Le dessin

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Un trait sur le papier. Un peu de charbon étalé sur le grain fin de la feuille blanche. Un deuxième, un peu plus hasardeux, entrecoupé en plusieurs sections inégales. La main se relève, la gomme se porte aux lèvres de la dessinatrice rêveuse. Elle pense. Que va-t-elle faire ? Une nouveauté ? Un dessin maintes fois répété ? Un sourire s’épanouit sur le visage pâle. Elle sait. La mine redescend rapidement mais se stoppe à un millimètre de la page. Est- ce sûr ? Ne va-t-elle pas le regretter ? Non. C’est bon. Libéré, le poignet fait glisser le crayon allègrement.

Lentement, doucement, la forme se précise. Une tête apparait, suivie d’une paire d’yeux, un nez et une bouche en cœur. Les coups se font plus précis et les détails approfondissent le visage légèrement ovale. La dessinatrice sourit de plus belle, fière de ce qu’elle fait. Cependant, elle ne s’arrête pas, laissant descendre le crayon plus bas sur la page pour tracer un cou délicat, des épaules étroites, une poitrine haute, une taille fine, des hanches généreuses, des jambes longues et galbée et enfin des petits pieds tous mignons. La silhouette terminée à coups légers, elle appuie un peu plus, ajoutant des vêtements sur ce corps féminin. D’abord un pantalon et des talons hauts puis un petit pull oversize à moitié rentré dans le denim.

Maintenant, un décor. La gomme remonte vers la bouche, tapote les lèvres. Que faire ? Un paysage ? Rural ou urbain ? Pendant quelle saison ? À la vue de la tenue, l’été est exclus. L’hiver aussi. Ce n’est largement pas assez chaud. Une idée surgit. Un petit parc, au milieu de la grande ville, style Central Park de New-York, au début du printemps. Les fleurs éclosent sur le sol et les feuilles poussent sur les branches des arbres qui se remettent du vent et de la neige de l’hiver passé.

L’ensemble plait à la dessinatrice mais elle se pose encore une dernière question : couleurs ou juste en noir et blanc ? Si elle choisit les couleurs, elle sait qu’elle fera au crayon léger ou à l’aquarelle diluée. Des couleurs plus pastelles, rien d’agressif pour sa jeune filles, heureuse de se promener dans le parc ressuscité. Oui, c’est une bonne idée.

Elle va chercher sa palette, ses pinceaux et un verre d’eau. Doucement, elle trempe le bout des poils artificiels dans le liquide transparent puis les pose sur le gris. Rapidement et efficacement, elle peint les buldings qui constituent l’arrière-plan du dessin. Elle continue avec le parc en lui-même. Les arbres en un brun-beige, superposant différentes couches pour donner du volume et des petites touches vertes pour le feuillage bourgeonnant. L’herbe a déjà sa couleur verte intense. Certains brins ressortent plus que d’autres, mis en avant par un vert plus foncé. Les fleurs se font multicolores, passant du rouge profond des premières roses au blanc des petites pâquerettes sauvages.

À elle maintenant. Le denim du pantalon est un malin mélange de blanc, de bleu ciel et de bleu roi. Les talons sont noircis au feutre ; l’aquarelle aurait été trop légère pour une paire d’escarpins vernis. Le pull se pare d’un jaune pâle avec des lignes un peu plus ocres pour le dessin côtelé du lainage.

Une fois les derniers détails du jeu d’ombres et de lumières fini, la dessinatrice soulève une dernière fois son pinceau, observe son travail, sourit, lève la tête et regarde par la fenêtre qui ne montre plus que le noir d’encre de la nuit. Elle se lève, s’étire et s’en va, laissant son dessin sur la table. Elle ne remarquera pas que sa jeune fille lui adresse un clin d’œil et que son sourire s’est agrandi.

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