Retour sur scène

3 minutes de lecture

Cahuenga Boulevard, North Hollywood

Lucy s’est bien démenée. Elle nous a trouvé un petit créneau au Baked Potatoe, un club à deux pas des studios Universal. L’endroit est incroyable, il n’y a que d’authentiques amateurs, dont pas mal sont eux-mêmes musiciens. Le décor est minimaliste, des vieilles affiches aux murs et des instruments pendus au plafond. La scène est minuscule, mais la bière est bonne et la nourriture acceptable, selon les standards de Los Angeles. Nous avons un créneau de quarante-cinq minutes, un peu court bien sûr. Il nous a fallu faire des choix. Depuis la première séance avec Stan, on a eu le temps de progresser. Trois semaines se sont écoulées et nous avons une dizaine de titres présentables. Nous en avons retenu cinq, ceux qui nous semblent les plus achevés, complétés par quelques reprises. Lucy est dans la salle, Nash et Mary aussi. Je remarque deux gars costauds à l’allure de bikers, installés au bar. Nous échangeons un regard, l'un deux lève le pouce. Mon ami m’a expliqué qu’il avait demandé un peu d’aide à son nouveau pote Sam Feelgood. Certains des membres de son chapter assurent la sécurité dans des concerts de rock ou de métal. Nash ne s’attend pas à des problèmes pour ce premier soir. Il ne pense pas que Leonardo ait eu vent de cette prestation qui n’a pratiquement pas été annoncée. Il a tout de même préféré assurer nos arrières.

Nous avons eu une longue conversation il y a quelques jours. Je lui ai dit que j’avais l’intention de retourner vivre dans mon appartement à Echo Park. Je n’ai de toute façon pas de raison de penser que Giordano aurait pu établir une surveillance chez moi. Et puis, je ne veux plus me cacher. Je lui ai dit. S’il le faut, je préfère affronter ce gars en face, une bonne fois pour toutes. Mary continue à monter un dossier, mais les affaires sont bien cloisonnées. Elle n’a, pour le moment, rien pour impliquer le mafieux sérieusement. Les comptes de Chance sont bien tenus, la société paie des impôts pour son chiffre d’affaires publié. Les employés déclarés correspondent aux normes de la profession.

Mary s’est rendue au domicile de Jack Russo. Elle a constaté que le jardin n’avait pas été entretenu depuis un moment et que le courrier s’entasse dans la boîte à lettres. Un voisin lui a confirmé qu’il n’avait pas vu l’occupant ou sa voiture depuis près d’un mois. C’est déjà un bon point. Elle a ensuite fait de même chez Marconi à Buena Park. L’adresse correspond à une petite maison bien tenue, elle a pu voir des jouets d’enfant sur la véranda et du linge étendu au fond du jardin. L’homme de main semble avoir une famille. Mary a pu le vérifier un peu plus tard, à l’heure de la sortie des écoles. Une femme brune, sobrement habillée, a garé un vieux SUV Nissan Rogue devant le garage et deux bambins en sont sortis en se chamaillant. La femme a déchargé deux sacs de courses avant de rentrer dans la maison. Wendy Lord est tout aussi lisse. La secrétaire mène une vie ordinaire, passant la plupart de ses soirées à sortir avec des amies, toujours les mêmes, rentrant le plus souvent seule chez elle.

Reste Giordano lui-même. Saka et Nash se sont relayés pour le suivre à plusieurs reprises. L’homme semble un client assidu des boîtes branchées d’Hollywood. Il a visiblement renoncé aux voitures tapageuses, mais a tout de même troqué sa Camry pour une BMW x3. Les privés ne l’ont jamais vu remonter accompagné vers Mulholland Highway, mais à plusieurs reprises, il s’est rendu à une adresse au pied de Laurel Canyon, avec des filles différentes. On dirait bien qu’il ne fréquente plus les cercles de jeux. Dans la journée, il reste le plus souvent dans les locaux de Chance où Nash a pu repérer Marco Riccio, souvent accompagné d’un couple curieusement assorti, mais d’allure déterminée. Sans doute des professionnels, a pronostiqué l’Indien. Toutefois, il ne les a jamais vus accompagner Leonardo.

Nash est maintenant déterminé à forcer Giordano à faire le premier pas. Soit il est passé à autre chose, soit il finira par se montrer. Je repense à ce qu’il nous avait expliqué sur le chasseur et la chèvre.

Ça va être à nous. Je finis ma bière le temps que le présentateur remercie le groupe qui sort de scène et nous annonce. Martin s’installe et ajuste son siège. Jeff va chercher sa contrebasse et le rejoint. Je m’installe au clavier. Quelques instants de concentration et Martin frappe ses baguettes. C’est reparti.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Eros Walker ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0