Changement de programme

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Avaient-ils pu remarquer le changement de véhicule ? J’avais des doutes, je n’avais vu personne sur le parking de l’aéroport, ni à proximité de magasin de fringues. Comment avaient-ils pu nous tracer aussi rapidement ? Je ne voyais qu’une explication.

— Tu as un portable ? demandais-je à Emily.

— Oui, mais je n’ai plus de forfait, c’est pour ça que j’ai utilisé le téléphone de la chambre hier.

J’aurais du m’en douter. Une nana de son âge ne peut pas se séparer de son mobile, de Facebook, Snapchat et toutes ces merdes.

— Donne le moi !

— Pourquoi ?

— La fonction de localisation doit être activée.

Elle se trémoussa sur le siège pour sortir un vieil iPhone de la poche arrière de son jean et elle me le tendit. J’hésitai un moment à le balancer par la portière, mais ce n’était pas assez discret. J’optais pour une autre stratégie. En roulant à faible vitesse, j’ai parcouru quelques centaines de mètres avant de m’arrêter dans un endroit calme, à proximité du bureau de poste. Je misais sur le fait qu’ils ne tenteraient rien dans un endroit rempli de passants, en plein jour. Je me dirigeai vers l’établissement au moment où un préposé en sortait pour débuter sa tournée. Sa camionnette USPS * était garée devant la porte. Le facteur portait une grosse caisse en plastique, pleine de courrier. Sans qu’il le remarque, je glissai le téléphone dans la caisse. La ficelle était un peu grosse, et n’abuserait pas longtemps nos suiveurs, mais ça nous donnerait peut-être le temps de disparaître.

J’attendis un petit moment, le temps que le van blanc s’éloigne. Quelques secondes plus tard, le SUV s’engageait dans la rue à sa suite.

Je ne savais pas s’ils avaient identifié la Camry, mais je ne voulais pas courir de risque. Je repris le chemin de l’aéroport.

— Qu’est-ce que tu as fait de mon téléphone ?

— Je les ai envoyés sur une fausse piste.

— Comment je vais faire maintenant ?

— Tu n’en as pas besoin en ce moment, et de toute façon, tu n’avais plus de crédit !

— Où on va ?

— On retourne chercher la Mustang. Tu as dit à Nina où tu avais prévu d’aller ?

— Je lui ai parlé de San Francisco.

— Alors changement de programme, on repart vers le sud, direction Fresno.

— Tu ne veux plus aller à San Francisco ?

— Si ceux qui nous suivent ont des amis là-bas, je n’ai pas envie de leur faciliter la tâche. Je préfère jouer sur mon terrain, à LA **.

Je n’ai rien contre les caisses japonaises en général, mais j’étais bien content de retrouver la Mustang. L’employé de chez Hertz avait été surpris de me voir revenir aussi vite, avec seulement quinze kilomètres au compteur, mais j’ai payé le forfait pour une journée et il n’a pas cherché à en savoir plus.

Sirius diffusait « La Grange »*** de ZZ Top au moment où nous avons quitté la ville sur la route 99.

Il n’était pas encore midi quand nous sommes arrivés à Fresno. Je n’avais pas vraiment d’idée préconçue sur la route à suivre. Je savais la route via Visalia et Bakersfield plutôt déprimante, entre orangeraies à l’infini et champs de pétrole. Je décidai de rejoindre la côte par San Luis Obispo. Privé de Napa Valley, j’envisageais de compenser par un passage par les vignobles de Solvang. Je m’étais arrêté à plusieurs reprises depuis Modesto pour m’assurer que nous n’étions pas suivis. Je me sentais donc en confiance.

Emily commençait à s’agiter sur le siège à côté de moi.

— J’en ai assez de toute cette route. Je m’ennuie, je n’ai même plus mon iPhone.

Je vous l’avais dit qu’elle était accro aux réseaux sociaux. Hier, elle était trop stressée pour y penser, mais aujourd’hui, elle avait oublié le danger.

  • Je t’en trouverai un autre quand nous serons à Los Angeles.

— Tu ne veux pas t’arrêter dans un coin discret, j’ai envie d’un câlin.

Il ne manquait plus que ça ! Hier, dans le désert, ça pouvait encore passer, mais de ce côté de la Sierra Nevada, ce n’était plus le même topo.

— Ecoute, tu es mignonne, mais il va falloir penser à autre chose qu’au sexe.

— Tu ne m’aimes plus ?

— Ce n’est pas la question, je te rappelle que tes « amis » nous, ou plutôt te, recherchent et ça c’est ce qui occupe l’essentiel de mes pensées.

— Tu ne vas les laisser me reprendre, hein ?

— Non, je t’ai déjà dit que ce n’était pas mon genre, mais j’aimerais mieux ne pas avoir à les affronter en face.

— Tu as peur d’eux ?

— Non, je suis quand même un ancien commando, alors ce n’est pas deux sicaires qui vont me faire trembler, mais j’aimerais mieux éviter d’en arriver là.

— Tu dormiras encore avec moi ce soir, alors ?

— Je ne sais pas encore où on va dormir ce soir.

La radio se mit à jouer « Still Loving You »****. Emily posa la main sur mon sexe, et commença à le masser au travers de mon pantalon.

* USPS : service postal des Etats-Unis

** LA : Los Angeles

*** La Grange : morceau mythique du groupe américain ZZ Top
https://www.youtube.com/watch?v=rG6b8gjMEkw

**** Still Loving You : titre du groupe allemand Scorpion

https://www.youtube.com/watch?v=CjRas1yOWvo

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