Voilà : C’est ça qu’il m’a dit

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     J’ai préparé ma valise. « Le strict minimum » comme elle l’a dit. Pas besoin d’en prendre plus. De toute façon, j’ai pas à m’inquiéter, elle viendra me voir, le plus souvent possible, comme elle l’a dit. S’il manque quelque chose, je n’ai qu’à lui demander, elle me l’apportera ! Faut pas que j’m’inquiète ! « Y’a pas de soucis ! » C’est ça qu’elle a dit.

    Alors, j’attends. J’observe la  maison. Je ne connais pas cet endroit. Je ne comprends pas ce que je fais là. J’attends dans l’entrée, assis sur une chaise. Près  de la porte. La valise est préparée, comme elle l’a dit. J’attends. Je regarde des photos épinglées sur un panneau en liège, juste en face de moi. Elle ne devrait plus tarder.

    J’ai aéré pour enlever l’odeur de brûlé, j’ai essayé d’effacer les traces noires dans la cuisine, « le strict minimum » comme elle l’a dit. Pas besoin d’en faire beaucoup, elle s’occupera du reste, faut pas que j’m’inquiète, elle a dit. Alors, j’attends. Je ne sais pas ce que je fais là.  J’observe les photos jaunies  exposées dans un joyeux pêle-mêle. Y’a une petite fille aux beaux cheveux blonds. Ses yeux sont d’un bleu rieur. Elle est sur toutes les photos. Elle est souriante et heureuse. Sur toutes les photos.

    J’attends. Elle va arriver. Peut-être elle aura un peu de retard... Faut pas que j’m’inquiète. Mon regard s’attarde une nouvelle fois sur le pêle-mêle. L’autre fois, elle  m’avait déjà questionné sur ces photos.

    « Tu la connais quand même cette petite fille ? Hein ? Tu la reconnais, dis ? Mais fais un effort ! Je t’en supplie !»  qu’elle me disait. Désespérée et furieuse.  « J’ la connais pas cette petite fille, j’vous dis... ! » C’est ça que j’lui ai répondu !  Elle me harcelait sans cesse avec cette gamine et toujours je lui répondais : « J’ la connais pas cette petite fille, j’vous dis ! »  Mais, elle me croyait pas ! J’sais pas ce que j’fais là, j’sais pas ce que j’ai fait. « Il faut que tu partes d’ici ! On n’a plus le choix. » C’est ça qu’elle a dit. C’est pour ça, j’attends.

     La porte s’ouvre.    « Ça y est ? Tu es prêt ? Tu as tout préparé ? Comme je te l’ai dit ? »  Sa gaité est forcée. Elle est inquiète, mal à l’aise. Elle évite mon regard.  Me tend la main et me dit comme ça : «  Allez ! Viens ! Et, n’oublie pas ta valise !». Elle replace d’un geste nerveux une jolie mèche blonde échappée de sa coiffure. Elle s’arrête devant les photos. En décroche une, en particulier, celle d’un père et sa fille main dans la main. Elle soupire très profondément. Jusqu’à bout de souffle. Elle me regarde. Droit dans les yeux. De beaux yeux bleus ! Que j’ me dis. Elle me tend la photo.  Et, elle me dit comme ça, tout gentiment : « Tu veux l’emporter avec toi celle-là ? »

     « Non merci, Madame. J’ la connais pas, moi, cette petite fille. J’vous l’ai déjà dit.»

    Voilà, c’est ça qu’il m’a dit, mon papa.


 

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