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Tombeau. Je suis le point de finir de parcourir l'écart qui me sépare de toi. Voilà bientôt dix ans que je marche à ta rencontre. Mes dix-huit ans s'apprêtent aujourd'hui à rencontrer tes vingt-neuf. Déjà. L'aube de la trentaine, la lumière plus douce, mon poids différent sur le monde.

Dix ans. Dans ton corps ça a toujours eu un goût de deuil, dans le mien un goût de violence. Mais cette fois, c'est autre chose.

Dix ans. Dix ans que nos corps se sont heurtés pour la première fois, mais peut-être nos destins se poursuivent-ils depuis bien plus longtemps. Je ne sais toujours pas.

J'aperçois la face éclairée de l'océan, respire ce vent qui prend le goût du sel. Mais un goût doux, sans l'amertume de trop de larmes.

Je pensais que ces trois dernières années de cheminement m'éloigneraient de toi. Que toutes ces autres routes, ces nouveaux chemins me porteraient vers d'autres paysages, d'autres corps, d'autres mots, d'autres sangs, d'autres amours, d'autres conclusions, d'autres risques où tu n'es pas.
Pourtant, tout me ramène à toi.
Chaque expérience porte ton empreinte.
J'emprunte le même chemin, dix ans derrière toi.
Errant dans le labyrinthe insensé de l'identité, j'ouvre les mêmes portes et réalise que nous sommes deux proches rayons. Me voilà parvenue à la frontière du même soleil.

La poésie de l'amour : réussir à unir deux vers parallèles.

Dix ans. Dix années à se demander "Peut-on sourire dans la brûlure ? Peut-on chanter dans le brasier ?". Il m'aura fallu dix années pour comprendre que la souffrance n'a pas de contours mais des racines, des ramifications, s'étendant, souterraines, à la recherche de l'eau. Où que l'on creuse sur cette terre, on trouve toujours de l'eau. Dix années à m'épuiser à puiser de l'eau à la racine du feu, dans les ramifications de la brûlure. Dix années de saignée et de purge pour oublier le nom de ma lignée, me distancier de leurs fantômes, mettre fin à cette tauromachie morbide. Dix ans pour apprendre que les oiseaux ne sont pas tous migrateurs, que les oiseaux ne sont pas tous rappelés par le feu et qu'on ne peut pas passer sa vie à transporter le soleil. Je quitte ma robe de Fauvette pour celle de Sandre, quand le brasier s'étiole, s'éteint. J'avais oublié que j'étais poisson. Heureusement, tu me l'as rappelé.

Je ne garde du feu que sa chaleur réconfortante, sa lumière irrattrapable, je perds mon hâle. J'apprends à m'ouvrir enfin à des lieux où il ne fait pas soif. A partager la beauté de cet amour dont tu m'as nourrie et que je transporte, aujourd'hui.

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