Ataraxie

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C’est une chose étrange que de vieillir.

Pour le moment, tout est là, le corps répond présent, mais lentement, les souvenirs, heureux ou malheureux, sont parfois bien précis, parfois proches de l’oubli.

Tout est bien là, mais les couleurs se mêlent, se mélangent, s’affadissent.

Turn to grey, encore une trop vieille chanson qui résume si bien cette dernière partie de ma vie.

Encore un jour gris

gris dans le ciel gris dans mon

cœur gris dans ma vie

Vieillir et ressentir la fatigue des combats perdus, toujours perdus.

J’ai vu Three Mile Island, le nuage de Tchernobyl m’a survolé alors qu’il ne pouvait pas traverser la

France(Ah le coquin!), l’impossible s’est produit à Fukushima.

Le premier ministre de l’époque n’est toujours pas revenu de sa chance : cette semaine là les vents n’ont pas soufflé vers Tokyo, le Docteur Merkel, physicienne de formation, a fermé toutes ses centrales.

Les élections sont proches, et un large consensus se dessine parmi les candidats qui ont une chance crédible de l’emporter : il faut un plan « gaullien » de relance de l’énergie « verte ! »: le nucléaire.

Un plan qui demandera de l’argent, beaucoup d’argent que l’on trouvera dans mes poches, dans vos poches, et une vaste propagande de « culture du risque ! ».

Tant de combats perdus, de « frappes chirurgicales », de sang innocent versé et ce sentiment d’impuissance qui croît en moi.

Même la rage devient grise : elle demande tant d’énergie(nucléaire?) !

Alors vient le cancer de la vieillesse : l’amertume.

Ce sentiment désespérant d’impuissance, ce mauvais goût dans la bouche, ce gris qui efface rires et couleurs : l’amertume.

J’avais tant entendu dire, tant lu, que l’amertume était le poison de la vieillesse.

Étrangement, ces lieux communs ne sont rien d’autre que notre destin !

L’amertume de toutes les pertes : les amis, le corps, la libido, les illusions, les raisons de vivre, les combats.

Oh, il existe tant de réponses, bonnes ou mauvaises, anciennes ou mauvaises à cette amertume , tant de raisons de vivre !

J’aime la réponse de Goethe : le ridicule !

Se donner le ridicule d’aimer à la folie une jeune fille de dix-sept ans, quand on a plus de soixante -dix ans (amour totalement platonique, il convient de préciser!).

Une voie plus raisonnable est la nostalgie : dès que je suis seul j’écoute toute musique pop qui a plus de quarante ans, au minimum ( Hotel california).

Hélas, les lieux communs ont raison : ce qui fait oublier la vieillesse et l’amertume c’est la haine !

Cette drogue violente et addictive empoisonne notre pays. Elle est omniprésente, sous le signe du Z, elle se répand dans toute la population , y compris la jeunesse !

On connaît l’ennemi : le basané, celui qui n’a pas la bonne religion, le bon prénom, qui n’est pas vraiment « français ».

Mais on oublie le plaisir caché, derrière elle : la transgression.

Et tout cet art, pour dire ce qu’il ne faut pas dire, sans le dire, tout en le disant : naïvement, je pensais que le kebab n’était qu’un simple sandwich.

Jamais , je ne suivrai ce chemin, jamais !

Que faire ?

Que faire pour sortir de la haine ?

Que faire pour ne pas sombrer dans l’amertume, la nostalgie, le ridicule ?

Il ne faut pas résoudre les problèmes : il faut les envenimer !

Je suis vieux ?

Mes références sont trop vieilles ?

Alors, il faut devenir vieux, beaucoup trop vieux !

Il faut des réponses beaucoup trop anciennes.

Il faut écouter la sagesse des anciens grecs ou romains.

Je me sens faible, impuissant ?

Il faut renforcer cette faiblesse, cette impuissance.

Rien, je ne changerai rien, absolument rien, ni personne.

Et je ne me changerai pas moi-même.

Je suis totalement impuissant !

Je me sens passif, inactif ?

Alors il me faut être encore plus passif, inactif !

Rien, ne strictement rien faire, rien dire, rien penser.

Juste laisser venir et accueillir : l’arbre, l’histoire, la musique, le nuage, l’oiseau, la peinture, la poésie, le ruisseau, le soleil, la vague, le vent.

Toujours privilégier l’inutile, le stérile, la paresse, l’indolence.

Vois-tu où je te conduis lecteur ?

L’ataraxie, oui l’ataraxie : ce simple mot résume toute la sagesse des anciens.

Elle est la mort de toute puissance, de toute force, ou plutôt la suprême puissance ?

Elle est la mort de toute action , de toute utilité, de toute attente , de toute rage, de toute révolte, de toute rumination, de toute sexualité, de toute reconnaissance, de toute réussite, de toute exigence, de toute crainte, de tout espoir.

Elles est, surtout la mort de tout ridicule , de toute nostalgie et surtout, surtout de toute haine !

Ne te trompe pas lecteur, c’est un chemin difficile, délicat, et je dois te prévenir, très dangereux.

Mais si tu aimes les chemins de traverse : just follow me !

Il te suffira de traverser cette vie, comme le fleuve traverse nos villes…

Le fleuve

Traverse

Nos villes

Calme

Tranquille

Quasi immobile

Le fleuve

Traverse

Nos villes

Sans amour ni haine

Hudson ou bien Seine

Loire indolente

D'Orléans à Nantes

A Londres la Tamise

De la vallée du Po à Venise

Le fleuve

Traverse

Nos villes

Sans qu'on s'y attarde

Sans qu'on le regarde

Comme par mégarde

Le fleuve

Traverse

Nos villes

Le fleuve

Traverse

Nos villes

Le fleuve

Traverse

Nos villes

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