Journal de Clara

6 minutes de lecture

06/07/2025

Être chez Papy et Mamy, c’est le même bien-être qu’avant sans l’arrière-goût amer du souvenir de Maman. J’ai l’impression qu’un fantôme a disparu de la maison, ou peut-être est-ce moi qui ai accepté la présence du fantôme. Je me sens bien plus légère depuis plusieurs mois. J’appréhendais de voir Théo hier, de peur de voir un fantôme flotter autour de lui ? C’est stupide, évidemment que si je suis bien avec moi-même et ici, je serai bien avec Théo. Alors, j’ai revu Théo. Je n'ai pas les mots pour dire combien il est solaire, combien il a évolué en bien, combien son bonheur est contagieux. Il n’a eu besoin d’aucun effort pour réveiller mon cœur endormi.

J’ai hésité hier mais avant qu’il ne rentre chez lui, il m’a semblé évident que je devais lui donner ces feuilles que j’ai écrites pour lui. J’ai sorti mon carnet, je les ai arrachées et je lui ai donné. Il devait les lire chez lui, j’imagine qu’il l’a déjà fait. J’attends qu’il fasse le prochain pas, la balle est dans son camp. Peut-être que la vie veut bien de moi, c’était seulement moi qui ne voulais plus de moi les dernières années.

JE VEUX VIVRE.

Pour Théo :

Les mots qui suivent sont pour Théo parce qu'il mérite le monde.

Je comprends enfin ce que tu voulais dire il y a 3 ans. J’aimerais qu’on puisse se comprendre.

Mon monde était sombre et j’ai réappris à voir la lumière.

Ça n’aurait pas été possible sans l’étincelle que tu as allumée en été 2022. J’ai essayé de te repousser mais c’est comme vouloir fuir le soleil : tu peux t’enfermer, te cacher, mais tu es mieux dehors et tu le sais.

Alors, je peux enfin répondre pour de vrai à ta question « pourquoi tu fuis ? » : parce que je savais que j’étais toxique pour toi mais je ne pouvais pas m’empêcher de me rapprocher.

Je ne t’ai jamais vraiment parlé de ma mère. Elle était ma personne préférée au monde. Enfin, c’était ma mère quoi. Ça a toujours été plus compliqué avec mon père : il est borné (je sais, moi aussi), ne croit pas au réchauffement climatique, a toujours quelque chose à redire. Il aimait ma mère et j’aimais ma mère, c’était le seul point sur lequel on s’entendait. Je partageais beaucoup de choses avec ma mère. Principalement, le théâtre. Je te l’avais mentionné une fois que je faisais du théâtre mais j’ai toujours rechigné à en parler à quelqu’un d’autre que ma mère. C’était sacré. Et puis, l’état de ma mère se dégradait, ils lui ont diagnostiqué cette maladie dégénérative : la maladie de Charcot. En moyenne, la survie est de 3-4 ans. Au début, on s’est dit qu’elle avait de la chance dans son malheur : les atteintes n’étaient que légères, les médecins arrivaient même à la stabiliser… Puis, par moments, la maladie progressait très vite, comme si la vie voulait accélérer sa chute. Elle a passé un an dans un centre multidisciplinaire pour traiter au mieux la maladie. J’étais gardée à l’écart, on ne me disait rien, c’est pour ça que j’ai passé l’année de 6ème chez Papy et Mamy, mon père ne savait pas gérer et ils pensaient que ce serait mieux pour moi. J’ai souffert d’avoir été mise de côté. Mentalement, avec la maladie, elle a tenu le coup deux ans, mais, après ça, ça n’a fait que se dégrader et elle a fini par se suicider. Elle a choisi sa mort plutôt que de ne même plus pouvoir échanger avec nous, plutôt que de se laisser emporter en survivant jusqu’au bout. Elle a mis fin à sa vie quand j’ai, moi, commencé à me questionner sur la vie tout en découvrant de nouvelles belles choses. J’avais une opportunité au théâtre et je l’ai laissée tomber pour ma mère. Et elle, elle est partie. Et j’ai eu l’impression d’avoir tout perdu. Je ne m’en étais jamais vraiment remise. Ça fait deux ans que je vais mieux. Je ne sais pas si je peux dire que je m’en suis complètement remise mais j’ai appris à remettre les choses en perspective, à voir les événements passés d’une autre manière, à les transformer en opportunités, à voir ce que les événements de ma vie m’ont apporté.

Il n’y avait pas que ma mère mais j’ai raccroché ma vie à ça alors je n’ai fait que sombrer. J’ai passé des années à me haïr et à chercher l’attention des autres pour me prouver ma valeur. C’était contre-productif. Je continuais de planifier l’avenir parfait sans le trouver beau.

Je ne voulais pas qu’on m’aide, je ne voulais même pas vivre mais j’ai continué malgré tout, je me suis cachée derrière ma carapace et j’ai imité les autres.

Je couchais avec des mecs pour me sentir exister, triste période. Pour me rappeler que je pouvais ressentir des choses. Je fuyais la vie par les autres, assez contradictoire de ma part…

Quand je t’ai revu, ça m’a fait bizarre. Tu appartenais au passé où ma mère ne s’était pas encore suicidée, ce n’était pas compatible. Mais tu as su redonner des couleurs à ma vie, j’ai retrouvé le petit garçon que tu étais au collège, en plus grand, en plus con parfois, en plus drôle aussi. Je me suis laissé prendre au jeu et j’ai eu peur.

Je me battais en permanence contre moi-même et tu n’en avais probablement aucune idée.

J’ai passé cet été 2022 à te laisser m’approcher, te fuir par peur puis revenir parce qu’aucun être humain ne sait vivre sans lumière. J’étais une mite près d’un feu de camp. Sauf que c’est toi qui as fini par être brûlé.

Partir n’a pas été une solution miracle. J’ai continué de sombrer. Jusqu’à comprendre que j’étais seule et que, quitte à vivre cette vie, je voulais la vivre vraiment.

Alors, j’ai fini par chercher à aller mieux. Trois années de réflexion et de travail sur moi-même. La première a été difficile. J’ai failli rater mon année, alors que mon sujet me passionne, mais j’alternais les hauts et les bas.

J’ai pensé à toi, souvent. Je ne t’ai pas recontacté avant l’année dernière car j’estimais ça contre-productif, pour toi comme pour moi. Je ne voulais pas que tu sois celui qui m’aiderait à aller mieux car, dans ce cas, tu aurais été associé à cette ascension désagréable, à ces moments de rechute, à ce brouillard. Tu es trop précieux à mes yeux pour que je te laisse toucher du doigt ce bordel qui était dans ma tête. Je t’ai blessé en 2018 puis en 2022, je n’ai pas su faire autrement, j’ai préféré que tu te prennes un mur plutôt que tu te retrouves pris dans un cyclone.

Finalement, aujourd’hui, je peux le dire : j’ai envie de vivre. Et ces quelques mots sont une libération.

J’ai repris le théâtre. Ça n’a pas été facile. Mais j’avais oublié combien c’était libérateur, chaque fois que je suis sur scène c’est comme si je criais « je suis en vie et je veux vivre » au monde entier. Et chaque fois que je suis remontée sur scène depuis un an, j’espérais que tu m’entendes.

J’ai eu pensé, tout comme Napoléon l’a dit un jour, que la seule victoire en amour, c’était la fuite. Mais ça ne m’intéresse plus de gagner.

J’aimerais que tu fasses partie de cette nouvelle vie car sans toi elle est bien moins lumineuse.

Le 8 juillet, j’ai une représentation à 20h15 au théâtre de Saint Gély, tu veux venir ?

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