Chapitre 11 - La fête impériale

9 minutes de lecture

Un souffle chaud dans mon cou me réveilla en douceur. Délicatement, je me retournais, ajustant la couverture sur mes épaules. Ma sœur était toujours endormie, les cheveux devant les yeux et son bras autour de ma taille. Pendant plusieurs minutes, je l’observais dormir, sa poitrine se soulevant en un rythme régulier. Elle souriait dans son sommeil. Son nez remua légèrement avant qu’elle éternue puis ouvre les yeux.


— Tu me regardes depuis combien de temps ?

— Suffisamment longtemps pour remarquer ton beau sourire.

— Toi, tu flirt.

— J’en ai pas le droit ?

— Caroline va bientôt se réveiller, lapin.

— Très bien, je dois aller me préparer pour cette magnifique journée de toute façon.


Je me redressais, vérifiais que la porte de sa servante était toujours fermée et l’embrassa furtivement. Une fois de retour dans ma chambre, Morgane sortie de la sienne au même moment.


— Mademoiselle ? Vous…

— Oui, j’ai dormi avec ma sœur. Je ne parvenais pas à trouver le sommeil.

— D’accord. Je vais préparer votre tenue.


Je me lavais rapidement le visage avant de la retrouver. Elle m’aida à enfiler une chemise propre et l’une de mes robes d’extérieur. Quand elle commença à me coiffer, on annonça l’arrivée de Giselle.


— Tu as reçu une lettre de ton admirateur secret, ma chérie.

— N’importe quoi, rougissais-je en récupérant la lettre.

— Cette robe te va à ravir.

— Merci.


Je me concentrais ensuite sur le bout de papier que j’avais dans la main. Je l’ouvris délicatement, la décachetant. C’était bien une réponse de Damien, comme espéré.


« Votre Altesse Eva,

C’est avec plaisir que je serais votre cavalier à la fête impériale. Cependant, je n’arriverais qu’une heure après le début des festivités, si ça ne vous pose pas de problème. Je suis certain que la Première Princesse acceptera de vous accompagner en attendant que je sois à vos côtés.

Le Comte Damien Clarson.

PS : J’étais à l’orphelinat hier avec Aurélie. Madame Blakes attend avec impatience de tes nouvelles. »


Cette journée commençait bien. Dès que je fus prête, je pus rejoindre le salon pour le petit déjeuner. L’Empereur lisait le journal, l’Impératrice était dans ses pensées et Célestina braqua son regard sur moi en me voyant entrer. Je m’installais en face d’elle en lui souriant.


— Bien dormis, Eva ? me questionna ma mère.

— Très bien, merci.

— Eva, intervint l’Empereur en posant son journal. Je ne tolèrerais aucun débordement aujourd’hui. Me suis-je bien fait comprendre ?

— Oui, Votre Majesté.


Dès qu’il cacha à nouveau son visage derrière son journal, je levais les yeux au ciel. Célestina gloussa, attirant l’attention de l’Impératrice. Sans un mot, elle nous observait toutes les deux.


— Lord Clarson a-t-il accepté ton invitation ? enchaîna ma sœur en attrapant une tartine.

— Bien sûr. Mais il m’a prévenu d’un retard d’une heure.

— Oh, pourquoi cela ?

— Hier, ils sont retournés à l’orphelinat avec Aurélie. Le trajet doit expliquer ce retard, je suppose.

— Tu n’auras qu’à rester près de moi en l’attendant.

— C’est exactement ce qu’il proposait dans sa lettre.


Célestina sourit délicatement, ses yeux s’illuminèrent. Mère le remarqua et ma sœur détourna le regard en rougissant.


— Cette année, reprit l’Impératrice. Il y aura une démonstration d’éducation canine sur la place centrale à onze heures. Votre présence, à toutes les deux, est indispensable.

— Nous en prenons note, mère.


Une demi-heure plus tard, nos diligences nous attendaient dans la cour pour nous déposer en centre-ville. En chemin, mon regard se perdait sur le paysage. C’était la première fois que j’allais être en contact du peuple au complet, en tant que Princesse. Le moindre faux pas serait immédiatement remarqué. Quand on arriva en centre-ville, il y avait déjà foule. Célestinta me regarda en souriant. Elle ajusta mon diadème, qui avait bougé durant le trajet avant de toquer contre la porte. Le valet ouvrit celle-ci et tendit la main. Ma sœur l’attrapa et descendit avant de m’inviter à faire de même. Comme je m’y attendais, tous les regards étaient dirigés dans notre direction.


— Respire, lapin, chuchota ma sœur en attrapant ma main. Respire et reste droite.


Écoutant ses recommandations, je respirais un grand coup et souris. Le vent soufflait dans ma direction, apportant à moi les effluves du parfum de Célestina. Pendant une bonne heure, on circula entre les différents stands du marché. Tout le monde s’écartait à notre passage et tout le monde me regardait. J’étais gênée, d’être ainsi observée de haut en bas.


— J’ai l’impression qu’ils ne savent pas qu’il y a une deuxième princesse, chuchotais-je à ma sœur.

— Ah bon ? Pourquoi ?

— Regarde autour de nous.


Célestina balaya l’assistance du regard. Quand elle comprit enfin, et qu’elle remarqua mon malaise, elle sourit et me fit un clin d’œil. Elle avait une idée en tête. Elle s’approcha d’un stand à pâtisserie.


— Est-ce que la Seconde Princesse souhaite partager une gaufre avec moi ? me demanda-t-elle haut et fort.

— Avec plaisir.

— Deux gaufres, pour ma sœur et moi, demanda-t-elle au marchand.

— Tous de suite, Votre Altesse.


Les murmures autour de nous s’intensifièrent. Ils avaient enfin compris qui j’étais. Après avoir récupéré nos gaufres, on continua de déambuler entre les stands. Célestina nous acheter un bracelet discret, pour qu’on ait le même.


— Votre Altesse, la salua Lord Keyran en arrivant.

— Vous êtes en retard, cingla-t-elle.

— Veuillez m’excusez. Il y a eu un incident et…

— Peu importe vos excuses. Veuillez rester derrière ma sœur et moi en attendant l’arrivée de son cavalier.


Du coin de l’œil, je le vis serrer les poings avant de lui obéir et de se placer derrière nous. Célestina attrapa mon bras et on se remit à marcher. On discuta des bonnes odeurs de nourriture, de fleurs, mais aussi de la fête qui se mettait petit à petit en place. Quand Damien nous rejoignit, je compris qu’il était temps pour ma sœur et moi de se séparer.


— Vos Altesses.

— Lord Carlson, commença ma sœur. Avez-vous fait bon voyage ?

— Très bien, merci. J’espère que vous ne m’avez pas attendue trop longtemps.

— Pas du tout, ajoutais-je. On en a profité toutes les deux.

— Je vais vous laisser dans ce cas. N’oubliez pas la démonstration canine à onze heures.

— Je surveillerais l’heure, Votre Altesse. Ne vous inquiétez pas.

— Je vous fais confiance.


Au bras de Lord Keyran, Célestina s’éloigna et Damien prit sa place à mon bras. On attendit qu’ils se perdent dans la foule pour avancer à notre tour.


— Je crois qu’il y a une démonstration d’acrobatie. Est-ce que ça t’intéresse ? me questionna Damien.

— Pourquoi pas.


La rue se remplissait de plus en plus. Il y avait beaucoup de bruit, que ce soit lié aux discussions ou à la musique. Certains marchands tentaient d’attirer les passants en parlant le plus fort. Dans cette rue, toutes les classes sociales étaient mélangées. Je croisais aussi bien des nobles, reconnaissable par leur robe extravagante et leurs costumes, comme des paysans, des artistes, des familles. Même si tout le monde m’observait, je passais outre. Je devais certes faire attention à mes moindres fait et geste, en tant que Seconde princesse, mais j’étais aussi là pour m’amuser. Après une dizaine de minutes de marche, une bonne odeur de baignée envahit la rue. Damien s’approcha du marchand et nous pris les fameux baigner.


— Ça se passe bien avec ta sœur ? me questionna-t-il en reprenant notre marche.

— Oui. Heureusement qu’elle est là. L’impératrice essaie de faire attention à moi, mais elle ne peut faire plus. L’Empereur me déteste et…

— Et l’Impératrice est pieds et poings liés face à l’Empereur. Tout le monde le sait. Mais le principal, c’est que tu ne sois pas seule, au palais.

— J’ai promis à Célestina de m’intégrer. Alors je fais le maximum.

— Je suis sûr qu’avec la Première Princesse à tes côtés, tu y arriveras parfaitement.

— Merci.


Quand il fut bientôt l’heure de rejoindre la démonstration canine, Damien nous y conduisit. Sur place, des nobles, mais aussi des paysans et des commerçants s’étaient déjà installés. En balayant le public du regard, je croisais celui de ma sœur qui me fit alors un signe pour la rejoindre. Elle était assise devant l’Empereur et l’Impératrice, Lord Keyran à ses côtés.


— Ma sœur nous a gardé des places.

— Ne la faisons pas attendre.


Au moment où on s’assit, je sentis, à la fois le regard noir de l’Empereur dans mon dos, mais aussi celui bienveillant de ma mère et de ma sœur. Maintenant que j’étais aux côtés de l’Empereur, je n’avais plus le droit à l’erreur. Je devais être irréprochable. On annonça alors l’arrivée des dresseurs et de leur chien, sous les applaudissements.


— Regarde, chuchota Célestina. Ils font partie de la garde cynophile de l’Empire. Ils sont tous sélectionnés avec minutie. Les critères sont très stricts pour y entrer.

— Les chiens sont magnifiques, commentais-je.

— Et ils sont très doués, tu verras.

— Eva ! intervint l’Empereur. Cessez de distraire ma fille.

— Excusez-moi, Votre Majesté.


Sans le regarder, je serais les poings. Je ne devais pas faire de vagues, pas maintenant. Ma sœur le remarqua et posa sa main sur la mienne. A son contact, j me détendis.


— Je suis navrée d’entendre que votre relation ne s’améliore pas.

— Il ne me considérera jamais comme sa fille. À quoi bon attendre quoi que ce soit de lui ?

— En as-tu déjà parlé à mère ?

— Non. Je ne veux pas la mettre en porte à faux. Elle a déjà assez de problèmes avec lui.


La démonstration ayant commencé, ma sœur ne répondit pas. On se concentra toutes les deux sur la discipline exemplaire des chiens de race supérieurs. Régulièrement, on applaudissait, stupéfait.


— Est-ce qu’il y aurait un volontaire pour une dernière démonstration ?

Plusieurs mains se levèrent pour se baisser aussitôt. Derrière moi, l’Empereur s’était levé.

— Qui de mieux que la Seconde Princesse Eva pour un bon spectacle ?

— Avec plaisir, Votre Majesté, répondit-il nerveux.


Je serrais les poings et déglutis. Les spectateurs chuchotèrent de stupéfaction. Il avait vraiment l’intention de se débarrasser de moi, qu’importe les circonstances de ma mort. Mais ce qu’il ne savait pas, c’était que j’avais un bon lien avec les chiens depuis l’orphelinat. De toute sa hauteur, il s’avança vers moi.


— Ne me faites pas honte, jeune fille, me menaça-t-il.


Ma sœur me regarda m’éloigner avec son regard inquiet. Je voyais que si elle avait pu, elle aurait pris ma place. Mais elle ne pouvait réagir. Comme l’Impératrice, elle devait obéir à son père.


— Votre Altesse, m’accueillit l’une des dresseuses. Puis-je me permettre de demander s’il y a un problème avec l’Empereur ? chuchota-t-elle.

— Il y en a un. Il me déteste. Mais ce n’est rien. Ne vous inquiétez pas, j’ai déjà dressé un chien.

— Intéressant.


Je la suivis près des chiens. Elle m’expliqua alors qu’elle voulait montrer qu’ils étaient obéissants, peu importe qui leur donnais l’ordre, tant qu’ils avaient reçu l’ordre de leur maitre d’obéir. Elle m’informa des différents ordres avant de me laisser en choisir un. Tandis qu’ils restaient tous immobiles, je passais devant eux, avant de m’arrêter devant une jeune femelle.


— Celle-ci n’est pas encore tout à fait dresser, chuchota-t-elle inquiète. Lexi a des problèmes de comportement.

— Ce n’en sera que plus amusant pour l’Empereur, cinglais-je. Faites-moi confiance.


À l’orphelinat, nous avions un chien de garde. Récalcitrant au début, il avait fini par passer ses nuits au pied de mon lit. J’avais passé autant de temps avec lui qu’avec mes amis. Je m’accroupis devant la jeune femelle, et demandais, d’un signe de tête, à ce que son maitre lâche la laisse. Elle s’approcha lentement, me reniflant. Je la laissais faire, immobile. Pourtant, son attention dévia sur un plume qui volait et elle s’éloigna.


— Pied ! ordonnais-je.


Elle s’arrêta subitement, tourna la tête intriguée. Je claquais des doigts, en direction de mes pieds et elle revint vers moi, s’y allongea. Je lui caressais alors la tête, pour la féliciter.


— C’est bien, Lexi.


Son maitre approuva d’un signe de tête. Sous les applaudissements des spectateurs, j’enchaînais plus de tours. Dans mon dos, je sentais toujours le regard noir de l’Empereur qui attendait un malheur.


— Veuillez applaudir la Seconde Princesse Eva !

—Margot ?


En entendant mon ancien prénom, je me retournais subitement. Madame Blakes était derrière les barrières de protection, une chienne que je connaissais bien, à ses pieds.


— Madame, la saluais-je. Vous êtes venu avec Damien et Aurélie ?

— Oui. Et tu manquais à quelqu’un.


J’autorisais un dresseur à ouvrir la barrière. Pat courut alors autour de moi en sautillant. Même si je voyais les dresseurs sur leurs gardes, je les ignorais. J’avais une confiance aveugle en ce chien, que j’avais connu dès son plus jeune âge. Je tendis la main, sans un mot, et il s’assit immédiatement.


— Toi aussi tu m’as manqué, Pat.


Avec l’accord des dresseurs, je montrais tout ce que j’avais réussi à apprendre à ce chien de garde avant de devoir le laisser retourner auprès de la directrice de l’Orphelinat. Je discutais rapidement avec elle, lui donnant de mes nouvelles avant de devoir retourner auprès de mon cavalier, et surtout de ma famille.

Annotations

Vous aimez lire Le studio d'Anaïs ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0