Chapitre 26

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 Un mois que la marée neptunienne approchait mettant déjà à rude épreuve l'intégralité de l'Amas cométaire soumis à des forces gravifiques titanesques, qui allaient grandissantes.

 Un mois maintenant qu'Antéa n'avait plus de nouvelles de Nérée.

 Le pic d'intensité de la Marée ne tarderait plus. Une semaine tout au plus. Puis elle décroitrait lentement et d'ici un autre mois tous pourraient rentrer reprendre leurs routines.

 À bord, Antéa s'ennuyait de Nérée et nourrissait une amertume quant à leur séparation qui n'avait pas été la meilleure possible. Elle revoyait le visage contrit de son amant quand il avait compris qu'Antéa avait couché avec un autre peu de temps avant qu'ils ne se soient retrouvés. Concrètement pourtant, Antéa n'avait rien fait de mal.

 « Lorsqu'on recroise un garçon pour lequel on éprouve des sentiments sincères, rien n'oblige à lui dire qu'on a couché avec un autre une paire d'heures auparavant », essayait-elle de se convaincre.

 Le vaisseau d'Antéa s'était éloigné de la zone où l'attraction pouvait s'avérer dangereuse suivant une courbe elliptique qui l'emmenait plus loin dans la ceinture de Kuyper. D'un point de vue extérieur, c'était comme si ce qui paraissait un simple débris rocheux avait été propulsé en dehors de l'Amas à la suite d'une collision en son sein. Il y serait bientôt attiré de nouveau lors de la marée neptunienne.

 Ils étaient cinq à bord de sa comète. Caron le manutentionnaire, Cephei l'intendant, Io la généticienne et Hélya partageaient à nouveau avec elle une promiscuité de moins en moins désagréable à mesure qu'ils apprenaient à se connaitre. Il y avait pourtant un fossé résultant de sa position hiérarchique qui créait une distance qu'Antéa n'appréciait pas. Seule Hélya s'en était affranchie, mais elle était froide vis-à-vis d'elle ces derniers temps.

 Après leur départ, Hélya l'avait beaucoup questionnée sur Nérée. Une curiosité qui allait bien au-delà de leurs ébats. Antéa n'aimait pas cela. Hélya s'intéressait d'un peu trop près à lui ou peut-être manifestait-elle une certaine jalousie ? Il faut dire qu'Antéa s'interdisait tout rapport avec quiconque depuis qu'ils s'étaient retrouvés. Elle avait plusieurs fois éconduit son ancienne amante.

 En début de semaine, les questions d'Hélya avaient cessé. Elle était même devenue franchement distante. Hélya l'évitait. Antéa commençait à se dire qu'elle devait lui faire la tête.

 « Qu'elle boude quelque temps ! pensa-t-elle. »

 Alors qu'Antéa s'ennuyait ferme dans sa cabine, l'on toqua.

 Cephei s'annonça.

 Elle le fit entrer.

— Un souci Cephei ?

— Non... Enfin si.

 Il resta taiseux et embarrassé quelques longues secondes.

— Commandante. Avez-vous pu consulter les capsules d'informations qui nous sont parvenues cette semaine ?

— Non. Je n'ai même pas demandé à mon drone de les récupérer. Pourquoi ?

 Un nouveau silence plana.

— La situation est très mauvaise dans l'Amas.

 Antéa fronça les sourcils.

— Mauvaise à quel point ?

— Il y a eu une vague d'arrestations...

— Il y en a souvent. Et alors ?

 Cephei cilla.

— Je... J'ai pensé que vous devriez voir la photo d'un de ceux qui ont été arrêtés. Vous le connaissez, Commandante.

— Ah bon ? dit-elle stupéfaite. Qui est-ce ?

 L'intendant remua mal à l'aise.

— Il s'agit de l'homme qu'on a entraperçu dans la soute avec vous, commandante.

— Hein ? dit Antéa de la voix éteinte de celle qui n'accepte pas ce qu'on lui dit.

— Et il y a plus grave : Silence Immobile dit qu'il est l'Artiste...

 Antéa ne se rendit même pas compte de la longueur du silence qui s'en suivit. C'était comme si son cerveau s'était mis à cesser de fonctionner. La révélation la laissait sous le choc. Elle refoula des larmes qui lui montaient aux yeux.

— Montrez-moi les capsules, finit-elle par demander la voix étranglée par l'émotion.

Capsule 27/06/2456 – 2.3

Un de nos agents a fortuitement permis le repérage de l'ennemi public numéro 1 de l'Amas, sa mise sous surveillance et l'arrestation de plusieurs de ses complices. Nous connaissions son visage, mais il nous était impossible de le localiser jusqu'alors bien que nous ayons infiltré les réunions de ces dissidents de longue date. Le fait est que personne ne savait de qui il s'agissait. L'homme était très discret et pour cause il était un non déclaré. Il bénéficiait par ailleurs de la protection de plusieurs personnalités du Conseil et vivait d'ailleurs sur la comète n° 1. Il y bénéficiait d'un accès à des ressources illimitées et pouvait diffuser sa propagande anti Silence Immobile sur le sous-réseau en toute discrétion.

Capsule 27/06/2456 – 2.4

À l'heure où je vous révèle ces informations, l'enquête se poursuit toujours afin de comprendre les implications de chacun. Le Conseil est suspendu pour mener des interrogatoires. Silence Immobile appelle le peuple à se méfier d'une tentative de déstabilisation et alerte sur le fait que les dernières allégations de l'Artiste et du Conseil ne sont que des mensonges fabriqués de toutes pièces. Selon des sources non-officielles, l'Artiste travaille pour l'Oligarque. La loi martiale est déclarée dans l'Amas le temps que toute la lumière soit faite sur d'éventuelles collusions.

 La photo de Nérée était nette. C'était bien lui. Cela ne faisait aucun doute. Antéa refoulait au mieux ses émotions, tentant de rester impassible devant son subordonné. Étant donné la gêne de Cephei, son échec était patent.

 Cephei posa sa main sur son épaule.

— Je... Je n'avais pas idée qu'il était l'Artiste, parvint à dire Antéa.

— Je m'en doute, Commandante.

 Cephei expliqua :

— Peu de gens sont au courant, mais depuis la diffusion du scandale, les S.I. occupent la comète du Conseil. L'Oligarque a fui.

— De quel scandale parles-tu ? demanda Antéa en qui une sourde colère montait.

— La Résistance et l'Artiste ont diffusé des preuves datant de plusieurs siècles. Silence Immobile aurait exterminé la moitié des survivants pour imposer son contrôle sur l'Amas. Le journal de bord d'un vieux vaisseau aurait été relayé. Cette histoire a fait le tour de l'Amas... Les arrestations de dissidents ont commencé juste après. Silence Immobile semble aux aboies.

 Antéa devint livide. Elle comprit alors.

 C'était elle qui était indirectement à l'origine de tous ces évènements.

 C'était son cadeau qui valait la prison à Nérée.

 Mais qu'est-ce qui avait pu lui prendre de rendre cette information publique ? Avait-il seulement pensé aux conséquences pour lui ? Pour elle ? se demandait-elle.

 Elle-même se retrouvait désormais en danger, ainsi qu'Hélya...

— J'ai... Des amis, Commandante. Des contacts...

 Antéa releva la tête vers lui, mais elle peinait à se concentrer. Trop de choses étaient en train d'arriver.

— Des amis ?

 Antéa se sentait perdue.

— Il nous faut davantage de preuves si on veut en finir avec les S.I. Mes amis avaient l'air de penser que peut-être vous en auriez ? La Résistance a besoin de vous, Commandante. Et vite avant qu'il ne soit plus possible du tout de communiquer via le sous-réseau des drones. Votre notoriété pourrait nous aider et mes amis peuvent vous protéger. De toute façon, Silence Immobile sait tout de votre relation avec l'Artiste. Par recoupement, mes amis croient même que la surveillance de votre amant a commencé après qu'il soit venu à bord du vaisseau, juste avant notre départ pour cette mission.

 De la colère flamboya dans les yeux d'Antéa. Elle se leva d'un bond :

— FICHEZ LE CAMP DE MA CABINE !

 Antéa sut au moment où elle prononçait ces mots que son énervement était mal dirigé, mais il fallait qu'elle l'exprime.

 Cephei sursauta devant la véhémence de sa réaction.

— Pardon, Commandante. C'est sans doute trop d'un coup. Tout ce qui vous arrive. Je n'aurais pas dû vous demander cela maintenant. Je ne veux pas vous effrayer ou vous peiner davantage.

 Il se retourna vers la porte et – alors qu'il s'apprêtait à sortir – s'arrêta.

— Juste une dernière chose : plusieurs de mes amis pensent que vous avez vous-même prévenu les S.I. Je les ai informés que cette idée est absurde. En vous avouant que j'appartiens à la Résistance et en vous tendant la main, je prends le risque de m'exposer. J'ai confiance en vous. Je suspecte qu'il y a parmi nous un membre des S.I. qui a identifié l'Artiste et prévenu Silence Immobile... Songez-y. Il serait normal de la part de Silence Immobile de surveiller « L'Héroïne de l'Amas ». Vous n'êtes plus n'importe qui depuis ce jour. Si j'étais vous, je commencerais par vérifier les communications émises depuis le vaisseau. Je m'en serai chargé si j'avais les codes d'accès nécessaires.

— Cela pourrait tout aussi bien être vous l'espion qui essayez de gagner ma confiance ! lui lança Antéa, avec une froide colère.

— Non. Ce n'est pas moi. Et je peux répondre de Caron également. Lui et moi avions déjà rencontré l'Artiste lors d'une réunion de la Résistance. Il nous avait parlé d'une fille, mais nous n'avons fait le lien avec vous que récemment, en vous voyant ensemble avant notre départ. Je peux vous le prouver d'une manière un peu bizarre... Nous savons que vous avez fait connaissance avec lui lors d'une fête clandestine devant une... hum... une orgie en apesanteur.

 Et il sortit avant qu'une autre nuance de rouge que celle de la colère ne vienne empourprer les joues d'Antéa.

 La porte de sa cabine se referma.

 Antéa une fois seule lâcha la bride à ses émotions.

 Son univers était en train de s'écrouler. Et maintenant il y avait peut-être un espion de Silence Immobile à bord... Mais quand tout cela cesserait-il ? Quand le sort allait-il cesser de s'acharner sur elle ?

*

 Antéa n'en avait pas dormi. Elle se demandait même si elle pourrait redormir un jour. Sa vie était sur le point de s'effondrer.

 Elle avait éveillé Amitié et ils avaient longuement discuté des derniers développements. Au début de la nuit, Antéa ne savait pas quoi faire ni à qui faire confiance. Au petit matin, elle commençait à y voir plus clair.

 Elle avait tout d'abord fait rechercher par Amitié dans ses mémoires de la première fête où elle avait fait la rencontre de Nérée si Caron ou Cephei étaient présents. Ils ne l'étaient pas et n'avaient pu observer directement les circonstances de la rencontre entre Nérée et elle. Cela ne voulait pas dire non plus qu'un agent des S.I. ou un drone n'avait pas pu capter cet instant. Peut-être Cephei disait-il donc vrai et connaissait-il Nérée ? Si c'était le cas, alors cela excluait aussi Caron de la liste des suspects. Ce dernier aurait fait un piètre espion, de toute façon. Il n'avait pas le profil ou il jouait le bêta à la perfection. L'argument que Caron et Cephei avaient déjà discuté avec Nérée au cours d'une réunion de la Résistance était fragile. Devait-elle croire Cephei ? Seul un membre avéré de la Résistance aurait pu le lui confirmer. Elle en connaissait un à en croire les accusations du Chef des S.I et pas des moindres : leur chef. Le Conseiller Halley, l'Oligarque, se cachait quelque part dans l'Amas. Et si Silence Immobile était incapable de mettre la main sur lui, elle ne risquait pas non plus de le trouver.

 Si Nérée avait bien été identifié en venant à son bord, une recherche autorisée par son grade de Commandante sur les communications émises par les drones présents depuis ce moment ne montrait rien. Peut-être aussi, les agents des S.I. disposaient-ils d'autres moyens pour correspondre ?

 Antéa avait la désagréable impression de sombrer dans la paranoïa.

 Si elle excluait Cephei et Caron, ne restaient comme suspects possibles qu'Hélya et Io, la généticienne.

 Certes, les récents changements de comportements d'Hélya étaient étranges, ses questions également, mais ils pouvaient être mis sur le compte d'une curiosité ou d'une jalousie de sa part.

 Mais pour Antéa, c'était impossible que ce soit elle l'espionne. Hélya lui était trop proche. Une amie. Une amante. Une confidente.

 Quant à cette semaine au cours de laquelle Hélya avait été franchement distante, elle devait avoir vu circuler le journal de bord accusant Silence Immobile et avait dû faire le lien avec leur exploration secrète. Peut-être en voulait-elle à Antéa de lui avoir caché sa trouvaille ? Hélya tout comme elle était mouillée jusqu'au cou dans ce scandale. Peut-être était-elle paniquée qu'on ne remonte la piste jusqu'à leur folle virée sur l'épave ?

 Enfin, Hélya ne pouvait être au service des S.I. C'était absurde. Ça ne cadrait pas du tout avec sa personnalité, elle qui désobéissait tout le temps, aimait s'affranchir des limites, surfait sur les interdits, goutait à toutes les libertés.

 Et par-dessus tout, elle avait confondu Nérée avec son « coup d'un soir » la mettant d'ailleurs dans une fâcheuse posture.

 Ne restait plus que Io la généticienne, dont Antéa ne savait pas grand-chose et qui cultivait une grande discrétion. Elle s'intéressa donc à ses activités de ces derniers jours sans rien trouver de compromettant. Elle semblait être ce qu'elle était une généticienne dévouée à son travail et à la surveillance de la nouvelle génération. Peut-être même cadrait-elle trop bien à son personnage...

*

 Lorsqu'elle ressortit de sa cabine, l'équipage était rassemblé dans la salle commune. Hélya croisa le regard rougi de fatigue et de chagrin d'Antéa. Elle baissa les yeux.

 Antéa ne tarda pas à savoir pourquoi.

 Un silence gênant s'installa.

— Commandante, désolé, finit par dire gauchement Caron.

— Ils sont tous au courant, dit Cephei. Et...

 Il n'osait pas dire ce qui suivit :

— On a reçu l'ordre de Contrôle de vous mettre aux arrêts, Commandante.

— Je suis désolée, Antéa, ajouta Hélya avec une empathie qu'elle ne lui connaissait pas.

 Io comme à son habitude ne dit rien.

 Antéa croisa les bras.

— Et donc. Qu'allez-vous faire ?

 Un long silence suivit cette question.

 Cephei surveillait la généticienne qui restait impassible.

— La vraie question, Commandante, c'est « Qu'est-ce que vous allez faire ? » lui répondit Cephei. Je pense personnellement qu'il serait imprudent de revenir dans l'Amas en pleine Marée pour remettre Antéa aux mains des S.I, dit-il en louvoyant.

 Caron le regarda intensément. Ça cogitait sec dans sa tête.

— Ouais. Pareil. C'est dangereux pour la cargaison.

 Antéa sourit de cette solidarité de son équipage.

 Elle se tourna vers Io qui haussa les épaules.

— Je me range à l'avis de la majorité. Tant qu'on me laisse faire mon travail. Et je ne suis pas officier de toute façon. Je ne sais pas comment se résout un tel problème. Par contre, je ne veux pas que vous m'embarquiez dans quelque chose d'illégal.

 Le visage d'Hélya s'illumina :

— Figurez-vous qu'une mystérieuse avarie dont je vais faire le rapport vient d'impacter la propulsion et rend temporairement impossible notre retour dans l'Amas. Par ailleurs, il va de soi que notre ex-commandante a été consignée sous garde armée dans sa cabine. Enfin... même si la porte reste ouverte et que le gardien est son propre drone.

 Antéa en avait les larmes aux yeux d'émotion.

— Merci, dit-elle.

— D'ailleurs, j'aimerais profiter de ta « détention » pour te parler seule à seule Antéa, ajouta Hélya. On a des choses à se dire.

*

 La porte de la cabine se referma sur les deux femmes.

— Tu es folle de m'avoir caché l'existence de ce témoignage ! attaqua Hélya dont le visage trahissait une sincère colère.

— Je... J'ai pensé... On ne se connaissait pas encore beaucoup et...

— Et c'est moi qui fais n'importe quoi ? Tu nous as mis en danger toutes les deux ! Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Confier ce secret à un mec que tu connais à peine !

 Antéa baissa la tête, piteuse. Les mèches de sa perruque violette cachèrent ses yeux.

— Et comme tu n'as jamais de bol, tu tombes sur le seul type recherché par Silence Immobile qui va s'empresser de balancer tes secrets à tout le monde ! A-t-il pensé aux conséquences pour toi, et accessoirement pour moi ? Votre première rencontre était peut-être due au hasard, mais ça ne peut pas être une coïncidence qu'il soit revenu vers toi après que tu sois devenue une célébrité. La Résistance voulait te recruter et au final tu leur as donné bien plus qu'ils n'espéraient. Tu crois peut-être qu'il ne va rien dire quand les S.I. vont lui demander où il a obtenu le carnet de bord ? Il va balancer ton nom ! Et mon tour viendra après, quand ils te feront parler ! Ah, tu t'es bien fait avoir ! Tu es vraiment la reine des connes !

 Antéa ne put se contenir davantage.

 Que ce soit à cause de la fatigue, de la peur, de la culpabilité, des remous provoqués par cet excès de franchise d'Hélya, Antéa s'effondra. Ses jambes se dérobèrent et elle tomba assise sur le sol, inerte. Là, elle fondit en larmes et eut juste la force de faire glisser sa perruque sur sa bouche dans laquelle elle cria de rage. Cet homme qu'elle aimait n'avait eu aucune considération pour sa vie en rendant public son secret.

 En voyant son amie plongée dans un tel état, la colère d'Hélya se dissipa.

— Excuse-moi. Je me suis emportée, ma belle. Calme-toi. Je suis tellement en colère que j'en oublie que tu es la victime de ce salaud.

 Elle l'aida à s'assoir sur sa couchette. Antéa se laissa manipuler comme une poupée de chiffon.

— Ce n'est pas de ta faute. C'est de sa faute. Je vais trouver une solution pour te sortir de ce bourbier.

 Antéa n'en était pas convaincue, mais son cerveau avait disjoncté. Il n'était plus qu'un feu d'artifice d'émotions à l'état brut et deux torrents se déversaient de ses yeux tandis qu'elle reniflait pour empêcher la morve de s'écouler par son nez.

 Hélya continua de lui dire des mots apaisants, promenant ses doigts à la racine de ses courts cheveux qui avaient déjà repoussé.

 Au bout d'un moment, quand les hoquets de sanglots d'Antéa cessèrent, Hélya se pencha sur elle et embrassa ses lèvres chaudes et humides. Puis, elle déposa d'autres baisers sur son visage. Ses mains se mirent à caresser doucement ses épaules, ses bras, ses mains.

 Longuement, elle la câlina ainsi.

 Petit à petit, le sentiment de solitude d'Antéa se retrouva supplanté par un besoin d'être aimé, d'être serré par un autre corps, puis par du désir.

 Elle lui rendit timidement ses caresses.

 Puis, elles firent toutes deux l'amour avant qu'une lame de fond de sommeil ne fauche Antéa.

*

 Lorsqu'elle se réveilla, Hélya était à côté de la couchette enroulée dans un drap, pianotant dans l'air des instructions dans un environnement holographique de contrôle. Elle l'éteignit.

— J'ai prévenu l'équipage que tu avais besoin de repos. Tu étais à fleur de peau. La fatigue... Tu te sens mieux ?

— Oui. Je crois. Grâce à toi.

 Hélya esquissa un sourire complice.

— Je m'excuse pour ce que je t'ai dit. J'ai été trop dure, même si je maintiens que tu t'es bien fait arnaquer par ce type.

 Antéa ne répondit rien.

— On ne peut plus changer ce qui est fait. Est-ce que je peux t'aider à quelque chose pour éviter que tu ne craques pour de bon ?

 Antéa réfléchit.

— J'ai peut-être besoin de ton aide. Il se pourrait...

 Antéa hésita. Si elle ne pouvait faire confiance en Hélya, en qui le pouvait-elle ?

— ... Qu'il y ait un espion de Silence Immobile à bord.

 Hélya prit une mise soucieuse.

— Tu suspectes quelqu'un en particulier ?

— Je ne sais pas.

— Caron pourrait être assez bête pour s'être fait embobiner par Silence Immobile, tu ne crois pas ?

— Non. C'est un idiot. Et il m'a défendu tout à l'heure.

— Il peut très bien faire semblant.

— Il se peut qu'il soit lié à la Résistance. Ce... Ce n'est sans doute pas lui.

 Antéa se conspua intérieurement d'avoir révélé cette possible connexion.

 Hélya fronça les sourcils.

— Et Cephei ?

— Je ne pense pas que ce soit lui non plus.

— Pour la même raison que Caron ?

 Cette fois-ci, Antéa se ressaisit.

— Non pour d'autres raisons. J'ai des soupçons concernant Io.

— C'est vrai qu'elle ne sort guère de son labo et que dans le genre réservé, on ne sait presque rien d'elle. Tu veux que je m'intéresse à elle de plus près ?

 Antéa lui jeta un regard interrogateur.

— Non pas dans ce sens-là. En tout bien tout honneur. De toute façon, je ne l'intéresse pas sur ce plan.

 Antéa pouffa.

— Tu as essayé de te taper Io ?

— Rectificatif : j'ai essayé de me taper tout l'équipage et il n'y a qu'avec elle que je ne l'ai pas fait.

 Antéa sentit de la jalousie monter en elle et se rembrunit un peu. Hélya sembla s'en apercevoir.

— Ceci dit, je pourrais calmer mes ardeurs quelque temps si ça te faisait plaisir...

 Un silence se fit.

— Peut-être, répondit Antéa. Je dois y réfléchir. Je ne suis pas moi-même en ce moment.

 La perspective d'une liaison durable avec quelqu'un d'aussi volage qu'Hélya ne suscitait pas en elle un enthousiasme effréné. Mais dans l'immédiat, le soutien de cette amante lui apparaissait vital. Nérée l'avait en quelque sorte trahi et profondément blessé, en plus de lui faire courir un danger mortel.

 Elle se serait sentie si seule, sans Hélya.

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