Chapitre 4

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 Un homme vêtu d'une tunique grise arpentait de long en large le hall d'entrée du palais. Un livre serré contre la poitrine, il marmonnait dans sa longue barbe grise ses inquiétudes. Cela faisait des mois qu'il préparait l'expédition, tout avait été parfaitement organisé, et il avait fallu qu'il tombe sur cet ouvrage au dernier moment. Le recueil d'origine elfique n'était pas facile à traduire. C'est pourquoi le garde était partit chercher la seule elfe capable de déchiffrer les lettres sibyllines.

 Lorsqu'enfin la prisonnière arriva dans l'entrée, le druide se précipita vers elle. Impatient, il questionna Nolofinwë sans préambule :

  • Dites-moi ce que veut dire ce passage, exigea-t-il en désignant de son index les lignes en fond de page.

 Elle prit le manuscrit avec précaution et lu le titre de l'ouvrage avant le paragraphe en question. Ce livre venait du fond des âges de ses ancêtres, le dialecte était subtile. Il parut évident que cet homme ne pouvait pas achever la transcription. Elle releva les yeux et le vit se tordre les doigts de manière anxieuse.

  • Qu'ai-je à gagner en échange de ce précieux service, s'enquit-elle en refermant délicatement le livre.
  • Comment ? s'énerva-t-il. Avec ou sans votre coopération, j'obtiendrais cette information de votre petite tête !
  • Nous savons tous les deux que vous gagnerez du temps à négocier. Il est clair que votre magie l'emportera sur la mienne, mais vous connaissez maintenant très bien mon endurance, argumenta Nolofinwë. Si j'ai bien compris la situation il est capital que cette information soit en votre possession avant notre départ demain matin.

 La vieille dame jaugea de son effet en observant les ombres de la réflexion défiler sur le visage du druide. Non sans un léger sourire, l'elfe renouvela sa question :

  • Llygredig, qu'ai-je à gagner en vous traduisant ce texte ?
  • Un voyage confortable, proposa-t-il finalement.
  • Non, ce n'est pas d'une valeur suffisante.
  • Vous qui avez à cœur de nous faire gagner du temps, que voulez-vous, demanda-t-il impatient.
  • Je veux voyager avec le harem en compagnie de mon ancienne élève, annonça-t-elle en croisant les bras.
  • Non, non, non. L'empereur ne vous accordera jamais une telle faveur. Trouvez autre chose. Puis il ajouta : La reine-mère n'acceptera jamais de voyager dans la même voiture que vous.
  • Dans ce cas Athelleen et moi voyagerons dans le même carrosse confortable sans aucun autre invité, affirma-t-elle sur un ton ne laissant aucune place à d'autres négociations.
  • Très bien. Mais vous n'aurez pas plus de liberté que dans votre précédente cellule. Vous ne pourrez pas utiliser votre magie. Maintenant qu'y a-t-il d'écrit ?
  • C'est une mise en garde. Vous n'êtes pas sans savoir que la forêt des Ombres protège la Source Primordiale et son château. Pour vivre dans cet endroit, il faut une foi inconditionnelle en la Mère. Ceux qui doutent de son existence seront chassés. Je ne suis pas sure que notre cher Vitiosus soit un de ses fervents admirateurs, commenta-t-elle sarcastique.
  • C'est tout ? s'enquit Llygredig.
  • Non, il est précisé qu'un pèlerin qui doute peut se rendre au château en portant un éclat de quartz enchanté provenant des Montagnes Naines. Ainsi, sa foi pourra être restaurée.
  • Du quartz, réfléchit-il. Je n'en aurais pas assez pour tout le château.

 Puis il tourna les talons pour se précipiter vers son atelier. Les matériaux et les enchantements appropriés y étaient encore entreposés. Sa nuit allait encore être longue.

 Au petit jour, l'effervescence régnait devant le palais. Plusieurs attelages étaient alignés dans la grande allée, prêts à partir. Tous les serviteurs s'activaient autour comme une fourmilière en grand déménagement. Le cortège se composait de charrettes remplies de vivres et de meubles, de chars de combat et de carrosses luxueux au centre de la formation. Des centaines de soldats étaient positionnés autour du convoi afin d'en assurer la sécurité. Même si le départ avait été gardé secret le plus longtemps possible, n'importe quel opposant pouvait profiter de ce moment de faiblesse pour attaquer.

 Pendant ce temps dans le harem, Athelleen formait un balluchon avec ses biens les plus précieux : les divers parchemins écrits avec son mentor et un couteau volé lors d'un repas. Elle compléta son sac avec les étoffes qui lui servait de garde-robes. Ces pans de tissus lui avaient été donnés par la reine-mère. Ce n'était en réalité que les rebuts du choix des autres princesses. Chaque fille du harem construisait sa propre robe lors des séances de coutures journalières. Comme Athelleen en était exclue, elle se drapait dans le tissu comme d'une toge. Elle refit l'inventaire rapide de son sac. Habillée en toge, elle ne pourrait pas courir. Son regard se tourna vers le centre de la pièce. Les boites à couture étaient rangées dans la commode à côté des divans. Ces demoiselles n'avaient pas encore été réveillées, c'était l'occasion d'en voler une. Tout en veillant à ne faire aucun bruit, l'elfe se dirigea vers le meuble et subtilisa l'objet convoité. Pour n'éveiller aucun soupçon, elle regagna sa couche et attendit le signal du départ.

 Le réveil des princesses fut chaotique. Les gardes eurent de grandes difficultés à faire respecter les consignes qui étaient : prendre le strict nécessaire, se mettre en rangs deux par deux et ne pas faire de bruit. Cela ressemblait plus à une basse-cour affolée par un renard. La troupe mal organisée finit par se mettre en route vers les carrosses. L'enfant aux cheveux bleus était à la fin du cortège cherchant la moindre opportunité, mais deux gardes fermaient la marche. La chambre de Nolofinwë était déjà vide, ce qui souleva une inquiétude pour l'enfant. Une fois à l'extérieur, les princesses furent réparties dans les différentes voitures. Alors qu'Athelleen observait les détails du convoi, le garde derrière elle attrapa son épaule pour l'écarter du groupe. Sans grand ménagement, il la fit monter dans une voiture de seconde classe. La peinture dorée commençait à s'écailler par endroits, et les fenêtres étaient beaucoup plus étroites, de même que la dimension générale du carrosse. Elle grimpa rapidement le marche-pied, et le garde referma sèchement la porte. Les rayons de l'aurore n'éclairaient pas assez l'intérieur pour voir tous les détails des deux banquettes, mais Athelleen y voyait suffisamment pour que son cœur se réjouisse. Son mentor se trouvait assis dans la pénombre, lui tendant les bras en guise de bienvenue ! L'enfant laissa s'envoler ses inquiétudes une fois dans les bras de l'aïeul.

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