Palm Springs Vacation

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Coyote Canyon Court, La Quinta

Palm Springs est une aberration écologique. Une oasis créée au milieu du désert, pour permettre aux Californiens aisés de jouer au golf en toutes saisons. La propriété de Sheila, l’amie de Lucy, est construite au milieu d'un dix-huit trous à La Quinta. Coincé entre la montagne et le désert, le site n’existe que grâce à une irrigation continue. Les autorités peuvent toujours clamer que les greens sont arrosés avec de l’eau recyclée, j’ai du mal à accepter un tel gaspillage d’une ressource aussi rare dans la région. La propriété elle-même est exceptionnelle, la villa compte plus de quinze pièces, chaque chambre ayant sa propre salle de bains avec baignoire spa et douche hydrothérapique. La piscine satisferait aux besoins d’une ville moyenne et le court de tennis privé ferait le bonheur de beaucoup de petits clubs. Le mari de Sheila gagne des fortunes dans l'immobilier à Beverly Hills. Nous sommes installés depuis deux jours et je commence déjà à trouver le temps long.

La route depuis San Diego nous a fait passer au pied du Mont Palomar. Lucy a accepté de faire un arrêt à l’observatoire. Saka avait raison, la vue est exceptionnelle. Nous sommes arrivés à La Quinta en début d’après-midi. Lupita, la gouvernante mexicaine de Sheila nous attendait pour nous faire les honneurs de la propriété. Nous avons déposé nos maigres bagages dans une chambre aussi grande que mon appartement. Une heure plus tard, après avoir fait profité du repas préparé par la cuisinière, nous étions dans la piscine. Lucy a parcouru les alentours du regard et décrété que nous n’avions pas besoin de maillots. Je vous laisse imaginer la suite, Lucy a un gros appétit. Quand le soleil a décliné derrière le mont San Jacinto, j’étais vidé. J’ai avisé le bar à proximité du pool house. Il était aussi bien approvisionné que celui de Jerry au Club. Lucy et moi avons donné une sévère claque à la bouteille de Maker’s Mark. Avant d’aller diner, j’ai appelé Mary.

« Salut Mike, comment ça se passe dans le désert ?

— J’ai connu de pires endroits, ai-je été obligé de reconnaître, mais je n’ai pas l’intention de passer le reste de ma vie ici. Quoi de neuf de ton côté ?

— Leonardo est vraiment un type tordu. Il souffle le chaud et le froid. Il nous a laissé croire qu’il n’en avait rien à foutre de toi, d’un minable pianiste noir, puis il a ajouté qu’il allait de pourrir la vie jusqu’au bout.

— Comment allons-nous en sortir ? Je ne veux pas renoncer à tout ce que j’ai construit jusqu’à présent.

— Ce type n’est pas rationnel, on ne peut pas se fier à lui.

— Ecoute, je sais que tu n’es pas d’accord avec cette option, mais s’il faut lui rendre son fric, je suis prêt à le faire. Je n’ai pas besoin de cet argent pour vivre. Après tout, ce n’est qu’un bonus de jeu !

— Je veux bien essayer de négocier sur cette base, mais je ne le sens pas. Rien ne nous dit qu’il ne continuera pas à te causer des ennuis ensuite.

— J’en ai parlé avec Lucy, je ne veux pas repartir de zéro, je ne veux pas laisser tomber le groupe.

— Ok, ok ! on va lui transmettre ça. Je te dirai ce qu’il en est dans un ou deux jours. »

J’attends l’appel de Mary. Je suis prêt à rendre l’argent et même plus pour pouvoir reprendre ma vie. Hier, Lucy m’a emmené faire le circuit de Joshua Tree Park. Dans sa vénérable Mustang Mach 1 de 1969, nous avons joué les touristes. En fin de journée, nous sommes même montés au sommet du téléphérique. Si au moins je jouais au golf, mais non, je n’ai jamais compris l’intérêt de taper dans une petite balle avec un bâton après avoir déboursé cent dollars, sous un soleil de plomb.

L’appel de Mary arrive en fin de journée. Nous sommes installés sur des transats près de la piscine, un verre à la main. J’ai les seins de Lucy sous les yeux, mais je commence à me lasser de ces journées. J’ai besoin de l’ambiance des clubs, des copains musiciens, du public. Lucy se redresse en entendant la sonnerie du portable. Je réponds en mettant le haut-parleur.

« Alors ? demandé-je sans prendre le temps pour les politesses.

— On progresse, réponds Mary. Je crois qu’il n’est pas complètement fermé à la négociation, mais je crains qu’il ne demande plus.

— Plus de quoi ?

— Je ne sais pas encore, je t’ai dit dès le début que c’est une question d’honneur !

— Il m’a déjà pourri la vie pendant presque deux semaines, que veut-il de plus. Je lui rends les trente mille dollars et on est quittes. C’est honnête.

— Pour toi, oui. Pour lui, c’est différent, il considère que ce serait de la faiblesse de te laisser t’en tirer comme ça.

— C’est quoi son problème ? Le respect de la Famille ? Il veut que je lui lèche le cul ?

— Ne t’énerve pas comme ça ! On va continuer à discuter et chercher un terrain d’entente. Nous avons trouvé quelques éléments de négociation et s’il n’est pas réceptif, on essaiera de parler à Angelo.

— Angelo ?

— Son père. Je ne crois pas qu’il apprécie tant que ça les manières de son fiston. Il cherche avant tout à passer sous les radars et préserver une image de businessman clean. »

Nous terminons la conversation avec quelques banalités, Mary se veut rassurante, mais je ne partage pas sa confiance. Lucy a tout entendu, elle m’encourage et m’incite à suivre l’avis de Saka.

« Tu ne peux pas gagner contre la Pieuvre, me dit-elle. Il faut accepter de négocier. Tant que ce n’est que de l’argent, c’est un moindre mal.

— Si ce type est aussi barjo qu’elle le dit, qu’est-ce que j’ai comme garantie qu’il me laissera tranquille après ?

— Cet Angelo semble avoir de l’influence. Il peut sans doute sécuriser le deal.

— Espérons-le, je n’ai pas trop d’autre choix si je comprends bien. »

Lucy se sert un autre verre et le dépose sur le bord de la piscine avant de se jeter à l’eau. Je regarde son corps de panthère noire qui passe sous mes yeux. Elle exagère le balancement de ses hanches.

« Viens me rejoindre, on repensera à tout ça demain ! »

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