Dépression

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Mulholland Highway, Santa Monica Mountains & Newport Beach

Leonardo tournait en rond dans le grand salon du ranch en ruminant des idées noires. Depuis quelques jours, tout lui échappait. Il avait perdu le contrôle de la société Chance en même temps que la confiance de son père, ses plus proches collaborateurs et confidents n’étaient plus à ses côtés et même ici, au ranch, il n’était plus chez lui. Rouler avec une jolie blonde dans une Toyota de petit fonctionnaire n'avait plus aucun attrait et de toute façon, il ne pouvait même plus la ramener dans sa chambre. Jusqu’au poker qui lui était maintenant interdit !

Tout cela était la faute de ce maudit négro. Sûr, il avait triché, il n’y avait pas d’autre explication possible. Il l’avait humilié à cette table de jeu, un endroit où il ne pourrait jamais remettre les pieds. Il avait besoin de violence, de défoulement, de se vider la tête avec une nana, un peu de coke, de l’alcool et du sexe, à l’état brut. Il appela Lino.

« Tu peux rappliquer au ranch rapidement ? demanda-t-il sans préambule.

— Oui, bien sûr, mais tu sais que Marco n’aimerait pas m’y voir.

— Il est parti avec ses deux sbires, ils me tapent sur le système ces deux-là, je les sens toujours à me surveiller. Ils ne reviendront pas avant ce soir.

— Je serai là dans une heure, j’ai un truc à finir. »

Leonardo avait essayé à plusieurs reprises de contacter Jack. Il était tombé à chaque fois sur sa messagerie. Soit son bras droit avait brusquement décidé de couper les ponts, soit… il ne voulait pas y penser. Bruno et Emily auraient-ils pu le faire disparaitre ? Il sortit un Colt 38 d’un tiroir fermé à clé, mit une poignée de cartouches dans sa poche et sortit. L’arrière de la maison donnait sur un petit canyon en cul-de-sac. L’endroit avait souvent servi de stand de tir. Leonardo ramassa trois canettes vides, déjà perforées, et les plaça sur un madrier. Il recula à dix pas et arma le chien. La détonation se répercuta en écho autour de lui. Un éclat de rocher, bien au-delà de la cible, fut la seule conséquence. Le tireur s’efforça de faire le vide en lui et de contrôler sa respiration. Son bras monta lentement et il ajusta sa visée. La balle s’enfonça dans le bois, à quelques centimètres de la boite. Ce n’est qu’à la quatrième tentative que la cible fut projetée par l’impact. Il lui fallut recharger pour parvenir à toucher les deux autres.

Leonardo n’avait jamais été un tireur d’élite. L’organisation avait des professionnels pour ça, mais il se sentit encore plus frustré de son manque de réussite.

Le bruit du moteur du gros pick-up vint le tirer de sa morosité. Il sécurisa l’arme et se dirigea vers le chemin. Voyant le revolver dans la main de son patron, il plaisanta.

« Vous tirez sur les coyotes ?

— J’avais besoin de me défouler !

— Je vous comprends, moi aussi je commence à m’emmerder.

— Tu veux boire quelque chose ? demanda Leonardo.

— C’est un peu tôt, non ? Ou alors un Coca. »

Les deux hommes se dirigèrent vers l’entrée. Leonardo se laissa tomber dans un fauteuil, laissant le soin à son homme de main de sortir deux canettes. Lino s’installa face à lui et attendit.

« J’espère que tu as de bonnes nouvelles. Tout va mal ces temps-ci.

— Je ne suis pas sûr. Wendy a rencontré cette fille, Lucy Iron, mais elle n’a pas eu l’air de mordre à l’hameçon. Je crois qu’elle se méfie. Quand elle a quitté le bar, je l’ai pistée en voiture pendant quelque temps, mais elle est rentrée dans un parking privé, je ne pouvais pas la suivre.

— Donc, vous n’avez rien trouvé sur ce mec ! Wendy est trop conne pour ce job.

— Ne dites pas ça patron, il ne faut pas lui en vouloir, c’est pas un truc naturel. Elle a d’autres qualités et elle fait bien son travail chez Chance.

— Ouais, et elle a de gros nichons ! Tu la baises ?

— Je comprends votre situation, mais ne soyez pas injuste. Elle a essayé, ça n’a pas marché. On va trouver autre chose.

— Mais quoi ? Je ne pense plus qu’à ça, soupira Leonardo.

— Pas la peine de vous mettre la rate au court-bouillon. Ça vous dirait d’aller faire un tour ? On va se trouver deux chouettes nanas et on file au bord de la mer. Newport Beach, c’est sympa ! »

Lino avait raison. Les filles étaient cool. Une blonde et une brune. Pour sûr, elles n’avaient pas inventé l’eau tiède et elles n’avaient pas beaucoup de conversation, mais ce n’est pas pour ça qu’ils les avaient invitées. Ils avaient mangé des burgers sur Balboa Pier et marché un peu sur le sable. Les filles avaient mis les pieds dans l’eau. Lino avait fini par proposer de prendre une chambre dans un motel au bord de la 55, en remontant vers Santa Ana. Ils s’étaient arrêtés dans un Seven-Eleven pour acheter des bières. La chambre était banale et glauque, deux grands lits côte à côte, une vieille télé et une petite salle de bain dont la douche gouttait. Ils n’en avaient rien à foutre. Dès la porte fermée, Lino avait fait tourner les bières. Les filles s’étaient déshabillées. La blonde avait de petits seins, la brune était pulpeuse. Leonardo avait sorti un peu de poudre et préparé des rails. Les filles avaient sniffé puis commencé à se peloter. Les hommes étaient restés un moment à les regarder faire avant de se décider.

« Laquelle vous préférez ? patron.

— Je prendrai un peu des deux !

— Comme vous voudrez. »

Une heure plus tard, la chambre avait une allure de champ de bataille. Les deux lits étaient complètement défaits, draps et couvertures sur le sol. Les filles se précipitèrent dans la salle de bain et continuèrent à pépier sous la douche.

« Ça fait du bien, dit Leonardo, mais ça ne fait pas avancer mon problème.

— Ne vous inquiétez pas, profitez du moment. Je vais vous le trouver et on lui règlera son compte. »

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