Gourmandise

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Il y a beaucoup de lait dans ce café, mais c'est comme ça que je l'aime. Très fort, mais très nuageux. Quand il abrite la douceur sous sa fureur amère.

Si je voulais être tout à fait exacte, ce qui est rarement le cas, j'avancerais sans hésitation que c'est la douceur qui attaque en premier. Comme dans une caresse un peu trop enthousiaste, un peu trop empressée, les petits soldats de crème vont célébrer la fin d'une guerre qu'ils n'ont heureusement jamais menée sur une piste de danse toute rose.

C'est juste après ces joviaux fantassins que la redoutable armada torréfiée descend...

Un chuchotement fait frissonner l'oreille lorsqu'en parachute... elle se pose. Discrets à l'arrivée, mais avec une ferme intention d'affirmer leur présence à la fête, les soldats bruns se mêlent aux blancs et tous dansent de tout leur cœur savoureux pour ne faire qu'un près de mon cœur à moi.

Et c'est elle, l'armada schizophrène, qui me fait serrer ma tasse plus fort, comme pour ne pas la laisser tomber, comme pour ne pas me briser. Une tendre passion que j'entretiens beaucoup l'hiver, quand il fait froid et que je regarde les gouttes de pluie qui jouent à colin-maillard devant ma fenêtre. Je trempe dans mon breuvage des bouts de pain d'épice, celui avec des éclats de noisette sur le dessus, et lèche ensuite le bout de mes doigts emmiellé avec une joie tout enfantine. Emballée dans un pull bien trop grand, j'ai le droit d'être toute petite, avec mon café ridiculement trop au lait qui me réchauffe les mains, la bouche et puis le cœur. Je me laisse porter, envoûtée par la chaude odeur de la cannelle qui contraste si fort, si joliment, avec celle du pétrichor, dehors.

Et quand je souhaite m'y risquer, dans ce dehors qui souvent m'épuise rien qu'à l'éveil dans ma conscience de son existence...

Je sors retrouver celui qui allume des bougies (et même, parfois, de petits feux d'artifice) dans ma tête à travers mes papilles. Il est toujours brûlant, il porte un chapeau de coton et du feu légendaire au fond de lui. Celui-là, il faut pas le secouer, sinon il en finit tout troublé et on ne peut plus rien faire de lui... Mais moi j'ai la technique, tu parles, à force d'entraînement, alors je vais doucement chercher son cœur pour le ramener à la surface. Et c'est qu'il se met à danser. Oui, lui aussi, il danse. Et quand il danse, il est tendre, il me brûle un peu la langue parfois quand il la touche mais je lui pardonne invariablement, toute réchauffée que je suis par sa présence. Il fait de jolies vagues dans un camaïeu de brun et d'or qui s'offrent à mon regard avide. Et très souvent, je me laisse emporter avec délice, par le feu, par le coton, par le goût de paradoxe qu'il crée autour de lui et à l'intérieur de moi. Si je ferme les yeux quand je danse avec lui, je me retrouve au beau milieu d'un fantasme de royaume que je n'ai jamais connu, où des gens aux joues roses parlent un anglais tordu mais lumineux, et où la pluie invente toujours de nouveaux jeux dans un dehors tout vert. Une saveur d'évasion sur la langue, quand je rouvre les yeux je souris, jusqu'au prochain voyage.

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