Songes nébuleux

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   J’étais maintenant avachi sur le canapé de Sonia, torse nu, fumant une cigarette les yeux fermés. L’accueil que m’avait réservé ma pote était chouette, et celui de Sarah tout autant. Sarah semblait aussi réservée que soumise. Aussi soumise que dépravée. Une femme à qui l’on donnerait pourtant le bon Dieu sans confession. Sans doute l’une des facettes ayant plu à son mari. Connaissait-il les autres ? Je n’en savais rien. La complexité amoureuse et conjugale est pleine de surprises. Pourquoi oser quelque chose avec l’un et pas avec l’autre ? Partager des liens solides et familiaux avec certains et se débaucher avec d’autres ?

- Sarah, ton mari sait que tu es là ?

- Oui, quand je viens ici, je lui dis toujours, pourquoi ?

- Il sait que tu t’y envoies en l’air aussi ?

- Non, je ne pense pas. Je suis une jeune maman en plus d’être son      épouse. Enfin, c’est comme ça qu’il me voit et l’image que je lui donne.            Ce que je suis d’ailleurs. Ici… C’est différent. Sonia est une ensorceleuse.

- Sans doute, en plus d’être la meilleure baiseuse à la ronde.

- Aussi, oui. Et toi David, tu as quelqu’un dans ta vie ?

- Non, j’ai été marié, et maintenant, ce sont les femmes comme Sonia et toi qui me plaisent.

- C’est-à-dire ?

- C’est-à-dire que sans fausse pudibonderie, j’aime la luxure et les nanas qui l’assument.

- Je vois. J’ai le droit à un scotch à mon tour ?

- Après que tu m’aies faite jouir avec ta bouche, que je termine le mien.

- Ça me va, répondit-elle.

       J’aurais eu tort de m’en priver. Sarah était de nature docile, et sa grossesse semblait lui avoir ouvert des voies au doux parfum de stupre. Le jour où j’ai un enfant, possible que je surveille plus la mère que le marmot, pensais-je, tandis que de ses mains délicates la petite voisine s’affairait à extraire l’objet de ses tourments. Sonia prenait un bain, comprenez que le vin coulait à flots et que des volutes d’herbe et de musique accompagnaient l'instant. J’étais tranquille pour un moment, et après avoir craché dans la bouche de Sarah, je m’endormis sagement dans la foulée, la jeune femme lovée à mes pieds. Cette visite chez Sonia pour l’instant me faisait beaucoup de bien et pour une fois Ellie me foutait la paix.

            Je partis dans mes songes. Au loin, très loin, raisonnait la voix de Sonia qui accompagnait les notes d’une musique agréable. J’entendais l’eau couler et j’avais la sensation d’être une bulle de savon. Bien au chaud, dans les limbes du sommeil où la pensée vagabonde de façon nébuleuse. Je sentais la joue de Sarah contre ma cuisse, et le souffle régulier de sa respiration laissait penser qu’elle dormait elle aussi. Elle avait passé l’un de ses bras sous ma jambe, comme pour s’y tenir, et posé sa tête sur ces dernières. Je ne la connaissais que depuis quelques minutes et pour autant cette jeune femme m’était fort sympathique. Elle suçait divinement bien et la désinvolture qu’elle y mettait me laisser admiratif. Puis je m’endormis pour de bon.

            Dans mon rêve, elles étaient au nombre de trois. Je ne connaissais que l’une d’entre elles et les deux autres étaient semble-t-il ses cousines. Africaines, gabonaises, aux formes aussi douces qu’accueillantes. La scène se passait chez moi, dans mon salon. Elles dansaient ensemble, pour moi, avant que la plus jeune ne vienne me donner sa bouche à goûter. Elles sortaient de l’adolescence pour entrer dans la vingtaine, excepté la plus grande, qui avait deux ou trois ans de plus que les deux autres. Une broutille. Et puis ce furent ses seins, lourds, d’ébènes, aux pointes de roses que je lapais maintenant comme un jeune chiot. L’esprit embrumé, leur voix raisonnaient comme celle de Sonia dans la salle de bain et je n’avais qu’à me laisser guider pour apprécier. Toutes les trois nues, la doyenne vint s’asseoir sur moi et après quelques instants, me baisa doucement. Ses cousines me massaient le crâne de chaque côté et de concert jouaient de leur poitrine sur mon visage. Je me voyais assis sur le canapé, comateux, et pour autant dur comme du bois. J’assistais à la scène des deux côtés du miroir. Je sentais la jouissance arriver, authentique, originelle, de celles jamais atteintes qu’une fois, la première. Une explosion physique et cérébrale semblable à un shoot d’héroïne. Je sentais mes muscles commençaient à se contracter, la boule de feu nichée au fond de mes entrailles s’embraser, et les prémices d’un abandon digne de ce nom. Pour une fois je rêvais baise, et je rêvais bien. Trop bien sans doute. L’atmosphère paisible qui régnait se transforma peu à peu en quelque chose de plus abstrait. Le bouquet final qui m’était promis devint soudain hésitant et l’agréable sensation d’extase qui m’habitait semblait se faire la belle.

Celle qui sautillait sur mes cuisses s’évapora d’un coup, laissant dans son sillage un parfum d’eau savonneuse et les fines bulles allant avec. Les deux autres se transformèrent en petite pépées poupons et reposaient maintenant par terre derrière le canapé. J’avais devant les yeux deux infimes poupées gonflables, péruviennes, colorées de leurs robes traditionnelles et des bonnets typiques du pays. Étrange. Étreinte avortée et un sentiment confus quant à la véracité de cette baise. Les pantins me regardaient d’un air absent que je leur renvoyais bien malgré moi. La fête était finie, et après  quelques tergiversions, je me réveillais sur le canapé de Sonia dans une pénombre agréable clairsemée de chandeliers. Sarah était sans doute rentrée chez elle et Sonia était en ville à sillonner les endroits où se mélangent dans l’allégresse sexe et alcool. Je bus un scotch en fumant une clope puis pris mon téléphone. J’avais un peu plus tôt reçu le message d’un numéro inconnu. Peu de doutes quant à sa provenance, et celui-ci disait :

« Maintenant, tu sauras comment me joindre… J’espère que tu vas bien, Ellie. »

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