Chapitre 2.2

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Roger s’écarta de l’encadrement de la porte puis saisit une pierre au-dessus de son ancienne prise, et commença l’ascension de la tour. Pour trouver les fameuses Orézs, il fallait monter un peu. Le dragon n’avait aucun mal à escalader les parois, comme s’il marchait sur un sol plat et horizontal. Cela faisait des années qu’il effectuait cet exercice et il savait parfaitement comment s’y prendre. D’une tour à l’autre, ce n’était pas différent : les pierres sont quasiment les mêmes, toutes arrondies et lisses, mais qui laissent des interstices suffisamment grands pour y planter ses griffes. Il était rare qu’il se retrouvât face à un mur qu’il ne pouvait pas passer. Pendant ce temps, Adrianne restait à l’affut de la moindre singularité parmi tout ce gris. Quand elle aperçut un éclat entre deux pierres, elle fit signe au Grimpe-Tour de s’arrêter.

La jeune femme se prépara, à commencer par enlever une épaisseur de manteau, afin de se mouvoir plus facilement. Il ne faisait pas très chaud dans la tour, mais elle ne voulait pas être gênée. Puis, elle attacha le cordon de sécurité à son baudrier. Si elle glissait, elle resterait accrochée à son partenaire qui avait bien plus de force pour la ramener et qui ne lâchait jamais sa prise. Elle récupéra le matériel accroché au harnachement du dragon et le chargea sur elle. Cela lui rajoutait beaucoup de poids, mais elle avait l’habitude. Elle se souvenait par contre de ses premiers jours qui étaient très éprouvants. Entre les muscles tétanisés par la peur du vide et son chargement encombrant, jamais elle n’aurait imaginé que six ans plus tard, elle serait toujours là, perchée dans une tour à dos de dragon. Elle saisit un piquet et un maillet puis se pencha sur le côté, allant chercher un interstice entre les pierres pour poser sa première prise. C’était un véritable exercice de voltigeur. Adrianne était tout en longueur et souplesse. Son corps ne tenait en place que par la force de ses jambes et de ses abdos, qui étaient indispensables pour réussir cette pirouette.

Elle finit de planter le premier piquet et ne tarda pas à y poser son pied. Elle mit son second sur la patte du dragon qui n’était pas dérangé de servir de support. La Gratte-Pierre finit d’installer un autre piquet, de manière à avoir deux prises pour ses pieds. Elle s’approcha de l’endroit où elle avait aperçu l’éclat et sorti une brosse – qui ressemblait presque à un pinceau – et épousseta ce qui se trouvait entre les pierres. La couverture de poussière révéla une pierre dorée, aussi éclatante que le toit de la tour.

  • Bingo ! s’exclama-t-elle.

Elle saisit ensuite un piquet métallique, ainsi que son maillet, et frappa délicatement les contours du trésor. Il n’était pas question de perdre la moindre miette de ce joyau dont chaque gramme compte. C’était une étape compliquée et fastidieuse, surtout quand la pierre était aussi coincée entre les roches. Et surtout, quand le sol était invisible tellement il est éloigné en dessous de ses pieds. Un travail d’orfèvre équilibriste.

La pierre libérée, elle finit de la décoller à la main avant de la prendre et de terminer d’enlever la poussière. Les Orézs ressemblaient à des pépites d’or comme deux gouttes d’eau, mais elles n’avaient pas les mêmes propriétés que le métal noble. Elles ne pouvaient pas fondre, mais elles étaient facilement taillables. Leur particularité résidait dans le fait qu’une fois plongées dans un bain de glace, il n’était plus possible de les modifier. C’était avec elles que les sculpteurs fabriquaient les statues éternelles. Elles étaient aussi beaucoup utilisées pour faire des bijoux qui ne s’useront jamais et des outils incassables.

Adrianne rangea la pierre dans une des sacoches accrochées au dragon avant de revenir sur son dos, tout en récupérant les piquets sur son passage. Elle n’avait pas vu d’autre particularité.

  • Il faudrait monter. Au vu de l’endroit où elle se trouvait, les autres pierres ont dû être récupérées. Elles sont plus visibles d’habitude.

Roger hocha la tête et s’exécuta. La jeune fille avait eu raison de prendre cette décision. Une dizaine de mètres plus haut, se trouvaient plusieurs roches dorées qui reflétaient la lumière sur les parois de la tour. Elle était étonnée d’en voir encore autant, mais le dragon n’avait pas la même réaction :

  • Il devait y en avoir un paquet là où on était. Ça a dû leur suffire pour remplir leurs sacs. Cette fois-ci, c’est nous qui leur passons sous le nez !

Même s’ils étaient solidaires entre eux, il y avait toujours une petite rivalité entre les Grimpe-Tour. La compétition perdait pourtant de son sens, maintenant qu’ils n’étaient plus que cinq participants. Mais il y avait des habitudes qui ne se perdaient pas.

Regeropaïk resta en dessous de la jeune fille. Il y avait trop de pierres pour qu’il puisse rester à ses côtés sans en toucher une. La Gratte-Pierre était alors moins assurée, mais elle remplit sa mission sans aucun accro. C’était une routine pour elle, que de planter les piquets, avancer, se hisser le long des parois. Les Orézs étaient aussi plus simples à récupérer que la première. Plus en évidence, Adrianne les libéraient en deux trois coups précis. Elles étaient aussi impeccables et elle ne perdait pas de temps à les épousseter. Elle prit même le loisir de récupérer d’autres pierres, dont une qui l’intrigua.

Elle était translucide et parfaitement lisse, comme si elle avait déjà été taillée. Aux reflets roses et bleus, elle ressemblait à un cristal. Mais elle sentait que cette pierre avait quelque chose de plus.

  • Roger, il me faut le kit d’analyse.

Le dragon s’approcha de sa partenaire, qui n’était plus gêné par la présence des pierres précieuses.

  • Tu as trouvé quelque chose d’intéressant ?

La jeune femme ne lui répondit pas. Elle déballait le kit qui était attaché au harnais. Elle s’équipa des lunettes microscopes pour observer la structure de l’objet qu’elle détenait. C’était trop transparent et lumineux pour qu’elle puisse la voir en détail. Elle récupéra un échantillon d’un coup de mini-pioche et le recouvrit d’un produit bleu qui devint rouge à son contact. Elle observa le morceau coloré à travers ses verres et resta stupéfaite.

A l’intérieur, il y avait comme une tempête. Tout était rouge, mais elle pouvait clairement voir les mouvements dans le cristal. Une tornade au milieu, un typhon en bas et des bourrasques sur les côtés. Soudain, elle fut aveuglée par un flash et elle eut un mouvement de recul. Par réflexe, Roger mis sa patte dans le dos de la Gratte-Pierre pour éviter qu’elle ne tombe.

  • Ça va ? lui demanda-t-il, inquiet.

Adrianne se remit de ses émotions après avoir enlevé ses lunettes. C’était un éclair qu’elle venait de voir ! Elle recouvra la vue et la pierre dans ses mains était redevenue claire comme du cristal. Elle regarda son ami. En voyant le grand sourire qui se dessinait sur ses lèvres, le dragon comprit la nature de ce qu’elle tenait entre ses mains.

  • Je crois bien qu’on a eu le jackpot ! s’enthousiasma la jeune femme, C’est une pierre de vent, et pas n’importe laquelle : une véritable et puissante Zééitée !

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