Prologue

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Le Club, Santa Monica Boulevard – West Hollywood

Il était presque une heure du matin quand nous sommes remontés sur la petite scène pour un dernier set. Nous avions déjà pas mal picolé et aussi beaucoup fumé, mais ça, on a l’habitude. Martin s’est installé derrière ses caisses et Jeff a enlacé sa contrebasse. Moi, je me suis remis au clavier. Martin a frappé ses baguettes et nous avons attaqué My Foolish Heart de Bill Evans. La salle avait déjà commencé à se vider, ne restaient que les vrais amateurs ou les types trop bourrés pour rentrer chez eux. Comme je m’apprêtais à faire signe à Jeff de lancer son chorus, celui-ci fit un imperceptible mouvement du menton, désignant le bar. Ça faisait plus de dix ans qu’on jouait ensemble, nous nous comprenions sans avoir à nous parler. J’ai tourné la tête et je les ai vus.

Les deux types détonnaient dans le paysage, pas le style des spectateurs habituels de la boîte. Le premier était taillé comme une armoire, il était debout, accoudé au bar et devait mesurer près de deux mètres. Son compagnon était plus petit, il était assis sur un tabouret et buvait une bière. Tout de suite, j’ai senti que ces gars-là n’étaient pas venus pour la musique et il y avait d’autres rades plus accessibles pour boire un verre.

Nous avons enchaîné avec Reunion Blues d’Oscar Peterson et Fly Me to the Moon. Les deux gars s’enfilaient des verres sans rien se dire. Je ne voyais pas chez eux ces petits mouvements de la tête ou du corps que font les spectateurs qui se laissent porter par le rythme et je n’aimais pas ça. On a encore joué trois ou quatre morceaux avant de nous arrêter et saluer les rares personnes encore présentes. Jeff a rangé sa basse et m’a rejoint au bout du bar. J’étais en train de discuter avec Jerry, le patron. Jerry et moi, on se connait depuis plus de vingt ans. Il essuyait déjà les verres quand j’ai commencé à monter sur scène un peu avant la fin de la fac. Depuis il a monté sa boîte, Le Club, avec des majuscules, sur Sunset Boulevard. Ses affaires tournent bien et on continue à passer régulièrement chez lui. J’ai montré les deux types à l’autre bout du zinc.

« Connais pas, je ne les ai jamais vus. Pas le style des habitués.

— C’est ce que me disais aussi, lui répondis-je. Des flics ?

— Ça m’étonnerait, à moins que t’aies fait une connerie !

— Ils se déplaceraient pas à deux heures du mat’ pour un stationnement interdit. »

On a encore bu un verre ou deux avec Jeff et Martin puis on s’est quittés sur le trottoir. J’ai allumé une cigarette en attendant mon Uber. C’est à ce moment que les deux types sont venus vers moi.

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