Epilogue 2/2 : La famille du cœur

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Jade

Installée sur le canapé, mon regard vogue entre Malcolm, occupé à préparer la table sur la terrasse pour le repas, et le petit monstre qui nous a empêchés de dormir une partie de la nuit, actuellement occupé à remplir son estomac comme un affamé. A peine un mois que Lucie a déboulé dans notre vie, y insufflant une nouvelle dose d’amour incommensurable. Si l’on dort peu et que cela se voit sur nos visages, après les péripéties que nous avons vécues suite à la découverte de ma grossesse, ni Malcolm ni moi ne nous plaignons. Bon, j’avoue que j’apprécie particulièrement l’entendre me dire, au beau milieu de la nuit, “ne bouge pas, je vais la chercher”... Mon amoureux est une crème aux petits soins qui a trouvé une nouvelle muse depuis qu’il a posé les yeux sur notre petite merveille.

— Angelote, tu peux me dire où tu as rangé les légumes qu’on a achetés hier ?

Je me tourne légèrement pour apercevoir mes mères dans la cuisine, occupées à préparer le déjeuner, et souris en tombant sur Mounette, juste au-dessus de mon épaule, occupée à admirer sa petite fille.

— Je les ai mis sous la serre, je n’avais plus de place dans la cuisine.

— Nous voilà !

Lucie sursaute dans mes bras au son de la voix de sa tante et je ferme les yeux en attendant l’attaque qui ne manque pas d’arriver. Liz saute littéralement sur le canapé, à mes côtés, et couvre de bisous la petite tête de ma fille sans se préoccuper d’avoir mon sein sous le nez. C’est bien la première fois qu’elle ne le reluque pas comme une affamée, d’ailleurs.

— Vas-y mollo, ris-je. Tu lui fiches la trouille, je te signale.

— Moi aussi, elle me fiche la trouille, glousse Mathilde en s’asseyant sur la table basse, observant avec tendresse la chair de ma chair. T’inquiète, ma Jolie, je gère tata Liz. Je la bâillonnerai, la prochaine fois qu’on vient.

— Me bâillonner ? C’est quand tu veux, ma Chérie !

Des coups à la porte me rassurent sur la bonne éducation d’au moins une personne dans ce groupe de dingues.

— J’y vais, ne bouge pas !

Liz, toujours aussi vive, est déjà debout et va ouvrir.

— Tu devrais peut-être en profiter pour la pousser dehors et fermer à clé, glousse Mounette en se penchant pour caresser la tête de Lucie.

— En voilà une bonne idée, ris-je.

Mon sourire s’agrandit encore quand deux nouvelles têtes font leur apparition devant moi, et je me lève pour étreindre Zoé et Oliver. Ça, c’est LA belle surprise de notre “Grande Révolte”. Tous deux étaient “employés” au port où Malcolm et moi avons cherché à fuir. Concrètement, le Conseil les utilisait pour bosser à leur solde. Ils passaient leurs journées à vider des bateaux, ranger des cartons et autres travaux forcés selon les besoins de ces malfrats en puissance. Quelle ne fut pas notre surprise de les voir débarquer une fois le Conseil tombé !

Je n’ai même pas le temps de me rassoir qu’on frappe encore à la porte. Cette maison est plus visitée que mon cabinet, c’est fou. Lucie a de la visite tous les jours depuis un mois, mais nous n’avons jusqu’à présent pas pris le temps de réunir tous nos proches. Peut-être avions-nous besoin de nous retrouver tous les trois, de prendre nos marques, de profiter l’un de l’autre, vraiment, sans se cacher, sans réfléchir. Juste être nous, un couple, une famille, un tout, sans risques et sans peurs autres que de foirer avec Lucie, d’être des parents indignes, de faire les choses de travers…

— Salut, Jade. Comment tu vas ?

Je souris à Clément, mon jeune collègue, qui est bien le seul à ne pas seulement lorgner sur ma fille mais à se préoccuper aussi un peu de moi. Je répondrais bien, mais c’est le moment que choisit la petite tête brune pour lâcher mon sein et se mettre à chouiner, ce qui attire son père à l’intérieur. Plus efficace qu’une bande de fous euphoriques : les pleurs de sa fille.

— Tu nous sers l’apéro, Joli Cul ? lance Liz en lui faisant la bise.

— D’abord, je change la couche de ma fille. Il faudra patienter pour l’apéro !

Je souris lorsqu’il dépose un baiser sur mon front et récupère la petite, non sans tirer le tissu de ma robe pour cacher ce qui doit l’être avant de filer à la salle de bain.

— Joli Cul, ça lui va vraiment bien, pouffe Zoé à mes côtés.

— Tu n’as pas idée ! ris-je.

— Bon, je vais m’occuper de l’apéro, soupire théâtralement Liz. Il en a pour trois plombes, il passe son temps à lui faire des bisous et à la câliner. Pire qu’une mère poule !

Liz et Malcolm… une grande histoire d’amour. J’adore les voir se titiller et se chamailler encore et encore, tout comme j’aime les voir se poser autour de la table et débriefer de la dernière réunion du Nouveau Conseil, me rapporter les sujets abordés et échanger des heures durant sur les possibilités à suggérer. Ils forment un duo de choc, c’est fou.

Je file à la cuisine sortir les bouteilles du réfrigérateur tandis que mes mères se chargent de faire sortir tout le monde. Liz en profite pour me prendre dans ses bras, toujours plus sentimentale depuis que je me suis retrouvée enfermée au Conseil. Elle ne me lâche pas ou presque, comme si je pouvais disparaître. Je ne m’en plains pas, je l’adore et je suis ravie qu’elle fasse partie de notre grande famille.

— Ne pleure pas, hein ? gloussé-je. Faut que tu arrêtes les câlins, Mathilde ronchonne à chaque fois et elle va finir par me tuer !

— Mais non ! Elle sait bien que j’ai besoin de câlins tout le temps, et je peux t’assurer que ceux que je partage avec elle sont carrément plus hot !

— Je me doute ! Tu veux bien amener les bouteilles dehors ? Je vais aller me complaire dans le bonheur une minute.

Je dépose une bise sur sa joue et vais entrouvrir la porte de la salle de bain, me postant contre le battant pour observer Malcolm papouiller Lucie avec tendresse. Appelez ça comme vous voulez, chute d’hormones, sensibilité exacerbée, faiblesse passagère, mais j’ai mal aux joues à force de sourire et les yeux humides chaque fois que je les observe tous les deux.

— Tout se passe bien, ici ?

— Non, c’est la crise. Il y a un manque de bisous qui a été signalé au Conseil. Le recyclage est la solution envisagée, mais… peut-être que tu as encore des réserves qui pourraient tous nous sauver ?

— Qui s’est plaint ? Toi ou la petite princesse de son papa ?

— Elle l’a dit en gazouillis, mais en tant que papa responsable et généreux, je prends la dose qui était prévue pour elle et je lui redonnerai quand elle sera plus grande, répond-il en m’enlaçant.

— Tu risques l’overdose, Chéri, fais attention quand même, soufflé-je avant de l’embrasser tendrement.

— Je crois qu’avec toi, je suis toujours en underdose, mon Amour.

Je contiens de peu le soupir énamouré qui pointait entre mes lèvres et niche mon nez dans son cou comme j’aime tant le faire. J’ai toujours cette impression d’être dans un cocon lorsque je suis dans ses bras, et j’espère que notre fille ressent la même chose. Quoique je n’en doute pas vraiment, puisque les bras de son père sont l’endroit où elle préfère s’endormir. Pour preuve, elle a déjà rejoint Morphée et les deux parents niais que nous sommes l’observons dormir, imperméables aux rires et aux conversations qui nous parviennent depuis l’extérieur. C’est Moune qui nous ramène à la réalité en frappant doucement à la porte alors qu’elle nous observe d’un air attendri. C’était sans doute la plus difficile à convaincre, mais depuis qu’elle a vu sa petite fille, et peut-être même avant, après avoir passé pas mal de temps à la maison avec Malcolm et moi, elle semble être la plus sereine de mes deux mères. Comme quoi, tout est possible !

— Vous savez qu’elle sera toujours là dans trois heures ? Quand elle pleurera pour manger, encore ? sourit-elle. Venez profiter de vos invités, ça ne vous fera pas de mal non plus.

— Justement, on savoure quand elle dort aussi, chuchoté-je alors que Malcolm sort de la salle de bain pour aller la coucher dans le petit couffin qui m’a accueillie lorsque j’étais moi-même un bébé.

Je crois qu’il n’y a pas de mots pour exprimer ce que je ressens chaque jour. Je suis tellement reconnaissante envers chaque habitant de l’île qui s’est mobilisé pour nous sauver, Lucie et moi… Je mesure la chance que j’ai d’avoir cette amie un peu dingue qui a soutenu l’homme de ma vie dans cette bataille, d’avoir des mères aussi impliquées dans notre vie, qui ont accepté notre histoire et font en sorte que Malcolm, qui n’a plus ses pères, se sente pleinement inclus dans la famille.

Je me plante devant la baie vitrée et observe cette famille un peu tordue, pleine de pièces rapportées, mixte, où chacun semble trouver naturellement sa place. Dans quelques mois, elle s’agrandira encore, mais je suis la seule au courant, après les intéressés bien sûr. Zoé et Oliver, vont eux aussi connaître le bonheur d’accueillir un enfant né de l’amour, après tout ce qu’ils ont vécu. Si ça, ce n’est pas un bon gros doigt d’honneur au Conseil…

— Promets-moi qu’on ne les invitera pas trop souvent quand même, gloussé-je quand Malcolm se colle dans mon dos alors que Mathilde balance un verre d’eau au visage d’une Liz hilare qui se moque d’elle.

— Je ne peux pas te promettre ça, j’adore trop ces moments de plaisir simple. Ou alors, on bannit juste Liz ? rigole-t-il en posant ses lèvres dans mon cou.

— Je te laisse lui annoncer alors ! Je préfère autant que ce soit toi qui attires ses foudres. Moi aussi, j’adore ces moments. J’ai l’impression d’être plus épanouie que jamais, et… libre, ça fait un bien fou.

— Si on était vraiment libres, murmure-t-il à mon oreille, on serait sans vêtements et en train de faire des choses que l’ancien Conseil réprouverait…

Un frisson me parcourt l’échine à ces pensées. Ou bien est-ce son souffle contre ma peau ? Toujours est-il que ma libido fait sa réapparition, malgré la fatigue. C’est bancal, mais c’est là, et la boule d’envie qui se loge au creux de mon ventre me pousserait presque à enfermer la famille dehors pour traîner mon poète au premier étage dans la seconde.

— Merci, Malcolm, soufflé-je en me retournant pour l’enlacer. Merci pour tout. Pour ces moments interdits où je me suis sentie plus vivante que jamais, pour t’être battu pour nous quitte à prendre des risques insensés, pour hier, pour aujourd’hui. Tu es un homme formidable, tu le sais, ça ?

— C’est notre amour qui est formidable. Il a renversé l’ordre installé sur cette île. Espérons qu’il sera assez fort pour nous aider à influer au niveau global pour qu’on arrive à une société plus écologique et plus juste. Tu crois que l’on peut y arriver ?

— Je ne sais pas, et égoïstement, j’ai surtout envie de penser à nous, pour le moment. Tu veux bien enlever ta casquette de membre du Nouveau Conseil et me dire que tu m’aimes ? le taquiné-je en l’attirant contre ma bouche.

— Je t’aime, Jade, bijou de ma vie, parure de mon existence. Maintenant et jusqu’à la fin des temps.

Le soupir énamouré de tout à l’heure passe finalement la barrière de mes lèvres et je l’embrasse avec fougue. Mon monde tourne rond, bien loin de cette époque où je me sentais seule, où j’étais privée de recevoir un amour si fort qu’il m’en donne parfois le tournis, privée de donner de l’amour à un enfant alors que j’en crevais d’envie. Il a raison, notre relation a permis à beaucoup de couples hétéros de se libérer et c’est une fierté que nous portons humblement, mais qui nous rappelle combien l’amour peut rendre heureux. Et cet amour, je ne veux plus jamais m’en passer. Jamais.

Fin

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