Il y a bien longtemps, il existait des serpents à écailles, comme nous les connaissons aujourd’hui, mais aussi des serpents à plumes et des serpents à fourrure. Qui se ressemble s’assemble, les serpents à plumes étaient amis avec les oiseaux, les serpents à écailles avec les crocodiles et les serpents à fourrure avec les chats. À cette époque-là, les chats n’avaient pas de queue. Ils n’avaient rien au bout du dos. Ça n’était pas bien gênant pour eux.

Puis un jour qu’ils mangeaient tous ensemble à la même table, les serpents à écailles se mirent à se vanter :

— Nous sommes la meilleure espèce de serpent. Nos écailles forment un vrai bouclier, chose que les autres n’ont pas. Ils ne sont que des sous-races.

Vexés, les serpents à plumes répliquèrent :

— C’est toi et les serpents à poils, les sous-races ! Nous avons des plumes de toutes les couleurs, irisées, à pois, zébrées, vous n’êtes que des mochetés en comparaison !

— La beauté ne fait pas tout, protestèrent les serpents à poils. Vos plumes sont inutiles ! Notre poil nous tient chaud et on n’a pas à rester des heures au soleil sur un caillou pour se réchauffer ! Les sous-races, c’est vous deux !

Les serpents se regardèrent tous et s’en allèrent tous en même temps. Sans un mot de plus, tous savaient que la guerre était déclarée. Par le jeu des alliances, les chats, les oiseaux et les crocodiles entraient aussi en guerre.

Il ne fallut pas longtemps pour avoir la première victime, c’était un pauvre serpent à écailles qui se fit picorer et dévorer par un cariama huppé, l’un des rares oiseaux à avoir des cils. Il était très fier de ses plumes et se vengea sur le premier serpent à sa portée. C’était un serpent à écailles. Il aurait préféré avoir un serpent à poils qui l’avait insulté, mais ce n’était que le premier d’une longue liste.

La guerre fut longue, les batailles terribles. Il devint rapidement évident que les serpents à écailles gagneraient : leurs amis crocodiles étaient de véritables tanks. Ceux qui en écrasaient un étaient si rares qu’ils devenaient automatiquement des héros.

Tous les serpents sont très sages et très prudents. Ils sont si sages qu’il est d’ailleurs étrange qu’ils se soient laissés entraîner dans cette guerre. L’orgueil sait faire oublier la raison. Ce furent les serpents à poils qui se ressaisirent les premiers : ils virent leurs forces et celles de serpents à plumes diminuer. Ils tinrent conseil et conclurent qu’il fallait arrêter la guerre. Ils envoyèrent des ambassadeurs chez les serpents à écailles et chez les serpents à plumes. Mais les ambassadeurs revinrent décapités.

Alors, ils discutèrent avec leurs amis les chats :

— Nous ne gagnerons jamais. Si nous voulons survivre, il nous faut nous cacher. Avez-vous une idée ?

— Cachez-vous dans l’eau, ils ne vous retrouveront pas, conseillèrent les chats.

Les serpents à fourrure se mirent à l’eau. Ils se cachèrent dans les rivières, dans les lacs, dans les océans. Mais ils étaient retrouvés soit par les serpents de mer à écailles, soit par les oiseaux. De plus, l’eau mouillait leur fourrure et ce n’était pas agréable du tout. Après de nombreuses pertes, ils décidèrent de regagner la terre ferme et de retourner voir leurs amis.

— Cachez-vous dans les arbres, ils ne vous retrouveront pas, conseillèrent les chats.

Les serpents à fourrure se cachèrent dans les feuillages, entre les troncs, mais ils étaient très facilement détectés par les oiseaux et les serpents qui vivent dans les arbres. La journée suffit pour comprendre qu’ils n’allaient pas survivre comme ça. Ils se retrouvèrent le soir avec les chats et expliquèrent la faille de leur cachette. Les chats dirent :

— Ils vous retrouveront aussi bien dans l’eau que dans les airs ou sur les terres. Il n’y a plus qu’une seule solution : cachez-vous sur nous. Agrippez-vous à la base de notre dos, nous dirons que nous avons voulu avoir une queue comme les chiens.

Alors les serpents à poils choisirent chacun un chat qui correspondait à leur fourrure et s’agrippèrent le plus fort possible. Le lendemain, il n’y avait apparemment plus de serpents à poils dans le monde. Intrigués, les serpents à plumes envoyèrent un ambassadeur chez les chats :

— Savez-vous où sont les serpents à poils ? demanda l’ambassadeur.

— Les serpents à écailles, ces maudits, les ont exterminés, pleurèrent les chats.

L’ambassadeur repartit, content d’avoir un ennemi en moins dans cette guerre, mais vexé que les serpents à écailles aient prouvé en partie leur supériorité en exterminant les serpents à poils.

Tout aussi étonnés, les serpents à écailles envoyèrent aussi un parlementaire chez les chats :

— Savez-vous où sont les serpents à poils ? demanda le parlementaire.

— Les serpents à plumes, ces démons, les ont massacrés, sanglotèrent les chats.

Le parlementaire repartit, lui aussi à la fois vexé et content. Puis le temps passa, les serpents à plumes disparurent à leur tour, laissant sur terre, seulement les serpents à écailles que nous connaissons. L’animosité reste présente : les serpents avalent les œufs d’oiseaux, les oiseaux avalent les serpents, les chats chassent les oiseaux, car ils pensent que les serpents à plumes se sont cachés dans leur plumage.

Depuis le temps, les serpents à fourrure se sont totalement fondus dans les chats, voilà pourquoi les chats ont une queue.

Petit conte rapide qui m’a été inspiré par mon propre chat : elle était prudente comme un serpent et sa queue ne cessait de faire des ronds et des circonvolutions qui m’ont fait penser aux mouvements de ces petits reptiles.

PS : ne cherchez pas à corriger les répétitions : il y en a trop ! XD