Antoine

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Il referma lentement le dossier et le déposa sur une des piles ornant son bureau. Antoine sentit son corps s’affaisser et basculer au fond de son siège. Ne faisant preuve d’aucune résistance, il laissait son dos rejoindre le dossier. Il jeta sa tête en arrière, faisant aussitôt craquer sa nuque. Un brasier avait pris possession de ses yeux, chaque battement de cil lui était pénible.

Epuisé, il jeta un coup d’œil en direction de sa montre. Son poignet indiquait 22h14. Malheureusement pour lui, personne ne s’impatientait de le voir franchir le seuil de son appartement. Après un énième soupir, Antoine se leva et saisit son manteau suspendu au mur. Il l’enfila d’un geste mécanique et sortit de son bureau.

Les couloirs étaient déserts, peu éclairés. Il y régnait un silence de mort. Il atteignit à grands pas la porte menant aux escaliers. Dévalant les marches deux par deux, il dut retenir un haut le cœur causé par l’odeur d’urine et les relents d’égout flottants dans l’air.

Il poussa la porte de son épaule, d’un coup sec. Ses mains étaient trop occupées à fouiller les poches de la veste à la recherche de son paquet de Marlboro. Une cigarette coincée entre les lèvres, il approcha son briquet et le feu se refléta sur son visage pâle. Il s’arrêta au beau milieu du vaste parking à ciel ouvert, paupières fermées, et profitait pleinement de cette première bouffée. La fumée envahit ses poumons et l’ivresse se propageait dans tout son être. Ouvrant les yeux, il contempla le ciel dans la nuit noire. Ne sachant vers quel astre son âme avait volé, il voulu mentalement relier les étoiles entre-elles afin de dépeindre les traits de son visage. Il resta de longues minutes à admirer ces lanternes célestes, tant qu’il en oublia l’endroit où il se trouvait. Les dernières cendres de sa cigarettes, dansant au gré du vent, vinrent s’éteindre lentement au sol.

Le hurlement d’une sirène, semblable à un râle, le ramena soudain sur Terre. Désorienté, il mit quelques minutes à reprendre ses esprits. Il regardait sont mégot, gisant entre ses doigts et vidé de toute substance. Il le jeta et fit retentir pour la seconde fois le clic du briquet. Après quelques expirations, il se dirigea vers son véhicule. Il s’installa au volant de sa berline, démarra, et partit en direction du centre. Stoppé par les lumières urbaines, il ouvrit la vitre côté conducteur. Les gouttes de pluie rougissaient au contact des feux. Et coulaient, comme ensanglantées. La ville était silencieuse, endormie. Seul régnait le bruissement des pneus frottant contre le goudron encore humide. Antoine passait le temps en observant son environnement : enseignes lumineuses, néons, personnes titubantes. Au bout de quelques minutes semblables à une éternité, il put reprendre la direction de son appartement.

Le seuil de la porte d’entrée passé, il déposa ses clés sur le buffet prévu à cet effet. Sans daigner ôter son manteau, il se dirigea vers son réfrigérateur et décapsula un breuvage malté qu’il absorba rapidement. Antoine savait que les bras de Morphée ne lui accorderaient aucun réconfort, aucun répit. Mais désireux de trouver le sommeil, il déposa son contenant vide dans l’évier et gagna la chambre. La porte de la salle d’eau, restée entrebâillée, lui laissait pour vue imprenable, la baignoire, sur laquelle il ne parvenait plus à poser un regard. D’un pas seulement, il referma la porte. La mise en scène qui rejouait sur sa rétine fut suspendue.

Ereinté, il s’étendit de son côté du lit. Dans un état de semi-conscience, il lui parut sentir un pan du matelas s’affaisser, légèrement, doucement, à la manière d’un ange.

Antoine trouva enfin le sommeil.

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