Le Beau Temps

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Je lui tire la langue et une goutte fraiche tombe sur cette dernière. Je ris, toujours langue dehors, et mon rire s’intensifie en entendant le son de ma propre voix. Face à moi, le ciel, mon compagnon en ce jour de joie. J’aurais cru qu’il serait d’un bleu pâle, illuminé par un soleil brûlant… mais non. Le temps n’est jamais vraiment accordé à la situation, à part dans les films. En vrai, il se met à pleuvoir averses lorsque vous êtes tranquillement couchée dans l’herbe à vous délecter de votre propre bonheur.

- Mais j’m’en fous !

Comme vexée par mon ton, la pluie s’intensifie et mes cheveux se transforment en une masse fileuse détrempée. Mais peu m’importe, je suis trop occupée à savourer la fraicheur sur mes bras nus, le baiser des gouttes contre mes lèvres étirées en sourire.

Aujourd’hui, je suis libre.

Enfin !

Je me suis libérée. J’ai brisé les chaînes immatérielles qui lacéraient mon âme dans une étreinte dominatrice.

Sans besoin de personne, je peux consacrer tout mon temps à ce qui compte vraiment : être heureuse.

Je me lève, mes bras se dressent au-dessus de moi pour tenter d’approcher le ciel, et bientôt mon corps se laisse entraîner dans une danse avec l’averse. J’ondule comme la goutte qui roule sur les brindilles d’herbes, je saute en l’air comme l’eau qui rencontre la rivière. Je disparais dans le décor et, en même temps, j’en suis isolée par le rayonnement de ma propre aura.

Désormais, il ne pourra plus me toucher. Désormais, il ne pourra plus me censurer, m’empêcher d’agir, de dire, de penser. Je suis qui je suis. Et je ne suis plus sienne.

Je n’ai même plus envie de l’injurier, pourtant maintenant je pourrais prononcer à voix haute les noms que me soufflaient les voix de haine de mon esprit.

Non, je n’en avais plus besoin. Ça ne me ferait pas de bien. Tout comme lui il ne m’a jamais fait de bien…

La pluie cesse et je la regrette presque. Mais au moins, maintenant, je peux retourner à ma besogne. Je chasse d’un geste de la main la boue qui s’est accumulée sur mes vêtements et grimace devant celle qui à englouti mes chaussures.

Je me retourne, avec mes cheveux qui éclaboussent de concert avec mon mouvement, et il est là. Devant moi.

Je déglutis et, par reflexe, je recule et saisit ma pelle dans un geste de défense.

Mais il ne m’attaque pas.

Il ne bouge pas.

Il me fixe de ses grands yeux tristes… et vides.

Alors j’éclate de rire et j’enfonce ma pelle pour continuer le trou déjà bien ébauché.

- Quelle jolie tombe je te fais là ! dis-je à ses oreilles qui n’entendent plus.

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