1,3,7-triméthylxanthine (Alexis)

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Émerger de mon sommeil avait été aussi difficile que de m’endormir. Voire pire. Je m’étais réveillé avec la bouche pâteuse, les yeux secs et injectés de sang, et le cerveau aussi lourd que du plomb, comme si j’avais pris une monstre cuite cette nuit. Pour couronner le tout, une douleur me lancinait au niveau des cervicales, et même craquer ma nuque ne suffisait pas à me soulager. Bordel… C’était toujours un plaisir de constater que si un jour un vampire et un zombie, inexorablement attirés l’un par l’autre, défiaient toutes lois universelles pour donner vie à une nouvelle espèce, je serais sans doute ce qui ressemblerait le plus à leur union improbable.

Enfin. Créature imaginaire ou pas, le « zompire » avait franchement besoin d’une douche, d’un café et d’une clope, pour passer du stade de mort-vivant à juste vivant, et ainsi affronter le commun des mortels.

Au moins, mon reflet se dessinait toujours aussi distinctement à travers le miroir de la salle de bain, malgré les traits de mon visage brouillés par la fatigue. La glace renvoyait l’image claire et nette d’un mec avec des cernes aussi grandes que sombres, un teint pâle, presque livide, des rougeurs dans les yeux et du violet dans les cheveux. Mouais… Restait plus qu’à espérer que l’eau chaude et la caféine puissent y remédier et arranger tout ça, étant donné que mes rares heures de sommeil n’avaient aucun impact miraculeux. Ironiquement, j’avais quand même toujours meilleure mine qu’à l’intérieur.

Quant à mes cheveux…

J’attrapai une de mes boucles entre le pouce et l’index et louchai dessus, le front plissé : il était peut-être temps de changer de couleur, non ? Comme simple réponse, ma langue claqua bruyamment contre mon palais. J’étais resté dans les mêmes nuances violacées, sans oser dévier sur d’autres coloris, depuis le jour où Tom avait balancé cette bombe, en m’annonçant qu’il allait être exilé à l’autre bout de la planète.

Je me souvenais encore de sa réaction. De ses mots, ses gestes. De ses doigts enroulés autour d’une de mes mèches encore humides, m’affirmant de sa voix légère, presque timide, qu’il aimait bien ce violet, que ça m’allait bien, alors que j’en avais partout sur le cou, la nuque et les oreilles. Puis, il avait rajouté sur le ton de la provocation que j’avais fait ça n’importe comment, parce que j’en avais même sur la joue. Je me rappelais qu’il avait dit ces dernières paroles en m’effleurant la peau à cet endroit, juste avant de glisser son pouce jusqu’à ma lèvre inférieure, pour jouer lascivement avec l’anneau de mon piercing.

Je n’avais rien oublié de tout ce qui s’était passé par la suite... Ma langue sur son doigt, l’atmosphère s’électrifiant, cette délicieuse onde de choc se répercutant dans tout mon système nerveux…

Rien que d’y repenser, je sentis des spasmes envahir mon bas-ventre.

Et merde

J’agrippai fermement le lavabo, serrant les doigts comme si j’allais m’effondrer sur le carrelage froid d’un instant à l’autre. La mâchoire crispée, j’inspirai et expirai plusieurs fois par nez. Je relevai le regard, face à moi-même, cherchant à garder le contrôle à tout prix. Mes idées n’étaient pas très claires et mon manque de sommeil me rendait fou. Alors, une fois les paupières closes, je me demandai si…

Tom. Est-ce qu’il apparaîtrait sous mes yeux si je prononçais son nom à haute voix, plusieurs fois à la suite devant le miroir ? Comme une incantation ou ces stupides histoires de fantômes. Est-ce qu’à la place de mes mains sur mon corps nu, ce serait les siennes qui me caresseraient avidement la peau ? Est-ce qu’en passant lentement de mes pectoraux au creux de mes reins, il laisserait derrière son passage une nuée de frissons ? Est-ce qu’il s’emparerait de moi aussi délicatement que possible, avant de m’extirper des râles de plaisir incontrôlables ? Est-ce que… ça serait toujours aussi bon si c’était lui qui me faisait jouir ?

Non…

Non, non, non.

Non, putain ! Reprends-toi, bordel !

Pourquoi est-ce que je m’imaginais ce genre de choses maintenant ?! Cette nuit encore, j’avais brûlé tous ses portraits en chialant comme une merde, et ce matin, je me retrouvais à m’inventer un scénario torride avec lui en train de me… bref.

Une douche.

Un café.

Une clope.

Le tout sans penser à Tom.

C’était aussi simple que ça.

***

Cher Alexis,

Si tu lis ces quelques lignes c’est que… je suis parti…
Au travail, évidemment. Je crois pas que Dieu soit tout à fait prêt à m’accueillir au paradis, faut qu’Il puisse se préparer mentalement avant.

Bref, oublie pas : je t’attends à 10h00 au salon, sinon… *quick*

Des bisous :)
Ton oncle Owen qui t’aime fort.

P.S : Y a plus de café…

P.S 2 : Si t’avais pas fait ta feignasse, t’aurais pu avoir la dernière tasse.

J’aurais juré entendre un rire démoniaque résonner dans mes oreilles, s’il n’y avait pas eu le bruit d’un papier qu’on froissait sans pitié, puis celui de la poubelle qu’on ouvrait et refermait brusquement, et enfin un cri de détresse qui cachait des envies meurtrières. Là, maintenant, tout de suite, je crevais d’envie de retrouver Owen pour l’étrangler de mes propres mains, même si mes doigts, bien que longs et fins, ne feraient jamais le tour de son cou de taureau !

— Rassure-moi, tu vas quand même pas hurler comme ça tous les matins ?

— J’le ferais pas si y avait encore du café !

Je me retournai et aperçus Olivia, la copine d’Owen, aussi rayonnante que je ne le serai jamais, même si j’avais trois litres de caféine dans le sang. Elle se débattit quelques instants avec ses longs cheveux ébène pour les attacher en une queue de cheval stricte, qui ne lui en donnait toutefois pas l’aspect. Sans doute qu’elle s’apprêtait à partir au travail.

Elle me regarda d’un air amusé, avant de lever ses yeux en amande au ciel.

— Décidément… Tous les mêmes dans cette famille. Allez viens, je t’emmène au meilleur café du coin ! T’as encore un peu de temps et c’est pas très loin d’où travaille Owen.

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