le film Pretty Woman ? Vous savez, le riche homme d’affaire qui s’achète une prostituée. Qu’est-ce que vous avez à perdre ?

— Dis-moi combien ?

Dans l’oreillette, Long John se manifesta.

— C’est bon. J’ai terminé.

— Que diriez-vous de cinq cent mille dollars ?

— Tu te fous de ma gueule ? Cette fille ne vaut pas le centième de ça !

— Oh, et moi qui étais prêt à améliorer mon offre.

— Tu es malade ?

— Huit cent mille ? Dîtes-moi oui et on s’arrête là. Si vous êtes d’accord, mon comptable vous contactera demain pour régler les détails.

— Tu es complètement fou. Tu peux garder cette pute, mais si tu te moques de moi, ça te coûteras très cher, à toi et à elle aussi.

— Je savais qu’on pourrait s’entendre. À demain alors.

Je raccrochai sans attendre de politesse. Emily était complètement abasourdie. Je repris la ligne de John.

— Fin du premier round, est-ce que tu crois qu’il va se rendre compte du détournement rapidement ?

— Je n’en sais rien, répondit mon complice. Je ne pense pas que ce gars se connecte à sa banque tous les matins, mais s’il a un homme d’affaire qui le fait pour lui, il pourra le voir assez vite. Comme j’ai multiplié les petits montants sur des comptes différents, on a peut-être une chance.

— De toute façon, ça ne change rien. Maintenant, c’est moi qui ai l’avantage. Tu as engagé la deuxième phase ?

— Oui, j’ai tout préparé. Je suis prêt à faire feu dès que tu me donneras le signal.

— Parfait, on va dormir un peu et on se reparle demain matin à neuf heures.

Je regardai Emily, toujours immobile sur le canapé.

— Huit cent mille dollars ? Tu es sérieux ? Pablo ne vas apprécier que tu te moques de lui. Il peut être très dangereux.

— Moi aussi je peux être très dangereux. Et j’ai un gros avantage, je sais où il est. En attendant, viens, on va boire un verre.

J’apportai deux verres de whisky au salon. Emily vint se lover contre moi. Avec la télécommande, je lançai une playlist en mode aléatoire. « Sex bomb, you’re my sex bomb ! » **chantait Tom Jones.





* Roger : Bien compris en communication militaire

** Sex Bomb : chanson de Tom Jones

https://www.youtube.com/watch?v=QMoXON7k--c

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