Le visage aux deux faces

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Le jeune homme marche dans les ruelles hautes de plafond de la cité souterraine.

Intimidé par les locaux, il force le pas pour rester le plus proche possible de son mentor, qui progresse quant à lui avec l’assurance qui lui est habituelle.

Creusée au cœur d’une imposante montagne, Malleator est l’une des plus grandes villes Elfique de cette partie du monde.

C’est pour son travail que son maître est venu ici.

L’adulte pousse la porte d’un magasin, dont l’enseigne annonce en lettres luminescentes : « Au bazar de Maseih »

Une succession de mécanismes complexes s’enclenche quand nous entrons, jusqu’à venir activer un petit marteau sur le comptoir, faisant sonner une clochette, dont le son aigu ne s’entend qu’à peine dans les ronronnements de fond émit par les myriades de machines qui dégorgent des étagères…

Pourtant, de l’arrière-boutique sort rapidement le propriétaire des lieux, ayant apparemment bel et bien été alerté par son dispositif.

L’Elfe est vêtu d’un tablier de travail beige usé, taché de marques de produits mystérieux et de brûlures, ainsi que d’un pantalon de toile large, retenu par une ceinture à outil où pend tout un attirail d’ustensiles.

Son crâne chauve porte un casque de métal jaunâtre, qui lui recouvre l’œil gauche est une partie de sa longue oreille tombante, ces deux organes remplacés par des prothèses, tandis que le bruit de chuintement qu’il provoque en se déplaçant indique qu’il doit également avoir une jambe mécanique.

Pour achever ce tableau déjà impressionnant, l’artisan dépasse les deux mètres, ce qui est un signe de son âge avancé !

Le mentor du jeune homme se penche alors par-dessus le comptoir, tendant la main à l’Elfe en s’exclamant : « Maseih’uncda ! Comment vas-tu, mon vieil ami ? »

Le concerné plisse sa grande bouche en un sourire visiblement joyeux.

L’une de ses mains pourvues de quatre articulations aux doigts se saisit de celle qu’on lui présente, alors qu’il répond d’une voix éraillée : « Guillaume… Eh bien écoute, les affaires roulent. Et toi ? J’ai cru comprendre que tu étais devenu paladin ? »

« Effectivement. Paladin diurne de Lordrol ! Les astres de mon dieu en soient loués ! »

« Félicitations ! …Et qui est ce bourgeon qui t’accompagne ? »

L’adulte referme jovialement sa poigne sur l’épaule de son apprenti, l’amenant à se rapprocher de Maseih.

« Il s’appelle Faustin ! L’église me l’a confié pour que je le forme au métier ! »

Le jeune homme salue gauchement l’Elfe.

« Excuse-le, mon ami… il est timide ! »

L’artisan lève l’une de ses grandes mains pour signifier que cela n’est absolument pas grave.

« Aussi plaisante que soit ton énergie, Guillaume : un taiseux, c’est plus agréable pour moi… »

Il triture brièvement sa prothèse auditive, puis retourne ses yeux creusés vers son ami.

« Alors, que te faut-il ? Je me doute que tu n’es pas là par simple courtoisie. Les paladins n’ont pas beaucoup de temps pour les visites amicales, en général, je crois. »

L’adulte se renfrogne, croisant les bras sur son large torse.

« Tu me vexes ! Comme si j’avais besoin d’un prétexte… »

L’Elfe lui coupe la parole d’un seul regard dubitatif.

« Bon, d’accord… L’église a entendu dire que tu étais entré en possession d’un artéfact émanant de notre divinité. Je me suis porté volontaire pour en juger. »

Maseih courbe sa haute silhouette sous son comptoir, de sous lequel il exhume une boîte en bois laqué rougeâtre.

« C’est un Nain qui me l’a refourgué, n’ayant pas compris ce qu’il avait entre les mains. Je le lui ai acheté pour une misère. »

Quand il soulève le couvercle, le Faustin et son mentor se penche avec curiosité sur le contenu… un somptueux masque lisse, dont la partie droite est noire et paisible, tandis que la gauche est blanche et sourit avec énergie.

« Incroyable… je peux sentir le pouvoir de notre seigneur Lordrol ! C’est effectivement une de ses reliques ! »

L’artisan leur referme la boîte au nez, les faisant sursauter !

« Très bien. On va donc pouvoir parler affaires. »

Le paladin bat des paupières, surpris.

« Faire affaire ? Mais… »

« Navré Guillaume ! Je suis un commerçant avant d’être un ami. Tu vas devoir allonger la monnaie, si tu veux l’avoir… »

Ce n’est qu’après avoir négocié plusieurs minutes, que les deux adultes parviennent à un terrain d’entente.

Le paladin renverse plus de la moitié de sa bourse sur le comptoir de Maseih, avant que celui-ci ne lui remette la boîte et son contenu sacré.

Les deux envoyés de l’église de la divinité des astres quittent enfin la boutique, l’artéfact avec eux.

« …Maître ? » demande le plus jeune à son ainé après quelques instants de marche.

« Qu’y a-t-il ? »

« Quel est cet objet exactement ? »

Il a posé cette question en chuchotant, par sécurité. Il ne faudrait pas que des passants entendent leur conversation !

« Je l’ignore, mon garçon… mais c’est bien la première fois que je ressens à ce point la présence de Lordrol dans un objet… Ce masque renferme sûrement un puissant pouvoir. Je suis content que nous ayons pu le récupérer avant quelqu’un de moins bien intentionné… »

Là-dessus, il accélère le pas, forçant son apprenti à trottiner à sa suite.

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