70. Aussi belle que rebelle

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Liz

Je n’en peux plus de ce foutu vélo. Je rêve de retrouver mon bon vieux SUV confortable avec la clim et la musique à fond. C’est peut-être l’une des choses qui me manque le plus, ici : la musique. Franchement, il y a tellement de restrictions que peu de musiques passent sur leur radio pourrie. Moi, j’ai besoin de danser, de me déchaîner sur un rythme de folie, de laisser parler mon corps et de sentir résonner les basses dans ma cage thoracique. Et certainement pas d’avoir l’impression de crever sur cet engin de malheur à chaque côte que je dois franchir. Quel cauchemar !

Forcément, Mathilde n’est pas dans sa maison lorsque je frappe. Vu l’heure, elle doit bosser je ne sais où dans la ferme, et j’ai déjà les cuisses en feu, les pieds qui me brûlent d’avoir passé ma nuit à marcher, et les épaules lourdes et douloureuses. Mais je ne me plains pas, du moins j’essaie, et quand mon cerveau commence à trop grogner, je pense à Jade qui subit je ne sais quoi, histoire de me rappeler qu’il y a toujours pire.

Je pars donc à la recherche de ma nana, et la retrouve en train de bichonner ses vaches. Franchement, pour la citadine que je suis, qui aurait cru que je pourrais tomber amoureuse d’une fermière qui passe plus de temps dans ses bottes en caoutchouc qu’à poil dans mes bras ? Les faits sont pourtant là, Mathilde me rend dingue, et dans le bon sens du terme. Elle est posée, toute douce, gentille et souriante. Volontaire et battante, aussi. Et foutrement sexy. Ouais, je comprends que Jade ait pu craquer.

— Salut, toi ! l’interpellé-je en approchant.

— Oh, voilà la plus belle ! Tu me reviens enfin ?

— J’aimerais revenir en meilleur état et avec de jolies nouvelles, mais…

Je soupire et me pose contre la barrière. J’ai l’impression que l’adrénaline quitte finalement mon corps après des heures d’occupation, et je crois bien que mes nerfs vont lâcher. Je veux bien aider Malcolm, je crois que j’ai assuré dans la forêt, sérieusement. Il a arrêté de réfléchir, n’était guidé que par ses sentiments alors qu’il fallait penser et anticiper. Si je n’avais pas été là, c’est clair qu’il aurait fini recyclé direct, lui… Et maintenant que je suis de retour à la ferme, que j’ai fait ce que j’avais à faire ou presque, je me rends compte que j’ai un poids énorme sur les épaules.

— C’est la merde, Mathilde, vraiment la merde, marmonné-je.

— A ce point-là ? me demande-t-elle inquiète en s’approchant de moi. Tu veux me raconter ou tu veux juste que je te fasse oublier jusqu’à ton prénom ? ajoute-t-elle en déposant un baiser sur mes lèvres.

La proposition est tentante, franchement. Et dans un autre contexte, j’aurais déjà accepté, mais c’est Jade, pas une quasi inconnue. Jade qui m’a accueillie, qui m’a rassurée, s’est occupée de moi. J’ai le cerveau qui va imploser.

— Je ne dirais pas non, mais j’ai besoin de toi pour autre chose, Choupette, soupiré-je en l’enlaçant. Jade s’est fait choper par les gardes, donc ils ne sont pas partis…

— Oh non ! Pauvre Jade ! Surtout dans son état… C’était de la folie, leur expédition, mais je croyais vraiment qu’ils y arriveraient. C’est terrible, ça… Je suis contente que tu sois saine et sauve, toi, murmure-t-elle en venant chercher ma bouche pour un baiser tendre et amoureux.

— Hum… Je n’arrive pas à me réjouir de savoir que Malcolm et moi, on s’en sort alors qu’elle… Bref, je… Mathilde, je suis désolée, mais je suis allée voir les mères de Jade pour leur annoncer et je leur ai proposé de se réfugier ici pour éviter le Conseil et réfléchir à ce qu’on pourrait faire. Tu m’en veux ?

— Oh non, tu as bien fait, me répond-elle immédiatement, sans réfléchir. J’aurais fait pareil à ta place. Et puis, elles peuvent se réfugier dans la grange. Je suis presque sûre que personne, pas même les gardes du Conseil n’iront les trouver là.

— Merci. Je savais que tu avais une âme de rebelle, ma belle, gloussé-je en lui pinçant la fesse. Est-ce que je t’inclus dans notre plan diabolique avec le bibliothécaire sexy ?

Elle s’écarte un peu de moi et me regarde, surprise de ma proposition, en plissant les yeux.

— Tu veux faire un plan à trois avec un mec ? C’est pour ça que tu soutiens Jade et Malcolm ?

— Bon dieu, vous ne pensez vraiment qu’à ça, ici, m’esclaffé-je.

Ok, je ne lui avouerai pas que j’ai déjà eu ce genre de pensées. Surtout qu’elle n’a pas l’air vraiment open, elle.

— Non, Choupinette, détends-toi ! Je parle d’un plan pour faire libérer Jade et permettre à cette petite famille de vivre tranquilou ici. De toute façon, le bibliothécaire est raide dingue de la doc, autant te dire que j’ai eu l’impression d’être transparente à chaque fois que j’étais avec eux.

— Avec moi, tu n’es jamais transparente, au moins. Mais c’est quoi votre plan pour les libérer, alors ? Ce n’est pas trop dangereux ?

— Tu me rassures, souris-je en l’attirant à nouveau contre moi. Le plan est simple… Tu te rappelles quand je t’ai parlé de ma première manifestation ? Le blocage de mon lycée ? Eh bien… on va bloquer l’île. Enfin, en théorie. Disons qu’il faut qu’on motive les gens au maximum pour paralyser la machine et montrer au Conseil que s’il n’écoute pas le petit peuple, il est mal.

— Bloquer l’île ? Mais ça veut dire quoi, concrètement ? On ne peut pas empêcher les gens de bouger, quand même !

— Non, mais on peut empêcher le déchargement de la marchandise, fermer les boutiques, empêcher l’école d’ouvrir… Tu vois ce que je veux dire ? L’idée, c’est de leur montrer que sans vous, le Conseil n’est rien, et qu’ils ont tout intérêt à vous écouter et vous prendre davantage en considération. Enfin… sans nous, je veux dire.

— Tu sais que tu es folle, toi ? Pour faire ça, il faut qu’on soit nombreux ! Sinon, c’est le recyclage assuré !

— Je sais bien, soupiré-je. Justement, j’ai besoin de toi, ma belle. Je ne connais pas assez les gens de l’île pour savoir qui je pourrais mobiliser sans souci. Tout ce que je sais, c’est que les enfants ont une grande place dans votre vie et qu’on peut appuyer là-dessus pour mobiliser les troupes… Tu penses que tu peux m’aider ?

Je la vois réfléchir un instant alors qu’elle caresse doucement mes cheveux, les yeux perdus un peu dans le vague.

— Oui, je devrais pouvoir t’aider. Je pense que je peux faire passer le mot à mes clientes. Enfin, celles qui pourraient être ouvertes. Et moi, je peux participer aussi, à ma façon. Je peux arrêter de vendre mes productions au Conseil, par exemple. Tu en penses quoi ? Ce serait utile ?

— Ce serait très utile, ça, ma belle ! Bon sang, je te jure que si on n’avait pas un planning chargé pour sortir Jade de là, je te sauterais dessus. Tu es encore plus excitante en mode rebelle !

— Je crois que tu as bien un peu de temps à nous accorder, Lizounette, répond-elle en m’enlaçant. La révolution peut attendre, pas moi.

— Très bien, je te donne cinq minutes et je te promets de te faire décoller. Mais ça urge un peu quand même, faut pas l’oublier.

Cinq minutes… ça peut paraître peu, mais le corps de Mathilde est une merveille de sensibilité. Chaque zone érogène est visitée, et je me nourris de ses gémissements pour reprendre des forces pour la bataille suivante. Avec une alliée de taille, aussi belle que rebelle.

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