Repérages

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Long Beach Harbour & Irvine, Californie

Nash reprit le chemin parcouru la vieille pour rejoindre le bar où l’attendait Sam Feelgood. Il y avait un peu moins de bécanes devant la porte, juste quatre ou cinq. L’Indien se demanda s’il n’était pas trop tôt pour trouver Sam. Le barman lui accorda à peine un regard et lui désigna la porte du fond d’un mouvement du menton. Sam était bien présent, en pleine discussion avec un homme qui n’avait pas vraiment le style de l’établissement. Nash garda une distance raisonnable jusqu’à ce que la discussion se termine. Le visiteur, lui fit face en sortant, la mine désappointée. Il avait un look de play-boy, du genre que l’on rencontre davantage à Beverly Hills que sur le port. Sam fit signe à Nash de venir le rejoindre.

« C’est calme cet après-midi, engagea le privé.

— Mes gars sont sortis bosser sur une affaire. Une livraison à contrôler.

— Et ce type qui vient de sortir ? C’est du business aussi ?

— Il m’a pris pour un dealer ce petit con. Il organise des soirées pour le gratin d’Hollywood et voudrait que je l’approvisionne.

— En filles ? plaisanta Nash.

— Tu m’as bien compris ! répliqua Sam, je ne fais pas ce genre de trucs. C’est trop risqué. Il y a toujours des embrouilles avec ce milieu.

— Tu sais, moi je m’en fous, je ne bosse pas avec le LAPD ni avec les Fédéraux.

— Je sais, sinon tu n’aurais jamais pu franchir cette porte. Prends une bière et viens t’asseoir. J’ai des infos pour toi. »

Nash se dirigea vers un petit bar au fond de la pièce et sortit une Bud Light d’un frigo.

« Tu bois cette bière de gonzesse ? lui lança Sam.

— C’est le début de la journée, je démarre doucement. Alors, tu as trouvé cette caisse ?

— Oui, mec, un des frères l’a repérée hier soir. Le type qui la conduit à l’air d’un vrai barje. Il a passé une partie de sa soirée à faire des drifts et des burns avec sa tire dans un coin du port. Une bagnole qui doit couter un demi-million ! Rien qu’un pneu vaut près de mille dollars.

— Je vois le genre…

— C’est une Revuelto jaune, on ne peut pas la manquer. Le dernier modèle, près de mille chevaux à ce qu’on dit. Immatriculation personnalisée, LEO 2024.

— Ton gars sait où elle est garée dans la journée ?

— On la voit passer depuis quelques jours seulement. Le conducteur doit la rentrer dans un hangar, on ne la remarque pas sur les parkings.

— Les sociétés Californian Maritime Company, King Trading Corp et Chance International Overseas, ça te dit quelque chose ?

— Les deux premières, non, mais la dernière, Chance oui, j’en ai déjà entendu parler. C’est une boite pas très claire. Il se dit que c’est une couverture. Ils reçoivent des marchandises en containers et les refourguent par petits camions. Certains caisses auraient des compartiments cachés…

— De la came ?

— C’est sûrement pas des IPhone !

— Merci, je vais travailler là-dessus. C’est un bon point de départ. N’hésite pas à me contacter si je peux te rendre un service.

— De rien, même si tu n’es pas de notre fraternité, tu restes un biker et tu ne roules pas sur une de ces merdes aux yeux bridés.

— Ça, y a pas de risque ! »

En sortant du bar, Nash envoya un bref résumé de sa conversation à Saka. Il ne doutait pas qu’elle approfondirait les recherches avec ses moyens technologiques. Avant de partir vers Irvine, il décida de faire un tour sur les docks, dans le secteur où était installées les trois entreprises et où la Dodge s’était arrêtée la veille. Il n’eut pas de mal à trouver le hangar. Comme Sam l’avait expliqué, des chariots sortaient de temps en temps pour chercher un container sur le parc puis le rentraient dans l’entrepôt. En quelques minutes, Nash vit deux fourgons entrer, visiblement à vide, et trois autres ressortir chargés. Sans surprise, la Dodge noire était garée à faible distance. Nash consulta l’historique du traceur. La voiture s’était dirigée vers Irvine tard dans la nuit et avait fait le chemin inverse en fin de matinée. Depuis, elle n’avait plus bougé. Ne voulant pas éveiller la curiosité des manutentionnaires, le biker repartit par Ocean Boulevard pour rejoindre l’I-405 vers Irvine. Il roula jusqu’à l’échangeur de Culver Street puis se dirigea vers Newmeadow. Le quartier était bâti de constructions récentes, l’habitat américain classique, maison basses, grands garages et jardins bien entretenus. Il y avait peu de voitures dans les rues, principalement des SUV et des japonaises hybrides. Un quartier familial typique, curieux choix pour un gars qui joue les gros bras dans les bars de nuit. Le 47 ne se distinguait pas des maisons voisines hormis l’absence de ces détails qui dénotent la présence d’enfants sous le toit. Pas de vélo sous le porche, ni de toboggan dans le jardin.

Nash alla garer sa Harley un peu trop voyante à quelque distance, rangea son gilet de cuir dans une sacoche et se coiffa d’une casquette portant les armes du porte-avion Gerald Ford, avec le logo CVN-78 brodé en lettres dorées. Il revint à pied vers la résidence de Jack Russo. Un seul nom sur la boite à lettres. Pas de signe de vie à l’intérieur. Nash avisa un homme âgé dans son jardin, à faible distance.

« Bonjour, j’ai un pli à remettre à Monsieur Russo, votre voisin du 47, mais j’ai bien l’impression qu’il n’y a personne.

— C’est pas étonnant, il n’est pratiquement jamais là dans la journée, et il rentre très tard le soir.

— Ah, c’est ennuyeux. Sa femme, peut-être qu’elle rentre plus tôt.

— Je n’ai jamais vu de femme chez lui. C’est un drôle de gars. Il ne parle à personne, il ne participe pas aux réunions du quartier et c’est une entreprise qui vient pour entretenir le jardin.

— C’est bien un grand type, plutôt baraqué, un ancien joueur de base-ball ? demanda Nash.

— Pour le base-ball, ça j’en sais rien, je vous dit qu’il parle pas avec ses voisins, mais pour le reste oui. Un grand gaillard que je ne voudrais pas rencontrer dans une rue sombre, ah ça non !

— Je vous remercie, je vais laisser le courrier dans sa boîte alors, j’aurais préféré lui remettre en mains propres, mais s’il rentre tard, je ne vais pas revenir ! »

Nash refit le chemin sous le regard du vieux. Il prit le temps de s’attarder devant la maison, pour accréditer sa démarche puis retourna vers sa moto.

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