Chapitre 5

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Au commissariat de Scotland Yard, l’effervescence s’était accentuée. La police scientifique avait fini par rendre ses résultats concernant l’affaire du soi-disant cambriolage. Les empreintes et l’ADN, retrouvés sur le cigare, correspondaient à ceux de Lord James Brixton.

— Pas étonnant que le Fantôme ne soit répertorié nulle part ! s’exclama Lawrence. Les dossiers relatifs aux Lord et Ladies ne sont accessibles qu’en cas de recherches précises.

Les pistes provenant des hautes autorités l’avaient amené à considérer, de manière plus franche, l’hypothèse avancée par ses hommes. L’homme retrouvé mort chez lui faisait partie d’un réseau mafieux de grande ampleur, sur lequel le Fantôme se reposait souvent. Un petit différend avait dû éclater entre les deux hommes, amenant le bandit, en l’occurrence James Brixton, à l’éliminer. Le Fantôme était enfin démasqué.

Un policier se précipita dans son bureau.

— Chef ! Lord Brixton sort de chez lui et il se dirige vers la Banque d’Angleterre.

— Amber avait raison, souffla le commissaire. Préparez-vous ! Je veux une équipe sur les lieux dans moins de dix minutes ! On va l’intercepter !

Il prit son arme avant de sortir de son bureau. Une équipe était déjà en formation, prête à agir.

— Dites aux renseignements que nous allons avoir besoin de renforts, ordonna-t-il. S’il est aussi rusé que la légende le raconte, mieux vaut prévenir que guérir !

Ce jour-là, Londres vit passer bien plus de voitures de police qu’en une seule année. Un homme aux cheveux noirs les vit également arriver, grâce aux caméras de surveillance qu’il avait hackées.

Un fait inexplicable se produisit alors : les voitures, lancées à vive allure, subirent une étrange malédiction. En effet, quelques minutes plus tard, des Klaxons retentissaient sur la grande avenue. Les véhicules de la police étaient tombés en panne au même moment, bloquant la totalité de la circulation. Le commissaire cria au complot et décida, à défaut d’autres possibilités, d'emprunter le métro. Il ne lâchait pas l’affaire, décidé à tenir le Fantôme en échec.

Ce dernier n’avait cependant pas encore dévoilé tous ses atouts. Derrière son écran, dans sa salle secrète, il pirata les serveurs du Transport for London. Dans les locaux de l’entreprise, près de Westminster, une petit clé USB se mit en marche. Par son intermédiaire, il put entrer dans les serveurs afin d’accéder à leur contenu. Il s’engagea ensuite dans une promenade de santé, puis arrêta les lignes souhaitées. En l’occurrence, les métros se rendant à la station Bank and Monument, dans lesquels devaient se trouver le commissaire Lawrence et son escadron de policiers. Le Fantôme ricana rien qu’à la pensée de ces hommes en tenue, déambulant, fébriles, parmi des citoyens ahuris.

A présent, il avait tout son temps pour braquer la banque d’Angleterre. Le TfL ne comprendrait pas, du moins dans l’immédiat, d’où venait le problème, et les serveurs allaient devoir être redémarrés dans l’entreprise. Une fois cela fait, les métros pourraient être remis en route.

Il prit sa Mercedes noire, puis roula jusqu’à la banque, évitant de passer par les rocades encombrées. Le final allait être grandiose.

De son côté, le commissaire Lawrence eut l’impression d’avoir été bloqué pendant une dizaine de jours dans le métro. Lorsqu’il vit la lumière filtrant à la sortie de l’Underground, une poussée d’adrénaline le saisit. Il avait l’impression que le Fantôme était tout près, et le traceur le confirmait.

— Ouvrez l’œil, ordonna-t-il à ses hommes. Il n’est pas bien loin.

S’assurant de n’avoir laissé passer aucun homme suspect, il fit signe à ses troupes de s’introduire dans la banque. La sécurité fut surprise d’une telle invasion, mais coopéra facilement. Au pas de course, Lawrence suivit un agent de la société à travers un dédale de couloirs menant aux coffres forts.

Tout à coup, le commissaire aperçut, au loin, des cheveux d’un noir profond. Son palpitant au bord de l’implosion, il fondit sur Brixton à l’instar d’un aigle sur sa proie. Il le tenait. C’était fini pour lui.

— Lord Brixton ! tonna Lawrence tout en lui passant les menottes. Je vous arrête pour meurtre.

Le couloir était bondé et il ne souhaitait pas déclencher la Troisième Guerre mondiale, ainsi se retint-il dénoncer la principale raison de son arrestation. L’homme d’affaire, quant à lui, ne semblait pas surpris, et gardait la tête haute tandis que la police lui énonçait ses droits.

ooo

Au poste de police, l’on fêtait la victoire de Scotland Yard. Les renseignements étaient arrivés afin d’interroger Brixton en bonne et due forme, c’est-à-dire en présence de son avocat. Le commissaire Lawrence, qui avait reçu maints discours dithyrambiques depuis l’arrestation, était également présent.

— Combien comptiez-vous dérober cette fois-ci ? demanda l’un des hommes.

James Brixton osa un regard à son avocat, lequel hocha la tête.

— Pas plus, ni moins que les autres fois, déclara-t-il.

Un courant glacial parcourut l’assemblée : il avouait ses méfaits sans résistance !

— Pourquoi avez-vous tué Albert Harbour ? questionna un autre.

James fut, pour la première fois, surpris. Il fronça les sourcils avant d'ouvrir la bouche, mais aucun son n’en sortit.

— Eh bien, vous avez perdu votre langue ? ironisa Lawrence.

— Je ne l’ai pas tué, répondit Brixton.

Le commissaire ricana.

— Et comment expliquez-vous que nous ayons retrouvé l’un de vos cigares à moitié entamé chez lui ?

— Je ne l’explique pas, bredouilla le businessman, abasourdi.

Un agent des renseignements tapa du poing sur la table, faisant sursauter la plupart des personnes présentes.

— Arrêtez de faire votre sainte nitouche ! Nous savons que vous êtes le Fantôme !

— Le Fantôme ? s’écria Brixton totalement déconfit. Mais je ne suis pas le Fantôme ! Je trempe, certes, dans des magouilles financières, mais jamais je n’ai joué à un tel niveau ! Et si je l’étais, je ne serais certainement pas ici en train de converser avec vous !

Sa déclaration était assez persuasive, rendant nos policiers plus que dubitatifs. Se jouait-il d’eux ? Ou bien, leur disait-il la vérité ? Rien n’était moins sûr. Un coup de fil vint alors tout remettre en question. Ce fut le commissaire Lawrence qui réceptionna l’appel, le mettant en haut-parleur.

— Commissaire Lawrence, j’écoute.

— Oui, je vous appelle de la Banque d’Angleterre, dit une voix anxieuse à l’autre bout du fil. Un individu vient de s’enfuir en ayant braquer la banque. D’après les témoins, il s’agit de Lord James Brixton.

Un courant glacé parcourut le corps de chaque homme dans la pièce.

— Depuis combien de temps est-il parti ? demanda Lawrence au bord de la crise de nerf.

— Cinq minutes, je dirais. Il a pris la fuite dans une Mercedes noire. Nous n’avons pas eu le temps de noter le numéro de plaque.

Le commissaire raccrocha sans dire un seul mot. Un lourd silence régnait dans la pièce. Ils avaient bien James Brixton devant eux, et pourtant, on venait de les appeler pour leur dire que cette même personne venait de braquer une banque ! À quel moment s’étaient-ils perdus ? Avaient-ils été au moins une seule fois sur le bon chemin ? L’ambiance festive avait laissé place à une atmosphère défaitiste. Que pouvaient-ils faire de plus à présent ?

ooo

Un homme avançait dans un couloir peu éclairé. Ses pas étaient assurés, sa démarche était souple. Il savait exactement ce qu’il devait faire. Chaque action était millimétrée à la seconde près et il ne lui restait plus beaucoup de temps pour s’échapper. La police était désormais à ses trousses ; il devait quitter le pays au plus vite.

Il effaça les données des ordinateurs et détruisit sa carte magnétique qu’il jeta dans la pièce. Il déversa ensuite des litres d’essence sur les tables et le sol, puis y mit le feu. Ses empreintes seraient effacées, et même s’il utilisait en permanence des gants, il valait mieux anéantir toutes les preuves qui pourraient le compromettre. Il était prêt pour passer de bonnes vacances, jusqu’au prochain plan qui surgirait de son esprit.

Il repensait à ses exploits, un sourire en biais collé sur les lèvres : le traceur, transféré dans la veste de l’autre, puis le cigare qu’il avait dérobé sous les yeux du chauffeur, auquel il avait également demandé d’aller acheter des fleurs pour sa femme. Il était fier de lui.

Un dernier détail restait cependant à régler. Il se dirigea vers sa salle d’eau, devant son miroir, puis retira le masque du visage de Brixton, ainsi qu’une perruque noire et des lentilles bleues, qu’il portait depuis plusieurs semaines. Il se façonna ensuite un autre visage, puis prit la route à bord d’une Fiat 500, laissant derrière lui une ville de plus dans l’incompréhension. Le Fantôme était réputé pour n’avoir aucun visage ; en réalité, il avait le visage de n’importe qui.

FIN.

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