{Capucine} : Dispute sous le signe de la calomnie

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Les abords de la ville laissaient transparaître une atmosphère étouffante. En apercevant le regard morne de mon acolyte, je ne pus m’empêcher de l'interroger sur son état de santé. Ce fût, sans grand succès. Il dissimulait ses émotions derrière une insolente chape de plomb. Une question me titillait l'esprit. Pourquoi ne souriait-il pas ? Il aurait dû se réjouir. Notre périple venait de prendre fin. Il pouvait à nouveau vaquer à son occupation favorite qu’est l’oisiveté, mais même sa grande passion n’avait grâce à ses yeux.

On aurait dit qu’un acteur chevronné avait pris possession de son corps, incarnant à la perfection, le rôle d’un espion en pleine guerre froide. Ses réponses étaient froides et dénuées de sincérité. Une scène, digne d’un véritable interrogatoire de la Stasi, où un jeu de ruses s'instaure entre l’accusateur et l’accusé.

Il me jaugea de la tête au pied sans rien remarquer d’étrange. Puis il fronça les sourcils… À ce moment précis, tout changea. Il eut une attitude de défiance à mon encontre. Il s’effaça petit à petit de mon champ de vision pour disparaître dans la pénombre.

Mot d’ordre : Ne pas flancher devant la délatrice Notre amitié s’envola dans les affres d’un temps révolu. Toutes ses années à vivre ensemble parties en fumée ! La confiance disparaît si vite, alors qu’elle est si lente à pointer le bout de son nez !

Mon esprit nageait en pleine confusion. Un informateur au visage méconnaissable se présentait devant moi. Il avait en sa possession des preuves accablantes à l’encontre de Pablo. D’après ses allégations, ma personne était la cible d’un complot dans l'unique dessein de me nuire gravement.

Si j’avais eu pour mère, la sagesse, elle m’aurait appris à ne pas tendre une oreille trop attentive aux scandales. Sauf qu’une curiosité maladive gagna peu à peu mon esprit. Au lieu de m’aider à mieux comprendre les choses du monde, elle voulait que j’entasse des montagnes de futilités. Comme dit l’adage, moins on en sait, mieux on se porte.

Impossible de partir sans connaître le fin mot de l'histoire, même j’allais devoir y laisser des plumes. Une question restait sans réponse. Quel intérêt avait-il à me divulguer ses informations ?

Mes yeux se posèrent sur sa silhouette pour y déceler un indice. Sa petite bouille me rappelait les moments de douceur avec mon frère de coeur. À en juger par la pâleur de sa peau, il était au bord du précipice. J’eus subitement peur pour lui, ôtant toute considération pour ma personne. Je ressentais le devoir impérieux de le sauver, sans toutefois arriver à mettre des mots sur ses maux.

Il me supplia à genoux de l’écouter. Je le relevais pour l’attraper dans mes bras, et ne jamais la quitter. Il me secoua, et sa voix devint tout d’un coup solennelle. La panique s’invita dans ma demeure. Es-tu prête à assumer les conséquences de la vérité ou préfères-tu rester dans le cocon douillet du mensonge ? Ce fut les mots qu’il martela en guise d’avertissement.

Mes émotions me submergèrent, et le doute me plongea dans une grande perplexité. Je ne sus, ni quoi dire, ni quoi faire. Il me secoua à nouveau dans l’attente d’une réaction… mais rien !

Voyant mon inaction,et ne pouvant supporter de ne rien me dire. Il passa aux aveux. Capu, je n’arrive plus à dormir depuis que j’ai appris que Pablo se moque de toi. J’en été sûr, et pourtant, je me suis berné comme toi par ses belles paroles ! Écoute-moi Capu, je t’en pris, s’alarmait-il en posant ses deux mains ouvertes sur mes joues. Les hommes. Oui, les hommes sont tous des pervers de la pire espèce ! Ils usent de stratagèmes pour attendrir ton coeur, et après ils te le brisent en mille morceaux. Tu es trop gentille, ma pauvre Capu.J’ai peur que tôt ou tard, ta naïveté te rendra aigrie ou pire encore… te tuera de désespoir, sanglotait-il de désespoir.

Je lui dis en rigolant que c'était certainement une méprise. Surtout, que ce dernier n’a jamais osé profiter de moi. Peut-être que son imagination débordante lui jouait des tours. De plus, Pablo ne me devait rien. Qui suis-je pour lui interdire de parler à d'autres que moi ?

Il considéra ma posture comme un affront envers sa petite personne. Les insultes contre mon infamie fusèrent. Qu’est-ce que tu peux être conne, quand tu t’y mets ! Tu veux que je te montre sa traîtrise ? Je vais te la montrer ! Il sortit avec précipitation le portable de notre compagnon, qui le lui avait volé.

Rends-le lui, récriminai-je, horripilé par son manque de scrupule à voler des affaires, qui ne lui appartiennent pas. Il s’affranchit de tout jugement moral, et continua sa fronde contre celui qui allait devenir son ennemi juré. Il trouva bien une discussion avec des messages incriminants, mais celle-ci n’était qu’un échange banal entre deux personnes très proches.

  • Giulietta : J’ai adoré te revoir. Tu me manques déjà. On passe de si bons moments ensemble, que ton absence crée un vide que le temps ne remplit pas. Si cette chose ne me menait pas la vie dure, je voudrais rester éternellement en ta présence.
  • Pablo : Tu me manques aussi. Ton sourire est une merveille que j’aime à contempler. Tes yeux sont des rayons de soleil, qui illuminent mes journées maussades. Tu seras toujours ma petite princesse, la seule et l’unique. Tu grandis si vite, ta beauté est comme un diamant qui s’affine avec le temps.
  • Giulietta : Arrête… Tu vas me faire rougir de honte ! Moi qui n'ai rien d'autre que ma compagnie à t’offrir, mi caballero
  • Pablo : C’est déjà trop pour moi…

De prime abord, je compris parfaitement que ce dialogue ne concernait en rien une quelconque passion amoureuse. Au lieu de condamner son attitude, et de fuir sa présence. Chose hautement louable. Mon coeur tendre voulut que je reste en sa présence pour éclaircir son incompréhension.

Le calomniateur me questionna sur chaque mot de la discussion pour en comprendre le sens. Infortuné est mon esprit intuitif dans ce genre d’exercice. J’arrivais bien à appréhender les choses du monde dans leur ensemble, mais je n’avais pas le souci de la perfection. J’ai bien essayé de répondre à ses questions, mais mes réponses étaient bien évasives.

On aurait dit qu’il prenait un malin plaisir à accumuler les éléments sans réponse nette. La défiance s'immisçait peu à peu dans mes pensées. Ce qui eut pour effet de rendre ma mémoire capricieuse, et mes réponses de plus en plus confuses.

Je devais tirer tout ça au clair, mais comment faire quand on ne sait pas par ou commencer ? Des pensées foisonnantes distrayaient mon esprit égaré. Les sens s’aiguisèrent dans le but d’obtenir une solution à ma torpeur. Ce n’eut que pour seul effet de m'assommer de fatigue.

Le moment de l’abdication venait de sonner. Le calomniateur vit son heure de gloire arriver. Donc, maintenant tu vois que j’avais raison ! Cette phrase à elle-seule lança les hostilités. Venant à la rencontre de l’inculpé, il entama alors une discussion avec lui.

  • Tiens ton portable. Dis-donc, tu nous as pas dit que tu étais un véritable Don Juan.
  • Pardon ? répondait Pablo, interloqué par cette accusation
  • Oui, une certaine Giulietta ne te dit rien ?
  • Si, c’est ma soeur, pourquoi cette question ? A ces mots, mon amour reconnut la vérité.
  • Vous êtes un peu proches pour des frères et soeurs, non ?
  • Oui, sa maladie nous a rapprochés. Elle est si chétive de nature que je me suis juré de la chérir jusqu’à mes vieux jours. A ces mots, mon amour voulut le consoler dans mes bras.
  • Aide-moi à bien saisir le sens de ta phrase, s’il-te-plait. Quand tu dis chérir ? Tu veux plutôt dire lui mettre deux-trois coups de reins, et la faire beugler toute la nuit ? A ces mots, mon amour voulut réprimander son auteur.
  • Ah, c’est donc ça… Tu sais que la jalousie est un vilain défaut, qui au lieu de sauver l’amour, le tue ? Bon, je crois que ma présence n’est plus nécessaire avec vous. Et à ces mots, mon amour pleurait une vallée de larmes.

Pablo partit au loin. Je courus à sa suite. Il se retourna pour m’adresser ses derniers mots.

  • Ton heure n’est pas encore venue. Le jour où tu te sentiras prête. Reviens me voir.

Une vive colère m’anima envers mon compagnon et ami.

  • Comment as-tu osé émettre de tels propos obscènes envers sa sœur ? Franchement, tu me déçois ! Je te pensais beaucoup moins vicieux, grondai-je avec insistance pour qu’il réalise sa faute.
  • Non, mais tu ne vas tout de même pas croire ses bobards sur sa prétendue soeur ? J’aimerais bien avoir une sœur pareille. Assénait-il d’un rire narquois insupportable.
  • Arrête ! Je t’interdis de tenir de tels insinuations envers une petite bouille malade Honnêtement, je ne te reconnais plus. Dire que j’ai vécu tant d’années avec un illustre inconnu. Fustigeai-je envers lui avec le vague espoir qu’il se repent de ses fautes.
  • Ah c’était donc ça. Peut-être que moi aussi, je ne te connais pas si bien. En fait, ton air de Sainte-Nitouche n’est qu’un attrape-nigaud. Lorsque le premier étalon bien bâti arrive. tu sautes sur lui comme une dévergondé. L’amour grandiloquent auquel tu loues tous tes bienfaits n’est qu’un cache-misère pour que nul ne voit tes vices abjectes. Hein avoue, tu aimerais bien qu’il te fasse couiner, et qu’il te déboîte dans tous les sens comme un sagouin

Scandalisée par de telles insinuations envers ma dignité, je partis en trombe vers l'hôtel. Bien décidée à ne plus lui adresser la parole. Il n’a jamais su à quel point son jugement de valeur m’avait heurté dans ma condition de femme. Mon amour propre voulut déclenché un déluge de représailles contre celui-ci..

Il n’y a rien de plus dur à supporter que l’opinion sévère d’un proche sur nous, surtout quand on fait tout notre maximum pour être aimé de lui. Le monde idyllique que j’avais bâti venait de s’écrouler, comme un château de cartes.

La fin du voyage allait plus ressembler à une descente en enfer qu’à une croisière. Que va-t-il advenir de notre amitié ? Seul l'avenir nous le dira !

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