67. Mission Rébellion

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Liz

Alors, déjà, avant de me lancer dans la suite de ce récit, je voulais dire que je suis trop heureuse qu’on me donne enfin la parole. Parce que Joli Cul et Miss enceinte, franchement, on commençait à en avoir marre, non ? Avec moi, ça va dépoter ! Promis Juré ! C’est la lutte finale ! Tous ensemble, tous ensemble, ouais ! Ouais ! C’est parti mon kiki !

PS : Je crois que j’aurais préféré le chapitre 69 pour commencer. Quitte à s’amuser, hein ?

Ces deux-là auront ma peau. Non, cette île aura ma peau, en fait. Franchement, je me demande parfois ce que je fous ici. Bon, je n’ai pas vraiment eu le choix, j’en conviens, et une partie de moi apprécie de vivre à cet endroit. J’y ai rencontré des personnes formidables. Dont des personnes qui me foutent dans le pétrin, pour le coup.

J’ai beau titiller et enquiquiner le bibliothécaire, je l’aime bien. Il est mignon, gentil, et couve Jade d’un regard que toutes les nanas adoreraient recevoir. Il a un bon fond, ça se voit, et il est fou d’elle. L’inverse est d’ailleurs vrai.

Je grimace en continuant de pédaler, et pour une fois, ce n’est pas parce que j’ai mal aux cuisses et au cul. Non, je repense à ce type immense qui l’a attrapée comme si elle ne pesait rien pour l’emmener dieu sait où, lui faire dieu sait quoi… Plus je réfléchis à leur plan et plus je me dis que j’aurais dû les arrêter. C’était voué à merder, je crois. Ou alors, c’est parce que ça a foiré que je pense ça ? Je n’en sais rien…

Rien ne sert de ressasser, de toute façon. Ce qui est fait n’est plus à faire, il faut maintenant motiver les troupes. Et ça, ça ne va pas être de la tarte. Ils ont tous subi un lavage de cerveau ici, ou presque, sérieux. Je veux bien vouloir protéger la nature, évidemment, mais de là à nous voler nos ovules, à interdire les relations entre hommes et femmes, je ne comprends pas. J’ai beau avoir lu leurs foutus bouquins sur l’histoire de l’île, je suis toujours hallucinée par ce que je vois ici. Bon, franchement, ne pas me retrouver harcelée par des gros lourds dans la rue, ça ne fait pas de mal. Ne pas me sentir déshabillée du regard quand je passe devant eux, c’est plutôt agréable. Mais quand même ! Aller jusqu’à sanctionner deux personnes qui s’aiment et les “recycler”, comme ils disent si bien ? Totalement dingue. Ils sont fous, ici. Complètement fêlés. Heureusement que je suis tombée sur Jade comme coloc, d’ailleurs. Je ne sais pas comment j’aurais survécu avec une de ces nanas coincées du cul qui baissent les yeux devant les hommes pour ne surtout pas croiser leur regard. Ouais, je me plais ici, je suis tranquille, mais je n’aime pas trop non plus toutes ces restrictions.

Je descends de mon vélo en observant la maison devant mes yeux. Je pourrais dire qu’elle est sympa, que ça change des autres, mais hormis les fleurs au bord des fenêtres qui ne sont pas présentes partout, elle est en tous points similaire à toutes les autres… Un peu déprimant aussi, ça, d’ailleurs, même si au moins on ne peut pas dire que certains affichent leur fric.

Je suis surprise quand la porte s’ouvre à peine ai-je frappé. Je me sens un peu conne, je ne sais pas trop quoi dire, pour le coup, je n’ai pas vraiment réfléchi à la question. Devant Malcolm, ça me semblait clair, l’adrénaline coulait dans mes veines, j’étais en colère, j’avais envie de tout envoyer chier, mais là… j’ai la trouille pour Jade, vraiment.

— Bonjour, Estelle. Je suis désolée de te déranger… Est-ce que je peux entrer ?

— Liz ? Tu fais quoi, ici ? Bien sûr que tu peux entrer. Tu veux boire quelque chose ? me demande celle que Jade appelle Moune.

— Je veux bien de l’eau, oui. Et… est-ce qu’Anne est ici ?

— Oui, tu sais qu’on ne se quitte jamais vraiment. Elle doit être en train de jardiner.

— Il faut que je vous parle, c’est important.

Estelle m’observe en silence un moment, les sourcils froncés. Elle ne doit pas mettre bien longtemps avant que l’inquiétude s’affiche sur son visage, et elle sort rapidement par la baie vitrée. Je me laisse tomber sur une chaise et souffle un coup. Je n’aime pas vraiment être l’oiseau de mauvais augure… Pas mon genre.

Quand elles reviennent toutes les deux et s’installent face à moi, ma gêne grimpe en flêche. Impossible de passer à côté de leur stress et je ne la joue pas présentateur TV qui instaure une ambiance pesante, une attente insoutenable avant d’annoncer la suite..

— Cette nuit, Jade, Malcolm et moi, nous sommes allés dans un port secret pour qu’ils s’enfuient. Ils avaient tout étudié pour pouvoir partir, mais ça a mal tourné. Jade a été arrêtée…

— Non ! Ce n’est pas possible ! s’exclame Estelle en s’accrochant aux accoudoirs de son fauteuil.

— Si… Je suis désolée, on a pourtant fait super attention, soupiré-je, dépitée. J’imagine que les dictateurs du dessus vont vouloir vous interroger, non ? Enfin, ils me paraissent assez dingues pour vous arrêter, en faire de même avec moi et tous ceux qui gravitent autour de Jade.

— Nous arrêter ? Mais ce serait terrible, s’écrie Anne. Je ne sais pas mentir, moi ! Oh mon Dieu, pourquoi nous a-t-elle mêlées à toutes ces histoires ? Elle ne pouvait pas rester avec toi, Liz ?

— C’est notre fille, Trésor. Nous devons la soutenir, quoi qu’elle fasse. Et s’il faut mentir, on mentira ! affirme son épouse avec force.

Allez, Liz, c’est le moment de mettre en pratique tes années de théâtre. Pas sûre que ça me soit bien utile, j’aurais mieux fait de faire Sciences-Po ou l’ENA.

— Ou alors… vous vous cachez un moment et nous aidez à la faire sortir de là. Avec Malcolm, on a un plan.

— Un plan ? Se cacher ? Mais vous êtes fous, non ? Vous allez tous nous faire recycler !

Putain, faut croire que ce foutu Conseil est vraiment hyper flippant. Sérieux, comment peut-on menacer les gens de crever sur décision d’un petit groupe d’inconnus qui pètent plus haut que leur cul ?

— Non, l’idée, c’est de mobiliser suffisamment de monde pour qu’il y ait un soulèvement. Et pour sauver votre fille et votre petit-enfant, soit dit en passant !

— Suffisamment de monde, c’est combien ? demande Estelle. Parce que si on n’est pas assez nombreux, ils n’hésiteront pas à réprimer la révolte.

— Eh bien… suffisamment, c’est tous ceux que nous pourrons rallier à la cause. On ne peut pas rester les bras croisés ! Vous allez vraiment laisser Jade aux mains de ces couillons ? Il faut bloquer cette foutue île ! Ils ne peuvent pas nous traiter comme ça !

— De toute façon, si on reste ici, on est mortes. Autant essayer de se battre pour elle, non ? demande Estelle à l’autre maman de Jade. C’est ce qu’elle voudrait qu’on fasse, je suis sûre.

Je ne suis pas sûre que Jade voudrait vraiment que ses mères se mettent en danger pour elle, honnêtement. Si ça se trouve, et si elle s’en sort, elle va m’étriper de rameuter les mamounettes dans la baston… Merde, je n’ai pas pensé à ça, moi.

— Je vous laisse en discuter toutes les deux, mais ne tardez pas trop, à mon avis. Vous pouvez venir vous cacher à la ferme, Mathilde ne dira rien.

— Oui, il ne faut pas qu’on traîne ici. On peut venir d’ici une heure ? demande Anne.

— Bien sûr, oui ! On se voit là-bas alors.

Il va falloir que je songe à en parler à Mathilde, quand même. Bon, je la connais suffisamment pour savoir qu’elle va rejoindre cette mission de rebelles fous chez les dingues, mais quand même, je me suis un peu avancée. J’aurais peut-être dû commencer par elle, non ?

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