POUSSABOUT (LA FIN !)...

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Évidemment, cette dernière n'en su rien. Elle avait jeté un sort sur ce prof, elle pensait que ça avait marché, mais elle n'avait aucun renseignement.

Au bout de quatre jours, elle envoya un mail aux élèves qui l'avaient contactée. Ils répondirent que le prof en question n'était plus dans l'école, mais qu'il était remplacé par un encore pire. Que s'ils avaient su, ils n'auraient rien demandé. Que si Poussabout voulait agir de nouveau, ils étaient d'accord. Que ça serait un travail d'Hercule, que de débarrasser la planète de tous les profs de math qui l'encombrait, mais qu'elle pouvait essayer, si elle en avait le courage, et le pouvoir, ce dont ils doutaient. Les mécréants !

Elle se souvint de l'autre mail. L'enfant en butte aux quolibets de sa voisine d'escalier. Elle avait la photo sous les yeux, une affreuse mégère ressemblant à une sorcière de conte de fée, celle qui jette des sorts aux héros qui sont obligés de ramer jusqu'à la fin de l'histoire pour s'en sortir. Pas comme Poussabout qui ne fait que le bien autour d'elle en punissant les méchants. D'ailleurs Poussabout n'est pas une sorcière. C'est une gentille fée comme vous l'avez sûrement remarqué. Ses intentions sont toujours respectables. Ses actions sont toujours positives. Que faire ? La précipiter dans l'escalier qu'elle pollue par ses remarques désobligeantes ? Lui faire avaler sa langue de vipère ? Ça, c'est une chouette d'idée ! On doit toujours être puni par où on a pêché. C'est un principe moral, enfin, dans la morale de Poussabout. Mais comment lui faire avaler sa langue ? Ah ! Si Amélie avait suivi plus attentivement ses cours de sciences ! Trop tard ! Poussabout se souvint qu'elle avait dans un coin de sa bibliothèque un livre sur les maladies, que lui avait donné sa mère, inquiète, comme toutes les mères, pour qu'elle sache quand la visite d'un médecin était indispensable. Il faut dire qu'Amélie avait tendance à négliger sa santé. A part son problème de poids, elle ne s'inquiétait ni d'un rhume, ni d'une gastro, pensant que ça passerait tout seul. Ce qui était presque toujours le cas. Sa jeunesse lui servant de défense immunitaire. Elle parcourut le bouquin à la recherche d'une maladie qui avait pour particularité de faire avaler sa langue. Elle y passa la nuit mais ne trouva rien qui puisse lui servir. Elle eut la tentation de tricher. De faire étouffer l'horrible voisine avec une tranche de saucisson. Trop commun ! Pas assez sophistiqué ! La noyer dans sa baignoire, pour qu'elle étouffe en buvant de l'eau savonneuse ? Pas bon non plus ! Euréka ! Poussabout tenait son idée. Demain, la sorcière irait acheter des huîtres, en les ouvrant elle laisserait des éclats de coquille qui lui couperaient la langue quand elle les dégusterait.

Elle saignait tellement qu'elle dût s'enfoncer un mouchoir dans la bouche en attendant le SAMU. Hélas pour elle, et tant mieux pour l'enfant victime, le sang fit gonfler le mouchoir de telle façon qu'elle ne put le retirer. Quand les secours arrivèrent c'était trop tard. Elle avait rendu son dernier soupir. "Elle s'est étouffée avec son sang." Constata le médecin. Et de six !

Poussabout était contente, ça roulait. Mais son ambition était autre. Elle devait chasser de la terre tous, je dis bien tous, les nuisibles. Et pas un par un, non, tous d'un coup ! Elle serait la déesse vengeresse des enfants incompris. Malheur à ceux qui oseraient avoir ne serait-ce qu'un mouvement d'humeur envers ces gentils petits sans défense. Pour aller plus vite, il lui fallait lister tous les coupables, tous ceux qui risquaient de le devenir. Elle consulta son site, il était plein comme un œuf.

L'ordinateur affichait : "plus de place en mémoire."

En moins d'une semaine les plaintes étaient tellement nombreuses qu'elle devait changer de tactique, et faire les choses en grand.

L'organisation n'était pas son fort. A son travail elle prenait souvent du retard. Chez elle le désordre régnait. Elle égarait ses affaires. Les semait n'importe où. Laissait son porte-monnaie sur la table des cafés. Oubliait ses gants dans l'autobus. Perdait régulièrement ses écharpes. Une fois elle s'était trouvée fermé dehors, et avait dû appeler en urgence un serrurier. Alors comment faire pour arriver à ses fins ? Elle ne pouvait pas se concentrer d'un seul coup sur tous les hors la loi. Une loi telle que l'entendait Poussabout. Une loi qui punissait sans jugement, sans que les coupables ne puissent dire pourquoi ils étaient aussi méchants. Ni promettre de mieux se tenir à l'avenir.

Elle en était là dans ses pensées quand elle décida de se décontracter. De prendre un repos bien mérité. Les victimes pourraient attendre quelques heures de plus. Après tout, elles seraient vengées toutes à la fois. Piquer une tête dans l'eau de la piscine municipale la tentait. Elle chercha sa carte d'abonnement. Miracle ! Elle ne l'avait pas égaré. Elle y vit un signe du destin, mais ne comprit pas le message. Elle crût que c'était pour son bien être. Elle eut tort.

Tout se passa très vite. Elle se déshabilla, se doucha, enfila son maillot de bain, son bonnet, ses lunettes de plongée, mais pas ses sandales antidérapantes. Elle les avait oubliés chez elle. Ce qui devait arriver arriva. Elle glissa sur le carrelage humide en voulant éviter une fillette qui courrait. Sa tête heurta l'angle du bassin. Elle se réveilla dans une chambre d'hôpital. Un énorme bandage autour du crâne. Le docteur lui dit qu'elle avait eu de la chance. Mais qu'elle avait encore un petit caillot de sang à la base de cerveau. Il pensait qu'elle n'avait rien de très grave. Peut-être quelques troubles de concentration, mais bénins. Elle le remercia et s'endormie. Ce n'est que trente six heures plus tard qu'elle s'aperçut de l'étendu des dégâts.  Dans la chambre d'à côté, un petit enfant pleurait. Sa mère n'était pas arrivée, l'infirmière essayait, en vain, de le consoler. Une autre entra dans la salle : "Je te cherche partout. Qu'est-ce que tu fiche ? Y a le cinq qui attend sa piqûre." – "Ben, le pauvre petit, sa mère n'est pas encore arrivée, je lui tiens compagnie." – "On a pas que ça à faire. Allez, viens, ça le tuera pas de pleurer." Le sang d'Amélie ne fit qu'un tour. "A toi Poussabout !" Pensa-t-elle. "Que cette infirmière indigne subisse le sort de tous les infâmes qui maltraitent les enfants sans défense."

Elle attendit. Cinq minutes. Dix minutes. Une demi-heure. Une heure. RIEN ! L'infirmière allait et venait sans aucune gêne apparente. Elle ne s'était pas piquée avec une seringue. Elle n'avait pas glissé dans le couloir. Elle ne s'était pas électrocutée en branchant un appareil électrique. RIEN ! Poussabout se concentra. Mais non, elle n'y arrivait pas. Elle essaya encore. Pas mieux ! "Ma tête ! J'ai perdu mon pouvoir !" Amélie dût se rendre à l'évidence, comme le prof qui avait aplati sa bosse des maths en tombant sur la tête, elle n'était plus Poussabout depuis qu'elle avait glissé sur le bord de la piscine. La semaine suivante, elle reprit son travail. Un midi, en mangeant son sandwich, elle eut un moment de tristesse quand elle assista, impuissante, à la correction que reçu, devant ses yeux, un gamin qui avait tiré la langue à une vieille dame acariâtre.

"C'est pas juste." Pensa Amélie. "Mais qu'y puis-je !"

De ce jour, on entendit plus parler de Poussabout.

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