Cours, Lili, cours.

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Le souffle court, haletante, une main crispée sur un genou, la seconde retenant un corps tremblant à distance du mur. Y a-t-il meilleur tableau en ce monde ? Je ne pense pas et tu en ferais de même si tu étais à ma place, Lili.

Tu crois que tu as de l'avance, que tu peux te permettre un peu de repos dans l'obscurité de la nuit ? Ne sois pas idiote, ma jolie, la nuit appartient aux monstres et les monstres ne laissent aucun repos aux vivants. Tu peux courir à en crever, t'exploser les poumons à ne plus savoir respirer et fuir à l'autre bout du monde. Tu le peux, oui, mais tout ceci est inutile, Lili. Je serai toujours là, au coin de ton champ de vision, tapie dans l'ombre de ton déni à attendre que tu me reconnaisses enfin. Ne fuis plus, lève tes yeux sombres et regarde-moi. Ne comprends-tu pas ? Peu importe où tu iras, j'irai avec toi.


Tu prends peur pourtant, fronçant les sourcils, serrant les dents, et tu t'écartes du mur pour reprendre ta course inutile. Peu importe où tu vas, je suis toujours derrière toi, souriante. Combien de couloirs sombres et effrayants as-tu empruntés en pensant pouvoir me semer ? Je suis toujours là, toujours. Au même endroit que toi.


Tu peux penser de moi tout le mal que tu veux, ma jolie fleur, ça ne me dérange pas. Tu sais pourquoi ? Parce que tu es la seule responsable de cette situation et tant que tu ne l'admettras pas, tu ne connaîtras que la peur et la fuite dès que sonne minuit. Ne sois pas idiote, Lili, tout ceci pourrait se terminer si vite… Pourquoi ne pas l'admettre ? Stoppe tes pas, retourne-toi et ouvre tes bras. Laisse-moi me loger en ton sein, t'offrir ma chaleur, ma puissance. Sans moi, tu n'es qu'une biche apeurée, plus innocente et vulnérable qu'un lapin. Ensemble, nous deviendrions si grande… Notre beauté éclabousserait la ville, le monde entier tomberait à nos genoux. Tu n'aurais plus ni peur ni soucis. Il n'y aurait que toi et moi, main dans la main, parcourant la Terre en écrasant tout obstacle qui se dresserait sur notre chemin.


« Plutôt crever, débile. »


Oh… mais ça, ma chérie, ça peut s'arranger. Continue de fuir, petite idiote, et je recueillerai de mes mains ton dernier souffle de vie. Je le peux et tu l'as compris depuis longtemps. C'est vers ta mort que tu te presses à grands pas, tu sais ? Je suis la seule à pouvoir te sauver. Je peux te donner une vraie vie, la seule qui mérite vraiment d'être vécue.

Pourtant, tu continues de courir, trébuchant, sautant par dessus les obstacles. Ta folie n'a d'égale que ton idiotie, Lili. Ton sang bouillonne de peur mais ce n'est pas de moi que tu devrais être effrayée. Cesse donc de courir !


Regarde comme ton corps est parfait, baigné de lune, tandis que tu t'étales de tout ton long sur les carreaux froids. Regarde comme ton sang est noir, suintant de ta blessure, épais, putride. Tu n'es pas humaine, Lili, tu ne l'as jamais été. Comprends-le. Admets-le. Tu as toujours été coupable, la seule et unique coupable. Pourquoi tu continues de le nier ? C'est toi qui l'as tué, ma jolie. Toi et toi seule. Ton propre frère, que c'est triste… Il était un obstacle, tu comprends, n'est-ce pas ? Il t'empêchait de grandir, d'embrasser le monde comme il se doit. Il devait mourir.


« Non… »


Si. Regarde-moi, Lili. Je suis ce que tu as fait de moi. Pourquoi tu as peur ? Quel mal ai-je fait que tu n'as pas fait également ? Ton nom ne marche pas sans le mien ! Accepte-moi, meurtrière, car il n'y a aucun retour en arrière. Ton frère est mort et tu l'as tué. Point. Que te faut-il de plus ? Cesse ton idiotie et rends-toi à l'évidence : je suis toi, Lili. Pur reflet de ta monstruosité, illusion de ta propre folie. Tu ne peux pas me fuir. Tant que tu vivras, je vivrai. Tant que tu nieras, je te poursuivrai. Ta peur sera éternelle, broyant ton cœur, t'étouffant de jour comme de nuit.

Il n'y a qu'un remède, Lili. Tu le sais comme moi, tu le veux tout autant que moi. Allez, ma jolie, entrelace tes doigts aux miens, laisse ta culpabilité s'échapper. Quand nous ne ferons plus qu'un, la paix s'emparera de toi, tu seras libre de tout. Il n'y a plus à attendre. Accepte-moi, redonne à ton corps l'ombre dont il a besoin. Nous marcherons dans la lumière du monde, nous dominerons la nuit de notre folie.

Non, n'aie plus aucune crainte. Ne tremble pas d'effroi, ce n'est pas le sourire d'un monstre. C'est le tien. Celui qui te sauvera de cet endroit malsain, qui écartera les mauvais traitements que l'on t'inflige. Il n'y a plus à hésiter, petite fleur. Tends-moi la main.


« Lili ? Que fais-tu en dehors de ta chambre ? »


Quel mauvais timing. Bien, on n'a pas vraiment le choix. Tue-le. Ne fais pas ces yeux choqués, il est un obstacle. Ne fait-il pas partie de tes tortionnaires ? Sa blouse blanche se cache dans tes cauchemars, n'est-ce pas ? Alors il n'y a plus à attendre. Lève-toi, accepte-moi et libère-toi.

Oui, c'est cela, Lili. C'est ce sourire. Celui du monstre que nous sommes.


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