Lune d'automne

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La douleur, d'abord diffuse, échauffait son corps désarticulé sur le matelas de feuilles automnales. Le climat tempéré de la région offrait à la nature des tons chauds par ce mois d'octobre, le rouge, l'orange et le brun se mariaient sous la lueur froide de la pleine lune.

Pourtant, ce tableau bucolique s'entachait de la mare de sang dans laquelle il gisait. Dans son agonie, il savait qu'il devrait grelotter, que le voile glacé de la mort devrait envelopper son corps ; mais il brûlait de l'intérieur. La peau autour des profondes morsures, déchirée, arrachée, irradiait ; des spasmes secouaient son pauvre corps meurtri et abandonné à l'oeil blafard qui perçait le ciel étoilé de cette nuit.

Un sinistre craquement lascéra son linceul de silence, accompagné par son hurlement de détresse. Pitié. Pitié. Plus de douleur. Plus de peur. Pitié. Des perles salées roulèrent sur ses joues rebondies et tachetées, de ses maigres forces, il serra une poignée de feuilles mortes alors qu'un autre de ses os se rompait et lui arrachait un cri tout aussi brisé que le premier. Son corps se déformait sous la pression de ses muscles et il n'eut bientôt plus que la ressource de gémir, misérable pantin soumis au venin qui se diffusait dans ses veines, vulnérable. 

A grands renforts de bris, de tremblements, de plaintes, ses membres changèrent de forme, bougèrent de la place qui leur était attribuée. Son crâne s'allongea. Ses vertèbres transperçèrent le bas de son dos, il se retourna ; sur le ventre, il se cambra et hurla d'une voix qui n'avait plus rien d'humain. 

La chaleur ardente se dissipa, mais la fraîcheur de la nuit glissa sur ses poils sans atteindre sa peau. Il haletait, l'adrénaline bouillonnait encore dans son coeur affolé. Une multitude d'informations l'assaillirent. Le chant d'un hibou, une brindille, le vent dans la canopée, les ailes d'une chauve-souris, le hérisson qui gambadait au loin, le papillon de nuit dissimulé sur l'écorce d'un bouleau, l'odeur de humus humide, le sang, la faim... Ce tourbillon emporta les restes de sa souffrance aux confins de son esprit.

Il rassembla son courage pour se remettre debout, ses membres tremblèrent, affaiblis et tendus comme s'il avait monté et redescendu les escaliers de la tour Eiffel. Une fois stable sur ses quatre fers, il remarqua que de larges pattes aussi poilues que griffues remplaçaient ses mains. Une épaisse fourrure de feu les recouvraient ; il gratta son lit de feuilles, juste pour s'assurer qu'elles étaient bien les siennes. Un lycan, il ne prit même pas la peine d'être surpris, bercé de ces histoires à la mode à son époque. La panique non plus ne le saisit pas. L'excitation, oui. 

Il se dressa, fier, il ignorait par quoi commencer. Il voulait tout faire, tout tester, tout ressentir. Ses premier pas hors de son nid de vêtements en lambeaux furent timides, il se dégourdissait ; un trot suivi et la soif de courir le submergea. Il s'élança sous le couvert des arbres, sauta les obstacles, manqua de glisser sur le matelas déchu des arbres. Il ignorait son chemin, son instinct le guidait. 

Le coeur tambourinant, il se figea sur un promontoir, avança au bord, inspira du plus profond de ses poumons et hurla à la lune pendant de longues secondes exaltées. Merci. La nature. La liberté. Merci. Merci. Il contempla le paysage qui s'offrait à lui, le souffle court, l'esprit clair. 

Des hurlements lui répondirent alors, l'accueillant dans ce monde. 

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