La valse funèbre

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Le monde en face d'eux n'était désormais que flammes, cendres et poussières. Jamais la pluie ne suffirait à éteindre les incendies qui consumaient la ville et les cœurs terrorisés. Les bâtisses continuaient de tomber comme si elles ne tenaient qu'à un fil et qu'elles n'étaient solides que de leurs aspects. Ils étaient deux sur le toit d'un immeuble, encore debout et dominant de sa hauteur, à contempler cet effroyable spectacle à vision apocalyptique. Même s'ils pouvaient entendre les hurlements des foules affolées et terrifiées, même s'ils voyaient des cadavres joncher le sol, même si le monde partait en fumée, tout paraissait si lointain, au point qu'ils se sentaient en sécurité. C'est parce que Lior tenait fermement la frêle main de Neriah.


Les lointaines flammes brillaient dans les yeux verts envoûtants du jeune homme, son beau visage était légèrement sale et ensanglanté. Le regard de la jeune femme, quant à lui, était vide et dénué d'espoir. Le noir de ses pupilles ne présentait plus aucune lueur, et son visage aux traits délicats était blême. Il serre sa main de plus en plus fort et se retourne soudainement vers elle. « Danse avec moi, une dernière fois ». Et sans lui laisser le temps de répondre, ni même de réagir, il la prend par la taille, lève leurs mains déjà entrelacées depuis un moment maintenant, et la tire vers lui. Neriah finit par le suivre et met sa main libre sur son épaule pour qu'il la fasse valser dans cette cacophonie cataclysmique, orchestrée par le bruit des gouttes d'eau qui tombaient. Il fredonnait un air qu'elle ne reconnaissait pas et tout ce qui tombait en ruines à ce moment, disparaissait pour ne laisser que son visage souriant en face d'elle.

« -Est-ce notre fin, Lior ? C'est comme ça qu'on va mourir ?

-On dirait bien que oui, Neriah.

-J'ai passé ma courte vie à maudire mon existence, mais j'ai adoré les moments passés avec toi. »


Ne sachant quoi répondre, il a simplement continué de la regarder intensément, il voulait que le visage de sa bien-aimée soit la dernière chose qu'il voie avant de mourir. La faucheuse rôdait autour d'eux, ils sentaient la Mort attendre la fin de leur valse pour faucher leur âme.
Lior aurait aimé continuer de danser avec Neriah pour l'éternité, mais il décide de mettre fin à ce moment en s'arrêtant de fredonner et en la libérant. Neriah s'avance pour se mettre au bord du toit, afin de contempler une dernière fois ce paysage qui l'a bercée durant des années. Elle lève les bras au ciel pour mieux sentir le vent qui la caressait et qui faisait légèrement voler sa terne chevelure brune désormais mouillée.

Neriah se tourne vers son amant, elle est face à lui et dos au monde qui s'écroule, puis lui dit d'une voix brisée « Lior, je suis épuisée, tu veux venir ? ». Une lueur de surprise traversa les yeux vifs du jeune homme, il sourit doucement, « Je viens avec toi. Où que tu ailles dans ce monde ou dans un autre, je te suivrai. » Elle lui sourit à son tour d'un air apaisé et sincère, jamais il ne l'avait vue arborer une telle expression. De toutes les fois où elle a souri, c'est celle-ci sa préférée, au sein de ce chaos où l'idée de sourire ne traverse aucun esprit, car la peur se régalait en les rongeant.

Le grand blond s'avance vers Neriah et prend l'initiative. Il se jette en arrière et la tire avec lui dans sa chute. Il l'enlace avec difficulté et en se blottissant contre lui, elle eut envie de pleurer, même si le ciel le faisait déjà à sa place. Jamais elle n'avait vécu un moment aussi paisible et doux.
Ils tombaient du ciel et il la tenait fermement contre lui, il lui apportait la chaleur qui lui a été enlevée. Leurs souvenirs ensemble défilent au même rythme que leur cœur tambourinait. Lior regardait avec attention les nuages gris menaçants qui, pour lui, semblaient se moquer d'eux. Il pouvait distinguer les gouttes d'eau qui tombaient et qui finiraient par s'écraser sur leur corps une fois qu'ils atteindront le bitume et que leurs os se briseront. Ils passeront inaperçus. Ils n'ajouteront à ce paysage que leur cadavre à ce charnier épars.


Un bruit de fracas se fait entendre, mais il ne résonna dans aucun de ces cœurs présents aux alentours, envahis par la terreur. La pluie ne s'est pas arrêtée, et il ne reste de Lior et de Neriah que leurs souvenirs évaporés, leur cœur usé, calciné.

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