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Une minute de lecture

Ce bar où l'on se parle, mais de quoi ? Je ne me souviens pas. Tes mains noires d'homme explorent, tes mots glissent sur mes hanches, s'immiscent sous ma robe. Je les repousse, de honte et de fierté, bouleversée par ce désir que je ressens brûlant dans l'épaisseur de ta langue de vertige. Je ne suis pas encore certaine de laisser mes dix-huit ans s'ouvrir à tes vingt-neuf. Je te transmets alors, comme repoussoir, les mots que je retiens en otage dans mes écrits. Le poison. Voilà qui je suis, Tombeau. Ne te fie pas à ma peau tendre et à ce sourire doux. Plonge, si tu l'oses, dans l'obscurité de ma poésie.

Être une fille ocre, une fille âcre, aux veines... Venin.
A laisser, lassée, saigner les soleils de l'été sur la peau... Peindre les plaies.
Et puis, regagnant cette terre d'ombres, s'exhiber, jupes démesurément relevées, toutes cicatrices dehors.
Théâtrale, se faire couleuvre en ondulations de hanches et laisser le chant monter des entrailles.
Tragédie,
Flamenco noir.

Tu comprends vite que je suis broyable, fracassable et réalises ton pouvoir mâle sur moi, n'est-ce pas ? Me peiner ou me pénétrer, m'armer de crasses ou de caresses ? Je ressens que tu es touché par cette fragilité qui me condamne, mais à ce moment-là, je pense que tu n'as pas encore décidé. Dehors, il gèle. Ton désir qui se prolonge face à mon âme sombre finit par m'ouvrir en deux.

A porta gayola. Quelques nuits plus loin, je te retiens devant la porte de l'arène rectangulaire du placard miteux dans lequel tu vis, m'agenouille entièrement nue face à toi et t'offre en sacrifice ce corps torride à corridas.
Me charmer ou me charger,
Me blesser ou me baiser ?
Tu ne sais pas.

Pourtant, j'ai confiance, ce soir-là.
D'abord s'offrir la tendresse des nuits sauvages. Où l'eau de nos corps peint sur mes reins, tes mains. Tu murmures entre deux passes : "T'as la plus belle de toutes les chattes, Abysse, je voudrais ne plus baiser que celle-là". Ta poésie, Tombeau, est bestiale et cruelle, elle aussi, parfois.

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